ENCYCLOPEDIE -DE--LA--LANGUE -FRANCAISE

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- ----------------- ABBAYE----------
 
Limiers ou chiens* flairant une piste.
(BNF, FR 616)
fol. 55
Gaston Phébus, Livre de la Chasse France, Paris XVe s.
(150 x 160 mm)

* chien Saint-Hubert, ou bloodhound, voir texte, plus bas.
-
-Le Temps des Mérovingiens
((2)


 
 

L'abbaye, une affaire de "Grands" ?


Introduction


Les richesses du clergé, déjà si considérables sous les empereurs romains qu'on avait été obligé d'y mettre des bornes, continuèrent de s'accroître jusqu'au XIIe siècle ( le monastère de Saint-Martin d'Autun, par exemple, possédait sous les Mérovingiens cent mille manses), bien qu'elles fussent souvent attaquées, saisies et vendues dans les besoins urgents de l'état.

Les dons royaux permettent aux monastères de devenir d'importantes seigneuries : c'est la largitas regia. Elles le seront durant tout le moyen-âge, ne se distinguant pas beaucoup d'autres seigneuries laïques. Les abbés et les abbesses se partageront avec les seigneurs et les évêques le sol et la souveraineté du futur pays de France, tout ce petit monde finissant par être interchangeable, nous le verrons.

De nombreuses abbayes reçurent, dès leur fondation, une très large dotation foncière, comme Saint Pierre de Corbie, fondée en 642, grâce aux largesses la reine régente Bathilde. "Mais aux yeux du souverain, mérovingien puis carolingien, cette donation est moins pour le roi une dépossession qu'une affectation qui n'est pas toujours d'ailleurs sans repentir : le roi et le maire du palais n'hésiteront pas dans certains cas à reprendre une partie des domaines concédés pour s'assurer la fidélité d'un compagnon et lui donner les moyens de faire face aux frais exigés pour le service armé. Ce caractère de la donation royale explique d'ailleurs le souci de chaque monastère d'obtenir confirmation du nouveau souverain des donations antérieures et des privilèges qui y étaient attachés. En contrepartie, le monastère doit faire face à un certain nombre de charges politiques et spirituelles : les abbés doivent eux aussi fournir des contingents à l'armée, assurer un service de Conseil à la cour, remplir des missions et conduire des ambassades".

extrait de : http://www.ch-corbie.fr/html/body_le_president.htm

( N.B Les dates citées entre parenthèses dans le prochain § sont des dates de règne : voir à ce sujet une brève généalogie des Mérovingiens)


Les "Grands" tissent leur toile


Dès le début de la dynastie, de nombreuses abbayes, dont plusieurs célèbres, voient le jour et le véritable fondateur de cette dynastie, Clovis 1er ( 481-511) donne le ton de cette nouvelle époque, qu'il soit calculateur ou sincère : il reçoit le baptême vers 500, fait des offrandes au plus emblématique sanctuaire chrétien de cette époque, Saint-Martin-de-Tours, puis, pour remercier Dieu de la victoire de Vouillé ( 507) sur le Wisigoth Alaric II, fonde le monastère Saint-Pierre et Saint-Paul, qui prendra par la suite le nom de la patronne de Paris, Sainte-Geneviève. La sainte y est inhumée, tout comme Clovis et sa femme Clotilde. Il fait aussi don à Euspicius, un religieux de sa suite, d'un territoire situé dans l'embouchure entre Loire et Loiret, pour y fonder le monastère de Micy.

La légende attribue aussi à Clovis la fondation de Saint-Pierre de Moissac, mais elle est plus probablement l’œuvre de Didier, évêque de Cahors, vers 654 ou bien celle de saint Amand, le grand évangélisateur de l'Aquitaine. C'est un autre évangélisateur, irlandais cette fois, un seigneur nommé Fridolin, qui fonde en Lorraine vers 509 un oratoire (cella) qui sera les débuts du monastère d'Hilariacum (auj. Saint-Avold), agrandit par l'évêque de Metz Sigisbaud (+ v. 741) sous le nom de cella nova, dont son successeur, Chrodegang, amplifiera la renommée en rapportant de Rome des reliques de saint Nabor (Sancti Naboris), martyr sous Dioclétien. Sigisbaud est fondateur, par ailleurs, du monastère de Neuwiller-lès-Saverne, (Neuweiler) en Alsace, vers 720 (Voir cartes d'Alsace).

Childebert 1er ( 511-558), fils de Clovis, fonde vers 543 le monastère de Saint-Croix et Saint-Vincent, la future abbaye Saint-Germain-des-Prés, ainsi nommée après la mort l'évêque de Paris, saint Germain (dont réside le tombeau), mais aussi parce qu’elle s'élevait en dehors de l'enceinte de la Cité. Childebert y fut inhumé, ainsi que les premiers Mérovingiens : Chilpéric, Mérovée et Frédégonde. Ajoutons que Childebert donnera à saint Vigor (+537), le droit de détruire un temple païen sur le Mont-Phaunus (Mont-Chrismat), proche de Bayeux, où Vigor était évêque. Il construisit à son emplacement un monastère dédié aux saints Pierre et Paul. Vigor fondera le monastère de Cerisy, en Normandie, sur une terre donnée par un aristocrate gallo-romain, Volusianus.

Clotaire 1er (511-561) fonde Saint-Pierre à Rouen, devenue plus tard Saint-Ouen (Dadon-Audoen, de son vrai nom, ministre de Dagobert).

"Le tombeau de Saint-Médard fut à l'origine de la création de l'abbaye (vers 485- 557) . La fondation de Saint Médard de Soissons est un acte de dévotion de Clotaire 1er envers Médard, saint évêque de Noyon, et marque la volonté du roi mérovingien de Soissons de créer son propre sanctuaire familial, lieu de culte et sépulture royale où lui-même et son fils, Sigebert, se firent ensevelir".


Extrait de: http: //www.ville-soissons.fr/tourisme.asp


La femme de Clotaire, Radegonde (+ 587), après l'assassinat de son frère par son sanguinaire de mari, prend le voile à Poitiers, dans le monastère qu'elle y fonde vers
554/557, le monastère Sainte-Marie, pour lequel elle choisit pour ses moniales la règle de Césaire d'Arles. L'abbaye devient abbaye Sainte-Croix en 567, quand l'empereur de Byzance lui remet, paraît-il, une relique de la croix du Christ. A cette occasion, son ami et poète célèbre de l'époque, Venance Fortunat (vers 530-601), d'origine italienne, compose le Vexilla Regis et le Pange Lingua. Ce monastère royal était un peu à part et la vie qui y régnait n'était sûrement pas celle des monastères en général (fait critiqué par Césarie d'Arles), si l'on se réfère aux témoignages de Grégoire de Tours, qui rappelle la singularité d'un monastère "où les hommes étaient acceptés au cloître des femmes, où on jouait aux dés, prenait des bains (Historia Francorum, IX, 40), faisait de la poésie.

 
 dés et godet de lancer romains,
Ier - IIIe siècles
musée de Londres.

