ENCYCLOPEDIE -DE--LA--LANGUE -FRANCAISE
ABEILLE

APIDAE

Les tribus hautement sociales, APINI---

Le GENRE APIS

---APIS MELLIFERA---

( II )

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--LA REPRODUCTION-
DE
L'ESPÈCE

L'ESSAIMAGE
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INTRODUCTION
 

Avant de parler de la reproduction des individus eux-mêmes rappelons que l'aspect anatomique a été traité aux chapitres de L'APPAREIL REPRODUCTEUR DU MÂLE et L'APPAREIL REPRODUCTEUR DE LA REINE. Par ailleurs, il est bon de dire un mot de la reproduction de l'espèce elle-même, assez particulière du point de vue de l'évolution des espèces. En effet, Charles Darwin avançait que seuls les individus les plus aptes étaient favorisés par la sélection naturelle, alors que la quasi-totalité des insectes sociaux sont stériles. Dans ce cas si peu avantageux a priori, comment la sélection naturelle a pu transmettre les caractères sociaux de ces insectes, dont nos abeilles domestiques sont pourvus ? Darwin a trouvé la parade en étendant la sélection naturelle non pas au seul individu mais à l'ensemble de sa famille, que la génétique moderne tente de confirmer par la théorie de la sélection de parentèle (Hamilton, 1964*) :
"Durant la plus grande partie du cycle de vie des colonies, la fonction de reproduction n’est assurée que par la reine. Du fait que les ouvrières s'occupent de sa progéniture (donc de leurs sœurs) sans pondre elles-mêmes, leur comportement peut être qualifié "d'altruiste". Ce terme a été défini comme suit par Hamilton en 1964 : à titre apparemment gratuit, un individu cède de la nourriture à un congénère, diminuant ainsi sa propre valeur sélective (nombre d'enfants qui lui survivront) et augmentant les chances de survie ou de reproduction de ce congénère." Hamilton propose "pour cadre explicatif la théorie de la sélection de parentèle, ou « kin selection theory ». Etant donné que (1) les colonies sont monogynes et monoandres (Estoup et al., 1995) et que (2) les mâles sont haploïdes et les femelles diploïdes, les ouvrières sont sœurs et ont trois quarts de leur génome en commun (la totalité du génome paternel et la moitié du génome maternel). Par contre, elles ne partagent que la moitié de leur génome avec leurs propres filles et fils et un quart de leur génome avec leurs frères. Il semble alors plus avantageux pour les ouvrières de s'occuper de leurs soeurs que de leurs filles et de leurs fils que de leurs frères. S’occuper de ses frères n’est avantageux que pour les ouvrières stériles (Trivers et Hare, 1976), ce qui n’est pas le cas des ouvrières de bourdons. Dès lors, suivant la théorie de la sélection de parentèle, les intérêts des ouvrières et de leur mère sont communs tant que la reine produit des filles. Un conflit d’intérêts surgit lorsque la reine produit des mâles." (nous examinerons ce problème dans un autre chapitre).

extraits de : http://www.univ-tours.fr/irbi/UIEIS/Theses-DEA/Lefebvre-these.pdf

* Hamilton, 1964 : Hamilton, WD (1964a) The genetical evolution of social behaviour. I. J. Theor. Biol. 7, 1-16
Hamilton WD (1964b) The genetical evolution of social behaviour. II. J. Theor. Biol. 7, 17-52

Une abeille sociale étant incapable de survivre seule (les ouvrières survivent quelques jours, les reines et les mâles à peine quelques heures), des chercheurs vont jusqu'à prétendre qu'une colonie d'abeilles est une entité vivante à part entière, et font souvent référence, en en parlant, à un concept de "superorganisme" (Wheeler 1928 ;Wilson, 1975 ; Seeley, 1989 ; Moritz et Southwick 1992 ; Moritz et Fuchs 1998 ; Queller et Strassmann 2002).

La vie d'une société d'abeilles est rythmée par les saisons. En hiver, dans les régions tempérées, les abeilles ne connaissent pas d'hibernation, mais un hivernage qu'on appelle aussi diapause, pendant lequel leur métabolisme est à l'état presque léthargique, leur activité étant limitée à l'essentiel. Elles demeurent près des réserves de nourriture (pollen et miel) et protègent la reine du froid en l'entourant, en grappe. Au centre de la grappe, la température minimale de la colonie devra être de de 13°C et en périphérie, de 8°C (Winston, 1987). Dans les pays tempérés, la colonie consommera 19 à 25 kg de sucres entre l’automne et la fin de l’hiver, pour des températures oscillant entre –4°C à +7°C (Farrar 1952, 1960; Dyce and Morse, 1960; Johanson and Johanson, 1969).
 
