ENCYCLOPEDIE -DE--LA--LANGUE -FRANCAISE
ABEILLE

APIDAE

Les tribus hautement sociales, APINI---

Le GENRE APIS

---APIS MELLIFERA---

( IV )

 
 
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--L'OUVRIÈRE--

( 1 )
-
L


 

INTRODUCTION
 

 
Comme leur nom l'indique, ce sont les abeilles ouvrières qui sont les travailleuses de la colonie (workers, en anglais), il suffit de jeter un œil rapide à leur agenda, ci-dessous pour s'en rendre compte. Avant de présenter celui-ci, il est utile de préciser que la répartition des tâches, si elle est fonction grosso modo de l'âge de l'abeille ouvrière (Rösch1925, 1927 a, 1927 b, 1930 ; Lindauer, 1961), dépend de bien d'autres facteurs, nous allons en parler plus loin. On sait en tout cas que l'âge lui-même peut-être très variable d'une abeille à l'autre remplissant la même tâche, que les abeilles peuvent être multitâches ou, au contraire, se spécialiser pour le reste de leur vie à une tâche bien précise. Cette spécialisation se nomme polyéthisme, et on en a une petite idée depuis longtemps. Butler, par exemple, dans Treatise concerning Bees, publié en 1609, remarque que les jeunes abeilles restent dans la ruche et que les plus âgées butinent.
 
Cette spécialisation, nous allons le voir, est très souple et très complexe. En effet, de nombreux facteurs, associés entre eux, régissent à la fois le temps de prise et la durée des fonctions occupées par les abeilles ouvrières, tels :
- les prédispositions génétiques : lignée, race (Calderone et Page, 1988).
- le nombre des individus du nid à élever
- les ressources disponibles en nourriture
- les conditions climatiques
- le niveau de prédation
 
Ainsi, sous diverses contraintes, les individus de la colonie sont susceptibles d'accélérer, de ralentir, de retarder, voire d'inverser leur développement comportemental. Certains passent de l'activité à l'inactivité selon le volume des tâches nécessaires à effectuer ((Breed et al., 1990). Mieux, dans une colonie privée de jeunes abeilles, les glandes hypopharyngiennes, mandibulaires, salivaires, cirières des ouvrières âgées vont même s'activer à nouveau pour compenser ce déficit (Rösch, 1930 ; Page et al. ; 1992 ; Robinson et al., 1992). Tout ceci prouve la grande adaptabilité des abeilles aux aléas de leurs conditions de vie et explique la fourchette importante des âges dits spécialisés (à certains travaux). Certains chercheurs pensent même qu'avant la période de butinage, la division des tâches n'est pas rigoureuse (Kolmes 1985a, b, 1986). Cependant, Seeley et Kolmes (1991) pensent que les ouvrières passent systématiquement par un ou deux stades comportementaux avant de devenir butineuses. Robinson (1987a) confirme ce fait mais n'accepte pas les subdivisions en trois castes d’âge proposées par Seeley (1982)
 
Enfin, et ce sera peut-être une découverte pour certains, il n'y a pas que les mâles qui se font entretenir mais aussi un nombre parfois conséquent d'ouvrières, élevées en surplus et qui demeurent inactives parfois pendant une grande partie de leur vie. C'est le contingent de réserve de la ruche, prête à prendre du service à n'importe quel moment, dès que les besoins de la colonie s'en font sentir, ce qui rejoint la remarque faite plus haut sur les facultés d'adaptation de l'abeille. Par ailleurs, on soupconne de plus en plus ce groupe de repos de patrouiller dans la ruche pour passer des messages phéromonaux dans les moments importants de la vie de la colonie : essaimage, découverte d' une source abondante de nourriture, maladies, attaques de prédateurs, etc. D'autre part, ils participent aussi à certains travaux comme l'élaboration du miel, en ajoutant au nectar les enzymes nécessaires à sa transformation (voir nectar).

Voici deux tableaux récapitulatifs des âges de spécialisation de l'ouvrière Apis mellifera :


tableau basé sur Michener (1974), extrait de : http://www.culturaapicola.com.ar/apuntes/criareinas/feromonas_regulacion_apis_tratado.pdf

 
 AGE DE L'OUVRIERE
en moyenne
(à compter de son émergence hors de la cellule)
Ces dates correspondent à une fourchette de début et de fin d'activité et non le temps de vie d'un seul individu

 ACTIVITÉS principales

basé sur Michener (1974)