Mais la fondation de monastères n'est pas un privilège mérovingien : Sigismond, fils du célèbre roi des Burgondes Gondebaud, fonde un monastère à Agaune (Saint-Maurice), couvent qu'il dotera richement et qui sera un des premiers réussissant à obtenir des évêques certains privilèges :

- L'exemption : Elle fait échapper un monastère ou un ordre à la juridiction de l'évêque et qui leur permet ainsi d'élire librement leur abbé et de disposer de leur bien et d'immunité.

- L'immunité : "Il était interdit à tout fonctionnaire public de pénétrer sur les domaines bénéficiant de ce privilège pour exercer un acte d'autorité quelconque. Seuls, les agents du seigneur ecclésiastique avaient le droit d'y fonctionner, étant les intermédiaires entre le pouvoir public et la population du sol immunitaire".

extrait de : http://perso.infonie.fr/liege06/un.htm
 
Dagobert 1er ( 603-639) fonde la célèbre abbaye de Saint-Denis vers 623, mais peut-être aussi Saint-Maximin de Trèves, Wissembourg, en Alsace (Voir cartes d'Alsace), un peu avant que
l'abbaye de Munster, dédiée à Saint-Grégoire, ne voie le jour (630/660). Il n'en reste aujourd'hui que quelques ruines de l’ancien palais abbatial (1789) et d'un cloître. A deux pas de là, en Allemagne, est élevée vers 603 l'abbaye de Schuttern (Offonis cella, Monasterium Offoniswilarii, Scuturensis), par l'irlandais Offo (Uffo), compagnon probable de Columban. Son nom serait à l’origine des toponymes Offenburg, Offendorf, Offenbach, Offenheim près de Worms et Offenheim dans le Kochersberg.

Le ministre des Finances de Dagobert, saint Eloi, fonde, quant à lui, l'abbaye de Solignac, un autre de ses ministres fonde celle de Souillac. Le fils de Dagobert, Sigisbert III, fondera l'abbaye du Ban-Saint-Martin, proche de Metz, aujourd'hui disparue. C'est à Metz même qu'est fondée à la même époque l'abbaye Saint-Pierre aux Nonnains (nonnes), couvent de moniales bénédictines établi en un lieu christianisé de longue date. En effet, son abbatiale est probablement l'église la plus vieille de France, puisqu'établie en une basilique romaine datée de 320 environ (qui subira, bien sûr bien des remaniements) :
 
Abbatiale Saint-Pierre aux Nonnains à Metz, vestiges de la façade et du narthex, avec petit appareil de pierre et chaînage de briques, IVe-Xe siècle
 
Mais revenons à Dagobert, que cite Voltaire à travers une légende illustrant la religion à bon compte : une abbaye, des terres en cadeau à l'Eglise, et Dieu effacerait l'ardoise, entendez les comptes, les mauvais bien sûr : "Un ordre dans lequel le salut était si assuré s'étendit bientôt dans les autres États, dont les souverains se laissaient persuader qu'il ne s'agissait, pour être sûr d'une place au paradis, que de s'y faire un bon ami; et qu'on pouvait racheter les injustices les plus criantes, les crimes les plus énormes, par des donations en faveur des églises. Pour ne parler ici que de la France, on lit dans les Gestes du roi Dagobert, fondateur de l'abbaye de Saint-Denis, près Paris, que ce prince étant mort fut condamné au jugement de Dieu, et qu'un saint ermite nommé Jean, qui demeurait sur les côtes de la mer d'Italie, vit son âme enchaînée dans une barque, et des diables qui la rouaient de coups, en la conduisant vers la Sicile, où ils devaient la précipiter dans les gouffres du mont Etna; que saint Denis avait tout à coup paru dans un globe lumineux, précédé des éclairs et de la foudre, et qu'ayant mis en fuite ces malins esprits, et arraché cette pauvre âme des griffes du plus acharné, il l'avait portée au ciel en triomphe" ( extrait de l'article ABBAYE du Dictionnaire philosophique de Voltaire ).

Le fameux édit de Clotaire II (614) a sans doute favorisé l'essor de l'aristocratie, que nous avons évoqué déjà plus haut. Cet essor va faire naître de vastes réseaux familiaux qui n'en constitueront pas moins de vastes réseaux monastiques, servant leurs ambitions politiques. Ces réseaux s'appuieront particulièrement sur une parentèle qui dépasse de loin celle légale : la familia (famille nucléaire, domestiques, compagnons d'armes, etc...) avec ses droits (héritage, wergeld [litt: prix d'un homme, à payer pour stopper la vengeance de la famille de la victime]). A celle-ci pouvait s'ajouter la Sippe (pluriel Sippen). Elle désigne une parentèle très élargie, fondée sur un ancêtre hypothétique commun par exemple, mais surtout très cognatique (alliances croisées, endogamie). Colomban et son disciple Eustase (Eustasius, Eustaise, Eustache, v. 560-629) ne s'y tromperont pas, s'appuyant sur cette Sippe en Francie
*, en Italie, et jusqu'en Bavière, qu'Eustase ira évangéliser et où il fondera le tout premier monastère de la région, semble t-il, à Waldenburg (617/620).