Au printemps, la reine, nourrie alors à la gelée royale, se servant de ses réserves spermatiques, recommence à pondre à un rythme progressif, jusqu'à la cadence infernale de 2000 œufs par jour. C'est à ce moment-là que les réserves de miel et de pollen seront le plus entamées, à défaut de ressources florales suffisantes. Puis, selon les latitudes, quand la colonie parvient au maximum de sa maturité (taille, nourriture, mixité), c'est le temps de l'essaimage (qui n'est cependant pas systématique, nous le verrons). L'été est la saison la plus active, celle où les abeilles récoltent et produisent le plus, afin que, l'automne venu, les ressources diminuant petit à petit jusqu'à un nouvel hiver, elles puissent constituer des réserves suffisantes pour toute une saison qui peut être anormalement longue ou rigoureuse.
 

 L'ESSAIMAGE  

Introduction

L'essaimage naturel représente le contexte naturel de la reproduction de la colonie, mais il n'en est pas une condition exclusive (en moyenne 4 colonies sur 10 en ruchers). Cette reproduction peut avoir deux autres cadres : la disparition accidentelle d'une reine et le "détrônement" d'une reine du fait de son vieillissement. Néanmoins, c'est le moment emblématique de la société des abeilles, un moment impressionnant d'ailleurs, pour tous ceux qui ont pu, un jour ou l'autre en être témoin. Nous commençons par lui pour raconter la vie de nos abeilles domestiques, car il est leur premier "acte social", selon les termes de Maurice Mathis (Vie et mœurs des abeilles, Payot 1951), une sorte d'année zéro pour une nouvelle colonie. On observe dans nos contrées des essaimages de fin avril à début août, les pics d'essaimage ayant lieu en mai et juin, on compte jusqu'à quatre essaimages par an et par colonie.

Il ne faut pas confondre l'essaimage naturel avec n'importe quel rassemblement de la colonie. Dans certaines situations, les abeilles quittent le nid en masse, mais pour de mauvaises raisons et cet abandon du nid est appelé désertion. Il peut être dû aux désordres causés par un parasite, un stress dû à de mauvaises conditions de vie (température inadéquate, espace restreint, nourriture en faible quantité, etc.). Les abeilles peuvent ainsi quitter une ruche au printemps en laissant derrière elles des cellules vides de larve et de nourriture, on nomme ce faux essaim un "essaim de Pâques". Mais cela peut se passer en été, et elles peuvent, dans ce cas, abandonner tout le couvain, rempli de larves à divers stades d'évolution.

Que l'abeille disparaisse prématurément, qu'elle vieillisse et devienne trop peu fertile ou quitte normalement la ruche pour essaimer, ce sont les subtils messages phéromonaux qu'elle envoie ou non à toute la colonie qui indiquent à toutes les abeilles la conduite à tenir, tout spécialement la QMP (Quenn Mandibular Pheromon), la phéromone la plus importante de la glande mandibulaire de la Reine, qui régule de nombreux comportements : voir les glandes mandibulaires. Dans le cas qui nous intéresse, l'essaimage, l'action inhibitrice des cellules royales n'est plus commandée efficacement. La ruche étant surpeuplée, la QMP ne circulerait plus de manière efficace dans toute la ruche car les ouvrières, alors en surnombre, ont moins de liberté de se déplacer, ce qui déclenche la confection de nouvelles cellules royales (une douzaine) chez les ouvrières qui ne perçoivent pas l'information inhibitrice. Ce sont des cellules plus allongées que celles des ouvrières, et qui pendent de manière particulière à la base ou sur le côté des rayons. Les larves qui y auront été déposées par la reine seront nourries par les ouvrières à la gelée royale, et c'est cette substance qui confèrera à l'individu ses caractéristiques royales. Une douzaine de jours après les constructions des cellules royales se produit l'essaimage.