  1e jour - 9e jour environ
  - Nettoyage des cellules, vidage des saletés et autres résidus.
- operculation des alvéoles vers le 3e jour (les glandes cirières fonctionnent mais ne sont pas à maturité)
  4e - 16e jour environ
- Nourrice des larves de moins de 4 jours (4e - 11e jours),
- Demoiselle de compagnie de la reine (soins, transmission de messages chimiques à l'ensemble de la ruche, etc.)
- Maçonne. Élaboration de la propolis pour l'égalisation des bords du couvain, les divers calfeutrages et réparations de la ruche.
- Nourrice des larves de plus de 4 jours (6e - 16e)

 8e - 23e jour environ
- Bâtisseuse (des rayons de la ruche)
- Nettoyeuse
- Receveuse, donneuse (de nectar)
- Magasinière (pollen)
- Vols d'orientation hors de la ruche
14e - 42e jour environ
(sauf si elle passe l'hiver, 24 semaines de vie au total)
- Ventileuse
- Gardienne
- Butineuse
- Récolteuse d'eau
- Récolteuse de résines, de gommes, pour la propolis
   voir aussi : toiletteuse

Nettoyeuse : 1e mini - 9e jour maxi environ (moyenne : du 1e au 4e jour)
 


L'ouvrière récure à fond les cellules du couvain avec des dizaines de collègues (15-30 abeilles environ, un peu plus d'une demi-heure pour une cellule), lèche, grâce à ses glandes salivaires , polit le fond de l'alvéole et en ôte les vestiges indésirables à l'aide de ses pattes antérieures et de ses mandibules : vide intestinal des nymphes, reste de pollen, d'abeille, de cire, etc. Quand les déchets sont trop volumineux et intransportables, comme le corps d'un ennemi mort, par exemple, l'abeille l'emballe dans de la cire et de la propolis.
 
Ce sont des nettoyeuses âgées (15 jours environ) qui débarrasseront ensuite la cellule des fragments d'opercule de cire, que l'occupante a percé pour sortir. La patronne (la reine, bien sûr) n'installera ses petits que dans des chambres impeccablement tenues ! Par ailleurs, elles nettoient aussi d'autres abeilles (jusqu'à 80 en une heure). Ces activités permettent de réchauffer la ruche et lui conserver une température homogène très importante pour le développement du couvain (environ 35°).
 
L'operculation des alvéoles serait commandée par une phéromone appelée phéromone larvaire, un composé de 10 esters émis sous la cuticule des larves (Le Conte et al., 1990).
 
 
 


Nourrice - Demoiselle de compagnie : mini 4e - maxi 16e jour environ (moyenne : du 5e - au 10e jour)
 

 Nourrice        
 
 nourrice apportant de la gelée royale à une larve de reine.

  Nourrices déposant de la bouillie larvaire dans les alvéoles.
         
 Butineuse distribuant par trophallaxie l'eau ou le nectar qu'elle vient de butiner à des nourrices.      Nourrices accueillant une abeille émergeant de sa cellule, avec contacts antennaires et soins d'une nettoyeuse.
 

Des milliers de nourrices inspectent les cellules du couvain et nourrissent des milliers de larves. De l'éclosion à l'operculation (5 -6 jours), chaque larve est visitée des milliers de fois, 2000 à 7000 environ, et nourrie de 200 à 1300 fois. Chaque nourrice vérifie l'état de centaines de larves chaque jour, et chaque larve est inspectée par des nourrices différentes, ce qui limite considérablement les erreurs et assure la bonne santé du couvain. Chacune estime en quelques vingt secondes du type et du volume de nourriture à donner à la larve et dépose la quantité nécessaire près ou dans la bouche de la larve. Par ailleurs, les nourrices peuvent alimenter les butineuses très occupées par trophallaxie (Crailsheim et al., 1996). "Ces échanges participeraient à la régulation de la récolte de pollen, la quantité d’alimentation reçue par les butineuses étant un indicateur de la quantité totale de pollen apportée à la ruche (Camazine et al., 1998). En cas de carence pollinique, les larves seront sous-alimentées et mal operculées (Blaschon et al., 1999), les nourrices peuvent réduire le nombre de larves à nourrir (abandon des jeunes larves au profit des plus âgées) (Schmick et Crailsheim, 2002) et cela jusqu’à un arrêt total de l’élevage (Blaschon et Crailsheim, 2001). Une bonne teneur en protéines des larves de mâles va favoriser une maturité sexuelle rapide et la production d’un plus grand nombre de spermatozoïdes (Nguyen, 1999)."
extrait de : http://www.cari.be/medias/pdf_ab.cie/113_clefspourlalimentation_1.pdf