* FRANCIE : Dans la langue mérovingienne l'usage est fréquent du nom de peuple à la place de celui du pays. C'est ainsi que la Chronique de Frédégaire** (vers 715), par exemple, emploie Austrasii (les Austrasiens), qui est souvent employé à la place de Austrasia (l'Autrasie) ou Franci (les Francs) pour Francia (la France)

** FREDEGAIRE (ou pseudo-Frédégaire 584-642) : "Frédégaire, dit le Scolastique, ce qui signifiait le Savant, chroniqueur du VIIe s., né, à ce qu'on suppose, en Bourgogne, mort vers 660, a laissé une chronique en 5 livres : les trois premiers ne sont qu'une compilation de Jules Africain, Eusèbe, etc., et vont jusqu'à la mort de Belisaire (561); le IVe est un abrégé de Grégoire de Tours et va jusqu'en 584; le Ve continue l'histoire jusqu'en 641 et contient de précieux renseignements sur les règnes de Clotaire II, Dagobert I et Clovis le Jeune. Quatre anonymes y ont ajouté un VIe livre qui va jusqu'en 748."

extrait de :
http://www.cosmovisions.com/Fredegaire.htm

L'aristocratie gallo-romaine se fond progressivement à l'aristocratie franque, par mariage mixte (Francs, Gallo-romains, Burgondes, Alamans) par représentation de pouvoir (préfets, maires de palais) etc... Les différents éléments de ces classes dominantes se fondent d'autant mieux que le christianisme cimente les deux cultures. L'époque la plus marquante à ce propos est peut-être celle où le prestige de la cour de Neustrie est grand (jusqu'à la mort de Clovis II au moins, en 657), cour qui attire bien des aristocrates, citons ici ceux qui ont un rapport direct avec notre sujet : En premier lieu, Adon, Radon et Dadon-Audoen (saint Ouen), fils d'Authaire (Autcarius) et qui font partie de la cour du roi Dagobert. Authaire reçut Colomban chez lui, à Ussy-sur-Marne. Il est originaire d'une même famille aristocratique de Soissons qui a servi Théodebert II, puis Clotaire II : La visite de Colomban, comme ailleurs portera ses fruits : Adon fonde le monastère de Jouarre, vers 630, Radon celui de Reuil-en-Brie, Dadon (saint Ouen) celui de Rebais en 637. La même, année, Dagobert charge Omer (Audomrus, Audemer), ancien moine de Luxeuil, d'évangéliser la région des Morins (Morinie : vallées de la Clarence et de la Lawe) et le nomme évêque de Thérouanne (Tarvonna ou Morinie, Pas de Calais auj.), où il fonda une abbaye à Sithiu, sur le petit fleuve Aa (Agnio, Agniona, Agnona, du celtique [gaulois, ligure] "onna", source) devenue Saint-Omer, puis Saint-Bertin, du nom de son premier abbé (+ 698), qui fonda le monastère de Wormhoudt (v. 695), au sud de Dunkerque, pour une communauté de Bretons dirigés par Winnoc (Pinnock, Winoc, + 717), fils de Judicael, prince de Domnonée, qui fut alors chargé de moudre le blé du couvent, aidé en cela dans sa vieillesse, dit-on, par un ange.Le disciple le plus remarqué de ce dernier reste Philibert (Filibert, Philbert, 614-684), d'excellent pedigree lui aussi : Fils de Filibaud, comte et évêque de Vic (Gers), élevé à la cour du roi Dagobert.
Après avoir connu des déboires comme abbé de l'abbaye de Rebais, il fonda de l'abbaye de Jumièges en 654, et plus tard, les abbayes de Montivilliers (684) et d'Hermoutier (Herimonasterium, dans l'île d'Her, plus tard Nermoutier, puis Noirmoutier) où il sera inhumé. De l'ancienne abbaye, il n'en reste aujourd'hui que la crypte mérovingienne, restaurée par l'architecte M. Charier en 1863. Celle-ci se trouve sous la voûte du choeur de l'église actuelle de la paroisse et conserve le tombeau de Philibert, sans les ossements* :

Noirmoutier-en-l'Ile, crypte de l'abbaye d'Hermoutier .

* En effet, inquiétés par les Normands, en 836, les moines de Noirmoutier translateront les restes du saint homme sur le continent, à Déas, dans le pays de Retz, en Poitou, où ils bâtirent une abbaye qui s'appellera Saint-Philibert-de-Grand-Lieu dès le le XIIe s,. Les Vikings parvinrent malheureusement au lac de Grand Lieu est incendièrent l'abbaye de Déas en 847. Les moines s'enfuirent encore, à Cunault cette fois, et revinrent récupérer les reliques de Saint Philbert en 858. Ils laissèrent le trop encombrant sarcophage tout en le cachant et, après quelques années d'incertitudes, les moines offrirent au saint le repos définitif à Tournus (Saône et Loire).

Suivons Philibert à Jumièges :
C'est une presqu'île aux terres incultes, aux marais putrides et malsains, assiégés par les eaux irrégulières des différents bras de la Seine. Avant d’assécher les marais, Philibert fait construire des digues pour empêcher le fleuve de réduire néant tout ce qui aura été fait. Comme certains marais sont à la même hauteur que la rivière et que ceux-1à sont impossibles à curer, ou à vider, l'abbé propose aux fermiers le drainage des eaux des lacs les plus hauts vers les plus bas, ou directement dans la Seine quand cela est possible, et calcule lui-même les pentes que doit avoir chaque fossé. On éloigne ainsi des gens les risques d'une affection mortelle, mais, en plus, on récupère de nouvelles terres de bonne qualité pour étendre et améliorer les cultures, terre que Filibert donne en partage. Par ailleurs, il fait construire des puits pour obtenir de l'eau vive, beaucoup plus pure qu'en surface, qui mettront les habitants à l'abri des épidémies, mais aussi, la ferme du monastère sélectionne les meilleurs produits agricoles de la région et utilise de nouvelles méthodes de culture pour obtenir de meilleurs rendements grâce à la sélection des variétés de fruits. C'est ensuite, ensuite seulement, que le moine entreprend ce qui est en fait son véritable but : l'évangélisation, en particulier en fondant une école pour les habitants.

 
 Clovis II exempte l'abbaye Saint-Denis, détail

Grandes Chroniques de France,
Décoration attribuée au maître de Marguerite d'Orléans et manuscrit destiné à Charles d'Anjou

V. 1460

BM Châteauroux, MS 5, fol. 76


Retournons maintenant en Neustrie, pour parler d'un autre groupe influent, dont fait partie Erchinoald et apparenté à Clovis II (638-657). Erchinoald devient maire du palais de 641 à sa mort, 658, son groupe familial puissant étant implanté dans le
Nord-Ouest de la Neustrie. Il accueille à Péronne le moine irlandais Fursy, sans doute l'Irlandais le plus important de la vague d'évangélisateurs celtes après Colomban, qui fondera l'abbaye de Lagny-sur-Marne grâce à Erchinoald. C'est sous le règne de Clovis II que sera fondé la célèbre abbaye de Fleury-sur-Loire (647) par Léodebobus (saint Liébault ou Liébaut), qui donnera l'ordre au moine Aigulfe en 672 d'aller chercher les reliques de saint Benoît à l'abbaye du Mont-Cassin, saccagé par les Lombards, et de les ramener à l'abbaye de Fleury.