Certains chercheurs (Lensky) ont montré aussi que, dans la même situation, la reine est empêchée de déposer les phéromones de ses glandes tarsales dont elle imprègne les bords de la ruche en la parcourant (d'où son appellation anglo-saxonne de foot-print pheromone) et qui est, avec la QMP, un inhibiteur dans la construction des cellules royales. Ainsi, si une reine est libre de circuler où bon lui semble (déposant donc assez de glande tarsale), mais que la ruche n'est pas surpeuplée (les ouvrières reçoivent donc une dose de QMP), les cellules royales ne seront pas bâties entièrement. L'hormone tarsale agit donc conjointement avec la QMP : voir aussi glandes des pattes. En conséquence, à partir de l'annonce de nouvelles naissances royales, et peut-être simultanément à celle-ci, un certain nombre de messages forment une synergie chimique qui représente dans le langage des abeilles leur départ en voyage, mais nous n'en connaissons pas encore tout le détail. D'autre part, des expériences ont montré que ce n'est pas la présence volatile des hormones qui déclenche l'inhibition des cellules royales. Si la reine fait défaut (et ne peut donc pas laisser sa phéromone tarsale) la construction de ces cellules n'aura pas lieu.
 
dessin extrait de la revue La Hulotte, n°28-29
 

Le départ

Recevant des messages chimiques, nous l'avons vu, le comportement des abeilles change. Elles sont plus apathiques, moins portées au butinage. Il se produirait parfois des "danses bourdonnantes" (buzzing run, buzzing dance) avant l'essaimage et les ouvrières émettent des sons qu'on dit parfois "flûtés", qu'on appelle "signaux de vibration" (voir danses de vibrations) sans que l'on sache encore bien les décrypter. La reine aussi, produit un son particulier, très intense, qu'une oreille humaine perçoit aisément, et elle inciterait ainsi les reines à se développer et à se préparer à éclore. Celles-ci lui répondent en finissant par synchroniser leurs réponses.
 
Des abeilles voleraient et percuteraient d'autres abeilles pour les inviter à partir. Diverses raisons à cela : Il fait plus de 18°, la population de la ruche est trop nombreuse, il y a un déséquilibre entre le nombre de larves du couvain et les ouvrières trop nombreuses, ou encore une miellée importante. La reine et les ouvrières se gavent de miel avant le départ et, très souvent, les ouvrières font ce qu'on appelle dans le jargon apicole "une barbe" (que les abeilles effectuent aussi pour réduire la température de la ruche, en la ventilant) :
Deux à trois minutes suffisent à 10.000 abeilles pour quitter, à la suite de la reine ,ce qu'on nomme "la souche" de la colonie. Le premier essaim ainsi formé (ou essaim primaire) de 2 à 4 kg, de 10.000 à 60.000 abeilles, se suspend en grappe à une branche, le plus généralement, mais une cavité quelconque peut faire l'affaire, parfois, sur une maison, dans une voiture, sur une poubelle, etc., de quelques heures à quelques jours. Très vite, des groupes d'ouvrières appelées "éclaireuses" s'envolent par douzaine dans différentes directions à la recherche d'un lieu où se fixera la colonie.
 
Au retour, les abeilles qui ont effectué des recherches fructueuses communiquent de diverses manières avec leurs congénères : par des messages chimiques essentiellement produits dans l'abdomen, particulièrement la glande de Dufour (alkanes, tricosane, pentacosane, alkenes, Z-(9)-tricosène, Z-(9)-pentacosène, voir aussi la glande de Nasanov), par des sons, des vibrations produites par les ailes, l'abdomen, mais surtout l'organe de Johnston et enfin, les fameuses danses frétillantes analysées pour la première fois par le célèbre Karl von Frisch (1886-1982).

Les danses frétillantes permettent aux éclaireuses d'indiquer à leurs congénères la direction et l'éloignement du lieu. Ces données seraient évaluées par l'abeille à partir de la quantité totale du flux visuel accumulée pendant le trajet (Esch HE, Zhang S, Srinivasan MV, Tautz J. Honeybee dances communicate distances measured by optic flow. Nature. 2001). De récentes recherches, reprenant les travaux de Lindauer (années 50), ont montré que l'exubération des danses exécutées sont liées aux conditions remplies par le nouveau lieu d'accueil : adaptation à la taille de l'essaim, endroit protégé du vent, au sec, entouré de fleurs servant à la nourriture, et pour protéger le nid des intempéries et des prédateurs, il doit être situé à plus de trois mètres du sol, avec une entrée étroite, et plutôt orienté au sud.
 
