ENCYCLOPEDIE -DE--LA--LANGUE -FRANCAISE
-ABBAYE

 

 
 
Les Jardins
 
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  Saint Fiacre. Peinture murale de Sillegny (Lorraine), Eglise Saint Martin.


Faron permit à Fiacre d'augmenter son domaine, où il lui tardait de cultiver un potager pour nourrir encore plus de nécessiteux. Faron lui accorda la superficie qu'il pouvait entourer d'un fossé en une journée, fossé qu'il creusa avec un bâton transformé par la légende en bêche, et qui était assez large pour qu'une femme ne pût le franchir.
LE POTAGER


 
Ce chapitre commence au moyen-âge, l'évocation du jardin monastique antique ayant été fait dans jardins du désert et jardins antiques d'Occident, auquel nous renvoyons le lecteur pour cette période et, en complément, le premier chapitre du réfectoire des moines et suivants.

Le potager médiéval, c'est l'hortus (littéralement "enclos", nom donné aux jardins en général dans la période médiévale).
Comme pour le jardin des simples, le plan de Saint-Gall nous indique les plantes types qu'un monastère doit cultiver au potager, réparties ici en deux rangées de neuf parcelles, soit 18 plates-bandes distinctes, appelés planches depuis la fin du XIIIe siècle. Il ne faut pas s'étonner d'y trouver parfois des fleurs : Certes, elles permettent d'embellir différents espaces de l'abbaye et tout particulièrement l'abbatiale, mais il ne faut pas oublier que les fleurs seront consommés longtemps avant d'être un négligées par la gastronomie occidentale (puis retrouvées depuis peu), que l'on songe seulement à la violette, à la rose, à la mauve, à la fleur d'oranger ou de courge, etc... Ici, c'est du pavot dont il est question (présent dans le jardin de Strabon, voir plus bas). On en mangeait les graines oléagineuses depuis des millénaires, sur le pain en particulier, faisait une huile siccative pour la peinture des manuscrits :
Agencement des plates-bandes selon le plan de Saint-Gall, avec noms latins du document original et noms communs français correspondants.

 
 Nom français
 Nom latin
du plan de St Gall
  
Nom latin du Capitulaire
de
Villis
(nom latin scientifique à voir au chapitre du Capitulaire)

 Ache des marais
(cousin sauvage du céleri )
 Apium   Apium
 Ail  Alias  Alia
  Aneth  Anetum Anetum
 Bette
 Betas  Betas
Pavot
 Magones   Magone

  Cerfeuil

 Cerefolium

 Cerfolium

 Chou

Caula 

 Caulos 
 Ciboule  Cepas  Cepas

 Coriandre

  Coliandrum

  Coriandrum
 Echalote  Ascolonias Ascolonicas 

 Laitue

Lactuaga

Lactucas

 Nigelle

Gitto 

 Git
 Panais  Pastinachus  Pastinacas
Pavot
Papaver 
 Papaver

 Persil

 Petrosilium

 Petresilinum
 Poireau  Porros Porros
 Radis (ou Raifort?)  Radices (sing : radix) Radices
  Sarriette  Sataregia  Satureiam


ETYMOLOGIES

L'appellation olera (holera), olus, dont nous avons déjà parlé, sera utilisée jusqu'au IXe-Xe siècles pour désigner les plantes dites potagères, non pas toutes celles du potager lui-même, mais celles qui cuisent au pot (on trouve aussi potherbes) et qui forment potages et sauces. Dès le XIe siècle, de nombreux vocables remplaceront le latin, comme ierbes, courtillage, ortillage, herbages, herbes, herbes potagères, verdures, racines, qui désigneront au fur et à mesure salades, plantes aromatiques et potagères. Notons que les légumes plutôt aigres ou âcres furent appelés aigrum (esgrum ) : oignon, ail, cresson, raifort, échalote, poireau, navet, choux, etc... Le mot légume lui-même vient du latin legumen (de legere : cueillir), qui désignait nos actuelles légumineuses, ces plantes à gousse dont les graines sont comestibles, telles les lentilles, les pois chiches, les pois, les fèves, qui étaient les aliments de base de notre préhistoire. Ce legumen est devenu lesgum, legum ou léüm, et enfin légume vers 1530.



A l'instar des autres jardins monastiques, le potager a évolué dans l'histoire, composé de végétaux autochtones ou recueillis depuis la nuit des temps et recomposé au gré du temps selon les influences, les climats et les modes, qui provoquent l'introduction de nouvelles plantes au jardin ou parfois, la perte d'intérêt ou l'abandon de certaines autres.
 

 
Reconstitutions
 

 

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 3.
 
4.
   

1. Le potager de l'ancienne abbaye de Port-Royal des Champs, rasée sur l'ordre de Louis XIV en 1711 et aujourd'hui Musée National des Granges de Port-Royal (Saint Quentin en Yvelines, 78). Remarquez que ce potager intime n'a pas la grandiloquence d'autres jardins de la même époque : la reconstitution de ce jardin a sans doute tenu compte du tempérament des Solitaires, ou "Messieurs de Port-Royal", qui se retiraient sur les domaines de l'abbaye et étaient opposés aux mondanités, ..ce qui causa sans doute leur perte.

2. A Fontevraud, c'est Michel Cambornac, diplômé de l'Ecole Nationale d'Horticulture de Versailles qui fut chargé en 1981 de réaliser, pour le mécènat d'Yves Rocher, des jardins d'inspiration médiévale : ici, une vue du jardin potager que l'horticulteur-historien a composé tout logiquement près de la cuisine, dont on voit sur la gauche le célèbre toit octogonal. Cette reconstitution sera suivie de plusieurs autres, notamment le jardin d'un Chartreux à Villeneuve-les-Avignon et celui de l'abbatiale de Saint-Philibert-de-Grandlieu.

3. Prieuré Notre-Dame d'Orsan, potager aromatique de 3 x 3 carrés de courges, surélevés et bordés de plessis.

4. jardin potager de l'Abbaye de Tusson, où pousse épinards, arroches, fèves, persil, salades, etc...

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