De Clovis II, nous parlerons maintenant de l'épouse, qui est un personnage important de cette période. Elle dépensa généreusement pour les églises du Parisis et pour un certain nombre de fondations monastiques : Elle donna la terre où, vers 654, fut bâti le monastère de Jumièges. Une fois veuve, en 657, elle favorisa l’installation du monastère de Corbie en 657, puis fonda celui de Chelles vers 665, où elle se retira jusqu’à sa mort en 680, Elle permit enfin au diacre Blidégésile (Blidégisile) de fonder Saint-Maur-des-Fossés. Faremoutiers reçut également la faveur de cette reine.

" Les monastères colombaniens fournirent la plupart des responsables de ces abbayes royales : ainsi Bathilde alla chercher le premier abbé de Corbie à Luxeuil et la première abbesse de Chelles à Jouarre. En 661, un diplôme mentionna les facilités d’approvisionnement de Corbie sur le marché de Fos. (k)

Le folio 121 du manuscrit 79 du fonds Phillipps concernant cette abbaye expose ce qui suit " Quand ils iront faire des achats en Provence et en d’autres lieux, les agents du fisc interdiront d’exiger d’eux des taxes de douane, d’emmagasinage, de péages (…) et autres redevances. (…) Il nous plaît d’accorder ce bienfait afin que cette sainte communauté prie le Seigneur miséricordieux pour la stabilité du royaume. " Ces derniers propos montrent bien la préoccupation du pouvoir royal vis à vis des établissements monastiques. Les rois mérovingiens qui ont eu la possibilité et le temps d’aider à la fondation d’abbayes ou d’églises désiraient avant tout que des hommes puissent prier à plein temps pour le salut de leurs âmes, désir qui sera encore plus affirmé par les successeurs Carolingiens.

(k) Dom Patrice Cousin : Corbie, Abbaye royale , op. cit., p. 21"

source de l'extrait

Au moment où naît Corbie naît aussi Lobbes, fondée vers 655 dans le Hainaut (Belgique) par un brigand reconverti, Landelin. Ce monastère est le plus fameux qu'il ait fondé, mais il est à l'origine de bien des fondations à Aulnes (656), à Wallers (657), à Crespin (670, qui deviendra Saint-Landelin).

Mais la Neustrie n'était pas le seul royaume mérovingien à travailler au développement des monastères. Vers 648, Grimoald, maire du palais de Sigesbert III (ou Sigebert, 634-656), roi d'Austrasie, permet la fondation avec son souverain des abbayes de Stavelot et de Malmédy sur des terres fiscales : Ce sera l'œuvre de saint Remacle, qui serait œuvre originaire du diocèse de Bourges. Auparavant, il était entré au monastère de Luxeuil et devint abbé de Solignac, fondant, avec son disciple saint Hadelin (617-676), le prieuré de Cugnon (Semois). Chorévêque de Tongres vers 647, il renonça à l'évêché vers 662 et mourut à l'abbaye de Stavelot vers 670. De son côté, Hadelin fondera un monastère vers la rivière de Lesch, à une demi-lieue de Dinant, près de Liège (Wallonie, Belgique) qu'on nommera Celles à cause des cellules monastiques qui l'avaient précédé.

Mais revenons à Grimoald. En 648-649, poussé par saint Amand, sa mère Itte et sa sœur Gertrude fondent l'abbaye mixte de Nivelles en 652, placée sous l'autorité d'une abbesse, Gertrude elle-même en est la première. Veuve de Pépin de Landen, Itte offre un domaine à un Irlandais (pour changer!), Feuillen (Foilan ou Foillan), frère de Fursy, qui fonde les abbayes de Moustier sur Sambre et Fosses la ville, qu'il confie à son frère Ultan (Les trois abbayes citées dans ce § situent dans l'actuelle Belgique).


Un autre groupe intéressant (du nord de la Brie) est celui des Faronides et des Gunduin (ou Gondoin, associés aussi aux Wulfoad, nous le verrons plus loin), dont un éminent représentant, Chagnéric, est visité par Colomban, qui fait étape en sa demeure de Poincy vers 610. Chagnulfus et Burgondofaron (dit Faron), fils de Chagnéric, deviennent respectivement comte et évêque de Meaux. Faron, devient plus tard évêque de Meaux et installe l’Irlandais Fiacre, sur un taillis qui donnera son nom au prieuré de Saint-Fiacre en Brie. La soeur de Faron, Burgondofara, (dite Fara), qui fut baptisée d'ailleurs, par Colomban, refuse le mariage prévu par son père et le persuade de fonder un monastère double à Evoriac (Evoriacum, vers 614), dont elle sera la première abbesse et qui deviendra Faremoutiers, puis Faremoutiers-en-Brie, après sa mort. Le troisième fils, Chagnoald (ou Cagnoald), est abbé de Saint Vincent de Laon (fondation traditionnellement attribuée à la reine Brunehaut) et évêque de cette ville, chasse gardée des Gunduin (ou Gondoin), dont l'abbaye Saint Jean de Laon, a été fondée par Salaberge (Sadalaberga) vers 650, issue d'une grande famille proche des Pippinides (ou Pépinides). Cette fondation bénéficia fortement de l'influence des abbés de Luxeuil*, Waldebert (ou Valbert) et Eustase, et le même constat doit être fait pour la fondation du monastère de Grandval (Moutier-Grandval), vers 634, demandée par le duc d'Alsace Gondoin, mais surtout, pour les monastères des Vosges, où les Colombanistes luxoviens (de Luxeuil) vont lancer une deuxième vague de fondations monastiques, après celle initiée par leur maître Columban.