Les groupes d'éclaireuses augmentent par recrutement, au fur et à mesure que les abeilles, ayant suivies les unes et les autres sur les lieux d'élection, convainquent à leur tour d'autres abeilles, jusqu'à ce qu'il y ait unification, que les abeilles deviennent un seul groupe dansant la même danse, pour aller dans la même direction, se fixer sur leur nouveau lieu et pour construire de nouveaux rayons. Dans un rucher, l'apiculteur expérimenté aura noté l'évolution de la ruche portée à l'essaimage. Il suivra du mieux possible le déplacement de l'essaim, l'enfumera et coupera, le cas échéant, la branche sur laquelle il s'est posé, avant de le déposer délicatement dans une nouvelle ruche que les abeilles voudront en général habiter : c'est l'enruchement. Parfois, l'apiculteur place aux abords du rucher des ruches miniatures appelées ruchettes, qui proposent un accueil sur mesure aux essaims, ce qui facilite le travail de l'apiculteur, dans la récupération de ses abeilles. Traditionnellement, les apiculteurs possédaient aussi des paniers à essaims, très proches des ruches par leur forme :

  Escriña, panier fait d'escriño, un tressage de paille et de ronces pour recueillir un essaim. Apiculture traditionnelle de la région de Palencia, région de Castille et Leon, Espagne.
 
Mais toutes les abeilles domestiques n'habitent pas chez l'apiculteur et, dans la nature, les abeilles construisent un nid à leur façon :

nid sauvage d'Apis mellifera, Ruthven, Ontario, Canada.

L'anecballie (du grec : an, ne pas, ec, dehors et ballein, jeter, par extension :
qui ne rejette pas au dehors).

"Il existe en effet deux sortes d’anecballies : celle provoquée par la médiocrité génétique d’une reine, c’est la mauvaise, et l’autre, la bonne, survenue parce que la race a perdu sa nature essaimeuse.
 
Dans le premier cas, les abeilles sont anecballiques par impuissance: les mères ne pondent pas assez pour produire une forte population, celle-ci n’a pas tendance à essaimer. Ces lignées dégénérées sont appelées à disparaître, et c’est un bien car elles ne laissent aucun profit à l’apiculteur. Il en est tout autrement dans le second cas* où la qualité de non essaimeuse va de pair avec la fécondité, le courage et la vitalité. Celles-ci ne dépérissent pas : effectivement ce n’est ni l’anecballie, ni même la consanguinité qui provoquent la dégénérescence d’une race saine. Il suffit pour s’en convaincre de songer à toutes les perpétuations d’espèces par génération asexuée, par scissiparité, ou le mode de reproduction ne laisse place à aucun mélange, à aucune hybridation, et cependant ces générations restent parfaitement fortes, pleinement vigoureuses depuis des millénaires."
 
"Sélectionner ses abeilles pour éviter l’essaimage est une chose possible ! Tout d’abord, il y a les races : la carniolienne du commerce est la plus essaimeuse ; la caucasienne est la moins essaimeuse. Certaines italiennes n’essaiment que tous les deux ou trois ans. Chez les abeilles indigènes, les campinoises sont celles qui donnent le plus de rejets. Mais, parmi les souches d’abeilles, qu’elles soient noires, jaunes ou croisées, il y a des différences notables. C’est parmi les souches les moins essaimeuses qu’il faut choisir celles que l’on destine à la reproduction.
Il existe des abeilles peu essaimeuses ; chez celles-ci, le remplacement annuel des reines peut suffire. Il en est qui renouvellent régulièrement leur reine en temps opportun, sans intervention de l’apiculteur."


extrait de :
article de R. Lietar, dans La Belgique Apicole, 16(10), 1952, p 245-247
http://perso.fundp.ac.be/~jvandyck/homage/artcl/lietar52_2fr.html

* Les colonies d'abeilles anecballiques sont appelés parfois colonies d'élite.

extrait de :
article de Hector Wallon, dans La Belgique Apicole, 2(5), 1938, p 150-153,
http://perso.fundp.ac.be/~jvandyck/homage/artcl/wall38_2.html

 
 
"ESSAIM ARTIFICIEL
 
« Tous les apiculteurs savent combien l’essaimage naturel est incertain » écrit Langstroth. Tandis que certaines colonies donnent plusieurs essaims, d’autres, également nombreuses en abeilles et aussi bien approvisionnées, ne se décident pas à essaimer. » Della Rocca constate, comme nous l’avons déjà noté que « les essaims forment le plus grand profit des ruches ». Ces raisons nous font comprendre la recherche d’une solution par l’essaimage artificiel.
 