Au stade de nourrice, différentes glandes évoluent chez l'ouvrière pour produire ensemble la gelée royale qu'elle distribuera aux larves : les glandes hypopharyngiennes, les glandes salivaires céphaliques et les glandes mandibulaires. Avant que cette maturation glandulaire n'arrive à son terme, l'ouvrière nourrit les larves âgées de plus de 4 jours destinées à être ouvrières et faux-bourdon, et qui ne consomment pas de gelée royale, mais une bouillie larvaire, un mélange de miel, de pollen fermenté (dit pain d'abeille), d'eau, de sécrétions et de sucs digestifs. C'est une nouvelle fois l'hormone larvaire qui indique à la nourrice si la larve est jeune ou âgée (Le Conte et al., 1994) et si la larve est royale ou non (Le Conte et al., 1995). Par ailleurs, en plus de ces actions exitatrices, certains composés de l'hormone larvaire modifie le métabolisme des nourrices. "Par exemple, le palmitate de méthyle et l’oléate d’éthyle stimulent la synthèse protéique des glandes mandibulaires de nourrices (Mohammedi et al., 1996) et le palmitate d’éthyle inhibe le développement ovarien des ouvrières (Mohammedi et al., 1998)."

extrait de :
http://www.culturaapicola.com.ar/apuntes/criareinas/feromonas_regulacion_apis_tratado.pdf

Puis, la nourrice nourrit les jeunes larves qui, jusqu'au troisième jour et toutes castes confondues, sont nourries à la gelée royale, mêlée à des sucres de nectar. Après ce moment, le traitement royal se poursuit seulement pour la reine, ce qui explique en partie la différentiation sexuelle et sociale des femelles. L'eau est aussi utilisée par les nourrices pour diluer la gelée royale. Selon Smith (1959), "les petites larves grandissent mieux, se nymphosent mieux et deviennent aisément adultes quand la teneur en eau de la nourriture est légèrement augmentée, au cours des premiers jours. Pendant cette période de développement de la larve, on observe une décroissance graduelle de la teneur en eau de la gelée royale". Dans la cellule, déjà, la reine est entourée de courtisanes, et ces nourrices la lèchent et lui apportent de la gelée royale toutes les vingt minutes environ.
 
Le nourrissage des larves est un travail épuisant pour les nourrices, qui dépensent vite leur graisse. Ainsi, les nourrices d'hiver, ayant moins de couvain à nourrir s'usent moins et vivent plus longtemps.

 Demoiselle de compagnie  
ouvrières faisant leur "cour" autour de la reine, marquée en rose.
 

L'ouvrière sert la reine avec un groupe de six à dix congénères, qui opèrent un roulement de leurs activités en cercle autour de la reine : Au programme, entretien de son altesse par frottage d'antennes, léchage, qui permettent déchanger des messages chimiques et nourrissage (en été, au pic de la ponte, toutes les demi-heures environ, pendant 2 à 3 minutes).
 
voir aussi : glandes mandibulaires, hormone QRP
 
Pour les activités de maçonnerie, voir propolis


sources textes :

- http://www.apidologie.org/index.php?option=article&access=standard&Itemid=
129&url=/articles/apido/pdf/1968/04/Ann.Abeille_0044-8435_1968_11_4_ART0002.pdf
- www.agrireseau.qc.ca/apiculture/Documents/reproduction_de_l'abeille.pdf
- http://maarec.cas.psu.edu/bkCD/HBBiology/life_history.htm
- http://www.rburnshoney.com/queen_rearing.htm
- http://www.catoire-fantasque.be/Ruches/vie-abeilles.html
- http://www.beekeeping.com/abeille-de-france/articles/observer.htm
- http://www.culturaapicola.com.ar/apuntes/criareinas/feromonas_regulacion_apis_tratado.pdf

sources images :

 
- www.ento.psu.edu/MAAREC/pdfs/basicBeeBiology.pdf (schéma cellules)
- http://www.leominsterbeeman.com/Glossary.htm (cellule royale)
- http://www.dinosoria.com/abeilles.htm (pollen-oeufs-larves)
- http://www.arkive.org/species/ (oeuf, stades nymphaux)
- http://www.royaume-des-abeilles.fr/index_fichiers/abeilleouvriere.htm (nourrissage reine)
- http://hamzajennings.com/wp-content/uploads/2008/06/queen_bee_04.jpg (cour ouvrières)
- http://wildblueberries.maine.edu/factsheets/Production/630.html#honeybee (dessin ouvrière)
- http://www.mondoapi.it/vita_api/pagine/vita_api_d04.html (nourrices)
- http://beediary.files.wordpress.com/2008/07/nurse-bees-and-larvae.jpg (alimentation larves)
- http://www.ars.usda.gov/is/pr/2005/050110.htm?pf=1 (cadavre larve)
- http://www.uni.uiuc.edu/~stone2/bee_products.html (trophallaxie)
- http://i182.photobucket.com/albums/x222/berkshirebee/Honey%20bee%20Photos/24_27.jpg (abeille émergeante)
 

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