* Luxeuil : Un moine de Luxeuil, Frobert (Frobertus, Frubertus) fonde à cette époque le monastère de Montier ou Moutier la Celle, "avec une charte garantie par Clotaire III (652-673). Situé dans le diocèse de Troyes et dédié à Saint Pierre, il possédait beaucoup de terres, et se plaça sous la protection royale. En 1048 le monastère fit l’acquisition du prieuré dépendant de Saint Ayoul à Provins, au diocèse de Sens. Pierre de Celle, un ami de Bernard de Clairvaux, et auteur spirituel connu, en fut l’abbé de 1145 à 1162, approximativement."

extrait de :
http://users.skynet.be/am012324/exordium/fra/2.pdf

 
Si on dit que la plus ancienne des cinq communautés monastiques des Vosges pourrait être celle d'Etival, la plus ancienne attestée est celle de Remiremont. C'est d'abord Eustase qui convainc Amé de Grenoble (+627), élevé au monastère d'Agaune (Saint-Maurice d'Agaune), de quitter la solitude de son ermitage pour venir à Luxeuil. Finalement, Amé part évangéliser l'Austrasie et, à cette occasion, convertit Romaric (Romary, Remiré) leude de Théodebert, alors roi d'Austrasie, qui quitte le siècle en reconvertissant un héritage paternel en un domaine monastique montagneux qui portera son nom, Romarici mons, puis Remiremont. Deux monastères sont fondés, l'un d'hommes et l'autre de femmes (par les deux filles de Romaric, semble t-il), vers 620. Puis, l'abbaye de Senones, dans la vallée du Rabodeau, est fondée vers 640 par Gondelbert (Gondeberg, Gombert, Gumbert, + 679), sans doute moine colombanien de Luxeuil, lui aussi, et qui obtient en 661 de Childéric II un acte de confirmation de ses terres abbatiales, dont les limites correspondront quelques siècles plus tard à peu près à celles de la Principauté de Salm. Comme Romaric, Leudin Bodon (Leuduin-Bodo, 625-675), le frère de Salaberge, finit, ainsi que sa femme Odile, par quitter le siècle, convaincus par leur guide spirituel, qui n'est autre que Valbert. Il fut alors évêque de Toul (665-675), et fondera le monastère de Saint-Pierre d'Etival (Stivagium, v.660-665), monastère double comme celui de Remiremont, érigé avec ses propres deniers hérités de son père, à trois lieues de Badonviller. Il fonde aussi Bonmoutier (Bodonis Monasterium, puis Saint-Sauveur) à deux lieues de Badonviller, où il établit sa fille Tierberge pour première abbesse. Bodon fonda encore le monastère d'Offonville, à une demie lieue de Badonviller. Vers 669, un moine irlandais, Deodatus (Déodat, Dieudonné, Dié + 679), arrive dans la région et Childéric, là encore, étend ses largesses. Le roi lui octroie, en effet, la vallée de la Haute-Meurthe, qu'il nomma Val de Galilée. Il fonda alors un monastère sur la colline dominant le confluent de la Meurthe et du Robache, au lieudit les Jointures. Il créa plusieurs oratoires, dont celui du Petit Saint-Dié, où il mourut en 679. C'est près de Saint-Dié, justement que s'installera vers 671 l'ancien moine de de Saint-Maximin de Trèves, Hydulphe (Hidulphe, + 707), originaire de Noricum (le Norique, région romaine recouvrant le sud de la Bavière et une partie de l'Autriche actuelles). Hydulphe installe une première celle (cella), puis doit aux abbayes de Senones et d'Etival, des terres pour développer un domaine monastique. Placé entre Senones à l'Orient, Etival à l'Occident, Saint-Dié au midi, et Bonmoutier au nord, il n'est pas étonnant qu'Hydulphe le nomme Medium Monasterium : Moyenmoutier, comme Senones dans la vallée du Rabodeau, dernier lieu formant topographiquement avec les quatre autres la fameuse "Sainte-Croix des Vosges" (croix de lorraine).

Sa réputation est si grande que son frère, Saint Erhard, lui-même évêque de Trèves lui rend visite. Le duc d’Alsace Adalric (Aldéric, Athic, Attic, Attico, Attichon, Ethic, Eticho, Etichon) et Berchsinde (ou Berwinde), son épouse, font appel à ce dernier et à Hydulphe, pour secourir leur fille Odile, aveugle de naissance. Berchsinde avait une amie, Richilde, nièce de Sainte Hunne, parente d'Etichon et amie de Déodat, qui entra au couvent de femmes le plus proche, Etival. Berchsinde, cherchant à cacher sa fille aveugle de naissance (pour l'époque, un châtiment divin), pria son amie de la prendre auprès d’elle. Hydulphe la baptise au couvent et là, miracle, l'enfant recouvre la vue. On lui donnera alors le prénom d'Odilia (Odile), en hommage à l'épouse de Bodon, bienfaitrice du monastère. Odile repartira alors en Alsace, par un chemin qui passe par Etival, Schirmeck et Altitona , et que l'on nomme "chemin de sainte Odile". Pour cette dernière, Adalric fondera deux monastères en Alsace, Hohenbourg (673/682), en lieu et place du château parental d’Altitona (à la frontière allemande, aujourd'hui le mont Sainte-Odile), et Ebermunster, au nord de Sélestat; dans la plaine du Ried (zone humide entre l'Ill et le Rhin) : VOIR CARTES D'ALSACE


Le déclin des Mérovingiens


L'époque des "rois fainéants", derniers souverains fantoches des Mérovingiens, voit les maires du Palais préparer leur heure. La royauté perd du terrain et de nombreux hommes libres doivent faire allégeance à des seigneurs puissants. Ces derniers leur offrent protection, dons, concessions d'usufruit (appelés "bénéfices") et réclament en échange leurs services. C'est la naissance de la vassalité, de la féodalité, dont l'abbaye sera, dès les premiers temps Carolingiens, un acteur de premier plan.

On peut parler à cette époque de nombreuses fondations d'abbayes appuyées et même suscitées par le pouvoir effectif des maires de palais d'Austrasie : les Pippinides (ou Pépinides), parfois par de grands seigneurs. Ces fondations sont érigées à la fois pour protéger le peuple des turpitudes des Fainéants et asseoir leur pouvoir auprès du peuple.

Bien qu'on le considère comme le successeur de saint Jean L'Agneau, saint Amand (vers 594-675) pourrait avoir été évêque itinérant, sans siège fixe et sans diocèse. Il reçoit l’appui de la famille de Pépin de Landen ( † 639) pour édifier deux monastères à Gand, Saint-Bavon et Saint-Pierre-au-Mont-Blandin. Toujours appuyé par les Pippinides, Amand fondera d’autres établissements monastiques, notamment le plus célèbre, Elnone, aujourd'hui Saint-Amand-les-Eaux (Nord), mais aussi à Condé, à Barisy en Laonnois, ou plus près de son pays natal d'Herbauges (Loire-Atlantique), à Nant, en Rouergue. D'autre part, ou en suscitera beaucoup d'autres, comme Maroilles (où Humbert, disciple d'Amand, deviendra abbé en 671); Maubeuge, fondée par sainte Aldegonde; Mons, fondée par sainte Waudru; de Marchiennes, par sainte Rictrude; de Blangy, par sainte Berte. Les reliques de saint Amand furent transportées à Elnone.