La pratique de l’essaimage artificiel remonte aux temps les plus anciens. Voici la technique encore courante au XVIIIe siècle dans l’île de Favignana, petit rocher situé dans la Méditerranée, à peu de distance des côtes de la Sicile, rapportée par François Huber.
 
« Les industrieux Favignanais construisent leurs ruches en bois : ce sont des caisses carrées longues dont les fonds antérieurs et postérieurs sont mobiles ; la caisse elle-même étant ouverte par le bas, repose sur son tablier : c’est avec ces ruches qu’ils pratiquent leur essaim de la manière suivante. Le printemps étant de beaucoup plus précoce chez eux que chez nous, ils peuvent procéder dès le mois de mars à la multiplication des ruches. Dès que les abeilles rapportent des pelotes, ils jugent le temps favorable à cette opération ; ils transportent alors la ruche à une certaine distance du rucher, ils l’ouvrent par le fond postérieur et chassent les abeilles avec de la fumée dans la partie antérieure, ils y coupent quelques gâteaux, qui contiennent ordinairement du miel ; chassant ensuite les abeilles dans la partie postérieure, ils prennent un certain nombre de rayons dont les uns sont vides, les autres remplis de couvain de tout âge (couvain d’ouvrières qu’ils appellent latins), ils transportent aussitôt ces rayons dans la nouvelle ruche qu’ils tiennent pour cela renversée et ouverte par dessus, ils les établissent dans le même ordre où ils les ont trouvés dans ruche-mère, et les font tenir au moyen de chevilles qui traversent depuis le dehors : cela fait, ils portent cette nouvelle ruche à la place de l’ancienne, et éloignent celle-ci à cinquante pas du rucher ; les abeilles qui reviennent de la campagne, trouvent une ruche analogue à celle dont elles étaient sorties, s’y logent, élèvent le couvain et prospèrent. »
 
On peut se rendre compte de l’ingéniosité et de la perfection de cette méthode qui remonte à Columelle ; mais jusqu’à la découverte fondamentale de la transformation d’une larve destinée à donner une abeille-ouvrière en une larve donnant une reine, par le philosophe allemand Schirach, aucun apiculteur ne savait exactement ce qu’il faisait. En fait, le procédé de Favignana est une division de colonie ou la constitution d’un essaim naturel possédant en plus un certain nombre de rayons. Il n’est pas certain que ces apiculteurs n’attendaient pas la présence de cellules royales naturelles pour procéder à cette opération bien que François Huber n’en dise rien. Ils évitaient ainsi une grande perte de temps.
 
Le procédé de Lombard, qui est encore utilisé de nos jours par les apiculteurs sous le nom d’« essaimage artificiel par tapotement », consiste à faire passer une partie des abeilles d’une ruche en paille dans une autre, vide, en ayant soin d’y faire pénétrer la reine. Cette ruche est placée à une certaine distance de la ruche-souche et les abeilles se comportent comme celles d’un essaim.
 
Avec les ruches à cadres, la mise en essaim d’une colonie est une opération des plus aisées. Il suffit de brosser devant une ruche vide, les abeilles de tous les cadres pris individuellement. L’opération pratiquée par les Favignanais est rendue particulièrement facile, d’une part par la mobilité des cadres et de l’autre par la possibilité de se rendre compte de la puissance de la colonie.
 
L’essaimage artificiel, quelle que soit la technique mise en œuvre, peut rendre de grands services à l’apiculture, mais il nécessite pour sa réussite une connaissance très exacte de la localité au point de vue mellifère ; de toute manière il ne peut être pratiqué que dans des limites de temps très faibles, se rapprochant le plus possible de la période naturelle de l’essaimage.

Vie et Mœurs des abeilles, Maurice Mathis, Payot 1951.
extrait de : http://perso.fundp.ac.be/~jvandyck/homage/books/mathis/MM1951/A3.shtml

 
 
 

L'activité de la ruche pendant l'essaimage.
 