A la même époque, le comte du Hainaut Malgaire (Madelgaire, Manger), et son épouse, Waudrude*, (Waudru, Waldetrude, + 688, fille de Walbert II (Walbert) intendant des domaines de Clothaire (Clotaire) II, et de Bertille, comte et comtesse de Hainaut) décidèrent de s’adonner aux œuvres de charité. Près de Maubeuge, à Haumont (Hautmont), il édifia en 643 un monastère où il se retira rapidement, les trois cents cellules monacales construites furent pourvues. Puis, dans la forêt de Soignies, Malgaire fonda une autre communauté (651) autour de laquelle s’éleva une abbaye, dédicacée à la Vierge, et aux saints Pierre et Jean, autour de laquelle se forma la cité de Soignies.

* WAUDRUDE : fonde elle-même le monastère de Castriloc, qui donna naissance à la cité de Mons

Blason héraldique de l'abbaye de Hautmont
Les armoiries sont "D'or (fond de l'écu) à trois chevrons (formes circonflexes) de sable (couleur noire) "
Les comtes du Hainaut étaient, comme pour Ste Waudru, les abbés séculiers de l'abbaye

Toujours en 651, Berthuin fonde l'abbaye de Malonne (Belgique actuelle) par l'intermédiaire de dame Rogga, en obtenant une donation d'Odoacre et de Pépin II de Herstal (ou Héristal, mort en 714), maire du palais d'Austrasie (679-714), et cinq grands domaines, dont les revenus serviront aux moines à rassembler près de leur monastère, une partie du peuple en leur procurant la nourriture, la soumission au nouveau pouvoir et...le christianisme, bien sûr. Ajoutons que Pépin de Herstal a fondé sur son domaine de Jupille une abbaye et l'église Notre-Dame dans l'enceinte de son Château, appelé Château-Neuf, et plus tard, Chèvremont (en Wallonie, Belgique).
Le roi mérovingien Childebert III (683-711), même s'il est un roi fantoche, comme tous les derniers rois Mérovingiens, a tout de même quelques prérogatives, comme celle d'accorder en 665 au riche bourgeois de Paris, Ermanric, la fondation du monastère Notre-Dame d'Argenteuil, alors Argentoialum, dont la charte est le premier texte où figure ce toponyme.
L'aumônier de Pépin, Bérégise, fonde vers 704-706 Andage (Andagium), la future Saint-Hubert, quand on y translaterera en les cendres d'Hubert de Liège, patron des Ardennes, en 824. notons en passant que c'est dans ce monastère que serait né la race de chien Saint-Hubert, ou bloodhound (voir image en exergue):

"...la plus ancienne des races belges s'est longtemps illustrée au sein des meutes royales françaises avant de faire carrière outre-Manche. Trois pays peuvent donc revendiquer peu ou prou le passé du roi des limiers. Il est né dans les Ardennes belges, à l'abbaye de Saint-Hubert, d'où son nom en français. La légende veut que le Vendredi Saint de l'an 683, le jeune chevalier Hubert, fils du duc d'Aquitaine, chassait dans la sombre forêt ardennaise quand il vit briller une croix entre les bois du cerf qui lui faisait face. Il s'agenouilla, écouta la voix divine qui lui reprochait de chasser le jour anniversaire de la mort du Christ. Devenu plus tard évêque de Maastricht puis de Liège, il semble qu'il continua d'élever des chiens, puisqu'à sa mort en 721, on installa sa meute dans l'abbaye d'Andage, qui devint de ce fait de Saint-Hubert."

extrait de : http://www.frenchtoutou.com/groupe6/sainthubert/origine.htm

Cependant, les Pippinides connaîtront une période noire de vingt ans, durant lesquels ils ne fonderont aucune abbaye, pendant que leurs adversaires, les Wulfoad-Gunduin, participent à la fondation des abbayes de Wissembourg (ou est-ce Dagobert?) et de Bonmoutier, Hohenbourg, Ebermunster, que nous avons cité plus haut. Puis, les Pippinides connaissent un nouveau souffle : Begga, mère de Pépin II fonde un monastère à Andenne en 679, et Pépin II lui-même, associé à Irmina (Irma, Ermina, Hermine, Ymena) de Trèves (Trier), qui fonda avec Hugobert, comte palatin d'Echternach, la dynastie des Hugobertide. Veuve, elle devient abbesse d'Oeren (Horreum) et offre à Willibrord en 697/698 sa villa d'Echternach, qui deviendra la célèbre abbaye du même nom. La fille d'Irmina, Adèle (Adela), fondera l'abbaye de Pfalzel (Palatiolum), près de Trèves, entre 691 et 713.
Quant au fils naturel de Pépin, Charles Martel, il favorisera avec d'autres princes la naissance de la célèbre abbaye de Reichenau, fondée en 724 par l'évêque missionnaire Pirmin (Permin, Perminius, Primenus, † 753), et qui obtiendra ses lettres de noblesse sous les Ottoniens. Pirmin fondera plusieurs monastères. En Alsace (VOIR CARTES D'ALSACE) il y a Murbach (728), qu'il fonde avec le duc franc Eberhard, qui dote le monastère de grands domaines jusqu'à la Suisse (où il fonde peut-être le monastère de Pfäfers (Fabaria, Pfaefers)) mais aussi Herbitzheim (de Heribodesheim, "lieu herbeux"), vers 740, dans l'ancien comté de Sarrewerden (auj. Sarre-Union), dont dépendra de nombreux domaines : Oermingen, Salzbronn, Keskastel ... et qui a disparu :
Blason héraldique de l'abbaye d'Herbitzheim.
Les armoiries sont "De sable [couleur noire du fond de l'écu] à deux clefs passées en sautoir [en X]" Ces dernières symbolisent les deux patrons du monastère, saint Jean et saint Pierre.

Dans sa Germanie d'origine, Pirmin fonde Gengenbach en 725, en Forêt Noire, dans la vallée de la Kinzig, une nouvelle fois avec Eberhard, mais aussi Amorbach, vers 734, dans la vallée de la Neckar, où le comte Ruthard l'avait envoyé pour une mission évangélisatrice.

Allemagne, Amorbach, carte de la Vallée de la Neckar

Enfin, il fonde Hornbach, en 742, dans le Palatinat (auj. land du Rheinland-Pfalz), où il finira ses jours. Le couvent a été transformé depuis peu en hôtel.

Revenons maintenant à Willibrord, qui nous permet d'aborder l'influence anglo-saxonne du monachisme à la fin du VIIe siècle. Ce monachisme anglo-saxon est alors, en plein essor, entraîné par d'intenses courants commerciaux et culturels entre la Gaule du Nord, l'Angleterre et les pays scandinaves. C'est au sein de cette communauté anglo-saxonne que se développeront surtout d’intenses programmes d'évangélisation des régions du Nord de l'Europe, qui donneront lieu à de nombreuses fondations monastiques :
Si l'évangélisation de la Germanie est dynamisée par deux moines anglo-saxons, Willibrord (658-739) et Wynfrith (673-755), qui passe pour être son élève, d'autres avant eux avaient établis quelques pôles religieux. Ainsi, Emmeran (Emmeranus, Emmeram, Emmeramus, Haimhramm, Heimeran, Haimeran, etc...) était déjà parti de Poitiers pour évangéliser la Bavière. Il y fonda le monastère de Ratisbonne (Regensburg) vers 649, qui prit son nom. Comme partout ailleurs, les princes ne seront pas en reste. En 731/741, le duc de Bavière Odilo (Odilon), de la grande famille des Agilofinger, fondera son propre" Eigenkloster" (monastère dynastique) à Niederaltaich (ou Altaich le Bas), élevée par Charlemagne comme abbaye impériale en 788 et dont les premiers moines provenaient de l'abbaye de Reichenau en raison semble t-il, de leur expérience agricole en milieu humide, le site d'Altaich se trouvant sur les rives du Danube, soumis à de fréquentes crues au fil des siècles. A l'inverse, on ne sera pas étonné que le domaine du monastère offrait d'excellentes conditions de pêche et d'élevage piscicole, ainsi que de communications fluviales. Le comte Odilon est loin d'être le seul grand aristocrate de Germanie à établir des fondations monastiques. Le noble (comte?) Abélard (Adelhart, Abélard) fonda vers 728 un monastère près de Maaseik (act. Pays-Bas), entre Maastricht et Ruremonde, près de la Meuse, pour ses dévotes filles Herlinde (Harlina, Herline, Herlindis, + 745) et Relinde (Renilde, Renule, Relindis, + v. 750), successivement abbesses (higoumènes?) de ce couvent d'Aldeneik (Aldeneyck, Aldeneyk) et amies de Willibrord et de Boniface, qui le bénirent. On mentionnera au passage les comtes bavarois Adalbert et Otkar (Ottokar), maîtres respectivement de Warngau et de Tegernsee, qui fondèrent l'abbaye de Tegernsee* (Tegrinseo) sur le lac Tegern vers 746.

* TEGERNSEE "On a voulu attribuer à l'Allemagne l'invention de la peinture sur verre, et l'on a cité comme preuve les vitraux peints de l'abbaye de Tegernsee, en Bavière, au sujet desquels l'abbé Cosbert écrivait, en 1091, au comte Arnold, qui en avait fait don à cette abbaye :
« Jusqu'à présent les fenêtres de notre église n'étaient fermées qu'avec de vieilles toiles ; mais, grâce à vous, pour la première fois, le soleil promène ses rayons dorés sur le pavé de notre basilique, en pénétrant à travers des peintures qui s'étalent sur des verres de diverses couleurs. »
Nous ferons remarquer que ces vitraux pouvaient résulter, comme ceux de la rosace de Notre-Dame de Paris et ceux de Saint Paul hors les murs, à Rome, de la réunion des fragments de verre teints. Il faudrait, pour inarquer l'époque réelle de la découverte de la peinture sur verre proprement dite, que l'on fit mention du procédé d'exécution, et que l'on dît que les couleurs étaient appliquées sur le verre et fondues au four du potier. Rien de semblable n'est dit dans ce document, de sorte que le livre du moine Théophile, dans lequel sont décrits les procédés de cet art, reste toujours le seul authentique, pour fixer l'époque de cette découverte en Europe.)."

extrait de : http://hdelboy.club.fr/vitraux_bourges.html

Revenons de nouveau à Willibrord, qui fut d'abord oblat à la célèbre abbaye de Ripon, en Angleterre, puis développa un projet d'évangélisation de la Frise (mais aussi des Flandres). Ainsi, quand il bâtit Echternach en 698, il implanta durablement ainsi le christianisme et il éleva une abbaye dynastique qui enracina la dynastie des Hugobertide.
Comme son prédécesseur Grégoire Ier, Grégoire II encouragea les missions en Germanie. En 718, il reçut l'Anglo-Saxon Wynfrith (673-755) à qui il imposa le nom de Boniface avec la mission d'évangéliser les païens de la Thuringe, de la Hesse et de la Bavière, et à qui, en 722, il conféra la consécration épiscopale pour la Germanie. Cette mission est appuyée par Pépin de Herstal, pour élargir leur sphère d'action politique. Une autre nouveauté apparaît aussi : le rôle de la papauté. Wynfrith va à Rome pour demander la permission à la papauté d'évangéliser la Germanie. Le pape lui remet le pallium ; le moine change de nom et de costume et devient évêque. C'est le premier pas vers un lien entre la papauté et les missions à l'étranger. Boniface installe des diocèses et des monastères avec ses compagnons missionnaires : Il y a Lull, (Lullus, saint Lull de Mayence [Mainz], 710-786), un Saxon élevé en Angleterre à Malmesbury (Wiltshire), son successeur à l'archevêché de Mayence, et qui fondera lui-même l'abbaye d'Hersfeld (région de Hesse) en 768, dédiée aux saints Simon et Thaddée. Saint Eoban, quant à lui, partagea son martyre avec Boniface. Saint Burchard fut premier évêque de Würzburg. Saint Wigbert fut le premier abbé de l'abbaye fondé avec Boniface à Fritzlar. Saint Thecla (ou Tecla) fut première abbesse d' Ochsenfürt. Il y a aussi sainte Walburga, soeur des Saints Willibald et Winebald. Enfin, il y a la jeune et belle cousine de Boniface, sainte Leoba (Léoba, Lioba), moniale de Wimborne qui dirigea ensuite tous les monastères de nonnes issus de l'abbaye-mère de Bischoffsheim, monastère double où Sturm (voir plus loin ce nom) s'occupait des moines. Citons en passant quelques abbayes fondées par Boniface : Benediktbeuern en Bavière, Amöneburg, sur les bords de l'Ohm, Saint-Michel d'Ohrdruf. Boniface organise tous ces monastères en faisant en sorte qu'ils ne soient pas liés à l'évêque local mais à celui de Rome : c'est un des signes qui marquent l'autonomie progressive des monastères à l'égard du pouvoir ecclésiastique local.