Pendant le temps de l'essaimage, l'activité principale de la souche est de se doter d'une nouvelle reine. S'il n'y a pas un deuxième essaim* en préparation, la première reine qui émerge d'une cellule royale cherche les autres reines et les détruit dans leurs alvéoles. Dans le cas contraire, ou si l'essaimage est retardé, par exemple à cause du mauvais temps, les reines vierges seront empêchées d'éclore, à l'exception d'une seule. Cette jeune reine émergera et produira une sorte de son (qu'on appelle aussi chant, piping, en anglais), destiné à retarder l'émergence des autres reines : c'est le tooting, ou chant de la reine. C'est un son puissant, parfaitement audible pour l'oreille humaine, et il est produit par le frottement du thorax de l'animal contre la ruche. Les autres reines, de l'intérieur de leurs cellules, encore operculées, répondent par d'autres chants, que l'on appelle quacking, synchronisés au fur et à mesure. Les ouvrières aident à respecter le délai d'éclosion en frottant leur abdomen contre les cellules royales pour produire des vibrations qui répercutent l'information auprès des autres abeilles. Elles s'appliquent ainsi à boucher les ouvertures pratiquées par les reines dans leurs cellules pour sortir, durant quelques heures à quelques jours. L'intensité et la forme de ces chants varient d'une espèce à une autre. Chez A. mellifera, le tooting correspond à un cri de 2 secondes, suivie d'une série de sons plus brefs, d'un quart de seconde chacun.

* dit essaim secondaire, dû surtout à une surpopulation de la colonie. Plus rarement il y aura une troisième division de la souche : c'est l'essaim tertiaire.

Après le délai dont il a été question, les ouvrières laissent les reines émerger l'une après l'autre, à chaque fois un combat a lieu, jusqu'à ce qu'il n'en reste qu'une seule. Les cadavres sont jetés en dehors de la ruche par des ouvrières qui ont leur statut d'abeille nettoyeuse. Parfois, en cas de surpopulation encore, une jeune reine quitte la colonie avec un groupe d'abeilles sans tuer les autres reines : c'est un rejet d'abeilles.
 
D'autres évènements que l'essaimage peuvent concourir au changement de reine, on les désigne par le terme de supercédure (ou supersédure : du latin super, sur, et sedere, s'asseoir, par extension : avoir le pouvoir, régner). Quand une reine vieillit et ne possède presque plus de réserve de sperme dans sa spermathèque, elle pond des œufs non fécondés, donc des faux-bourdons : la reine est alors qualifiée de bourdonneuse. Cette situation qui met en péril la colonie, alors privée de femelles ouvrières, est prise en mains par les ouvrières, justement, qui entourent la reine jusqu'à l'étouffement : on dit que la reine est " emballée ". Que sa mort survienne de manière criminelle ou naturelle, de jeunes reines sont alors élevées, dont une seule survit en tuant à chaque fois les autres prétendantes au trône, réduisant à néant les autres cellules royales.

cellules royales d'un nid en situation de supercédure

Parfois, les deux reines se tolèrent car, dès ce moment, la vieille reine infertile n'est plus une concurrente et meurt d'ailleurs bien vite, généralement, après les noces royales de la nouvelle souveraine, que nous allons examiner au prochain chapitre, lors de ce qu'on nomme le vol nuptial.

sources textes :

- http://www.db-alp.admin.ch/de/publikationen/docs/pub_BogdanovS_2006_16291.pdf
- http://www.beekeeping.com/anercea/secretions.pdf
- http://tecfa.unige.ch/tecfa/teaching/UVLibre/0001/bin35/abeilles/danse/danse.html
- http://www.beesource.com/pov/wenner/sci1964.htm
- http://www.cari.be/medias/Permanent/von_frish.pdf?PHPSESSID=7b21a917b569a216d46ed053ce24f81e
- http://gdsa29.free.fr/pub/bulletins/gdsa29-011.pdf
 

sources images :

 
- http://www.casimages.com/img/jpg/0707020318095196794438.jpg (barbe)
- http://www.ojodigital.com/foro/flora-y-fauna/135442-enjambre.html (essaim)
- http://birdbanding.blogspot.com/2007/01/comments-on-beehive-at-ruthven.html (colonie sauvage)
- http://www.beginningbeekeeping.com/SwarmingHoneyBees.html (supercédure)
 
 

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