Dans le même temps, on assiste aux dernières vagues importantes d'évangélisateurs irlandais : "Parmi les noms qui en ressortent, on connaît celui de Tuban, fondateur avec le dénommé Benedictus, du monastère de Honau sur une île du Rhin, près de Strasbourg, qui servait de halte et de base de repos pour les Irlandais partant en direction de la Hesse et de Mayence (j). Altomünster dans le diocèse de Freising fut fondé par Alto dans le même temps. Fergal, de son nom latinisé en Virgile, après avoir été abbé en Irlande, aborda le continent vers 743. Après avoir fondé le monastère de St Pierre de Salzbourg, il remplaça l’évêque Jean au siège ecclésial de cette même ville dont il ne fut ordonné évêque qu’en 755, après la mort de Boniface avec qui il avait eu des démêlés au sujet du baptême et de ses positions, très audacieuses pour l’époque, sur les antipodes (k)."

j La charte de donation du monastère date de 722-723

k Dom Louis Gougaud : Les chrétientés…, op. cit., p. 152. On le connaît aussi sous le nom d’Aethicus Ister. Dom Louis Gougaud : Les saints irlandais hors d’Irlande, op. cit., p. 170

texte extrait du site passionnant de Georges Briche sur les Celtes : http://www.chez.com/menarpalud/


Une petite note finale sera consacrée à une pratique courante des Mérovingiens, qui relèguent dans les monastères de ses éléments indésirables ou, parfois, s'y retirent eux-mêmes. On mettait les princes bien encombrants au frais dans les abbayes, mais on pouvait aussi bien les en retirer quand ils pouvaient servir. On citera Théodebert II roi d'Austrasie (595-612), jeté et mis à mort dans un monastère par son frère Thierry II (595-613), roi de Bourgogne puis d'Austrasie (612); Thierry III (673-691), troisième fils de Clovis II, rasé et relégué à l'abbaye Saint-Denis par son frère Childéric II (662-675). De sa femme Clotilde il eut, entre-autres enfants, une fille, Bertrade l'Ancienne (676-740), qui fonda l'abbaye de Prüm (ou Pruem,au nord-ouest de Trèves) en 721; Ebroïn, le maire du palais qui avait proclamé roi le même Thierry, est envoyé lui-même à l'abbaye de Luxeuil ; Dagobert III meurt en 715, conduisant Ragenfroi et les leudes à reléguer son fils Thierry à l'abbaye de Chelles, pour élever au trône Chilpéric II (715-721), un fils de Childéric II, tiré lui aussi d'une abbaye. Thierry est extirpé de Chelles par Charles Martel pour qu'il soit fait roi d'Austrasie, de Neustrie et de Bourgogne sous le nom de Thierry IV (721-737). La première année de son règne, il faut noter la fondation de Carloman, fils de Charles Martel, qui fonde un monastère sur le mont Soracte, près de Rome, en 747, se retire ensuite à l'abbaye du Mont-Cassin en 752. Précisons que c'est lui qui céda les vastes terres sur lesquelles a été bâtie la célèbre abbaye de Fulda :
Le 12 mars 744, sur le conseil de son maître Boniface, Sturm s’installa avec sept compagnons dans la forêt Buchonia, en Saxe, sur un vaste terrain donné par Carloman. Bientôt Sturm se rendit à Rome. Il en rapporta les us et coutumes du Mont-Cassin. Il obtint du pape Zacharie, en 751, l’exemption de juridiction épiscopale, privilège que Pépin confirma en 753. Fulda était déjà le centre du christianisme en Germanie et l’ambition des moines issus de la noblesse les amena à se réserver les charges, prétentions contre lesquelles les moines d’origines bourgeoise et populaire s’insurgèrent. Le corps de Boniface fut apporté à l'abbaye après son martyre en 754.

En se retirant au Mont-Cassin, Carloman laisse Pépin gouverner seul et déposer enfin, le dernier de la dynastie, Childéric III (743-751), qu'on rase* et enferme à l'abbaye de Saint-Bertin, où il meurt en 755. Son fils Thierry aurait vécu à l'abbaye Saint-Wandrille.


* "ce n'est point encore là une nouveauté, l'usage remontait plus haut. On rasait les derniers empereurs d'Occident pour en faire des prêtres et des évêques. Mais il ne me semble pas certain que Khilpéric devint moine, bien qu'on lui coupa les cheveux et qu'on le confina dans un monastère. Couper les cheveux à un Mérovingien, c'était tout simplement le déposer et le reléguer dans la classe populaire. On dépouillait un roi frank de sa chevelure comme un empereur de son diadème. Les Germains, dans leur simplicité, avaient attaché le signe de la puissance à la couronne naturelle de l'homme. " ( Chateaubriand)


Sources :

Je remercie chaleureusement Armand Veilleux, de l'Abbaye de Scourmont, le frère Patrice de l'abbaye de Fleury-sur-Loire, pour leurs contributions.
http://www.webencyclo.com/
http://www.royalement-votre.com/
http://www.nivelles.be/pages/decouvri/histoire/themes/culte.htm ( généalogie pépinnides)
http://www.bnf.fr/
http://www.voyageenfrance.com/image/ville/85/grand/237.jpg (image crypte)
http://www.structurae.de/fr/photos/img3613.php (abbatiale Saint-Pierre de Vienne, photo de Jacques Mossot)
http://volcelest.chez.tiscali.fr/imagchas.htm (limiers)
http://www.remmick.org/Remmick.German.Facts/NeckValMap2.jpg (carte de Neckar)
http://www.ferienwohnung-vermittler.de/Deutschland/Bayern-Bayerischer_Wald/Ferienwohnung_Fam_Liebl/deutschland_schwarzach_gross.gif
(carte Forêt Bavaroise)
http://www.chez.com/oberhaslach/obhahis.htm
http://membres.lycos.fr/paleographie/heraldique/sommaire.html (blason Hautmont)
http://www.ngw.nl/int/fra/h/images/herbitzh.jpg (blason d'Herbitzheim)
http://www.enluminures.culture.fr/Wave/savimage/enlumine/irht2/IRHT_054329-p.jpg (clovis II)


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