ENCYCLOPEDIE -DE--LA--LANGUE -FRANCAISE
 
L-LA --REFORME-- GREGORIENNE
3e partie
 
La querelle des Investitures
2e partie

 



Le texte dit : "L'abbé [Hugues de Cluny] intercède pour le roi [Henri IV] auprès de Mathilde" (à Canossa). Vita Mathildis, 1114, Rome. Bibliothèque du Vatican, Ms. 4922, f. 49r.

 


Quand les causes qui ont été précédemment indiquées eurent produit leur effet ou épuisé leur force d'action, la question des investitures fut réglée sans grande difficulté. En 1111, par le traité de Sutri, Pascal II et Henri V convinrent que l'empereur renoncerait à l'investiture, le pape, au nom du clergé, renonçant aux droits féodaux. C'était une solution d'une irréprochable équité, rendant à chacun ce qui lui appartenait. Ce traité naturellement révolta tout le clergé, autant celui qui servait la cause du pape que celui qui était resté attaché à l'empereur. La guerre recommença, compliquée dès 1115 de la succession de la comtesse Mathilde. Par deux actes, faits successivement sous les pontificats de Grégoire VII et de Pascal II, la grande comtesse avait donné tous ses domaines au saint-siège. Une pareille donation était absolument nulle comme contraire au droit féodal, pour la plus grande partie de ces domaines, laquelle était tenue par la donatrice à titre de fief. Même pour le reste (duché de Spolète et marche d'Ancône), elle n'avait qu'une valeur très douteuse, quoique les avocats de la papauté prétendent que cette portion des Etats de Mathilde était possédée par elle à titre allodial. En effet, il est certain que ces possessions formaient, peu d'années auparavant, des fiefs du royaume d'Italie. Or, sous le régime féodal, s'il est facile d'expliquer comment un alleu devient fief, il est à peu près impossible de comprendre comment un fief peut devenir alleu, tacitement. D'ailleurs, la question de suzeraineté écartée, restait la question de souveraineté, favorable aux prétentions de l'Empire. Quoi qu'il en fût, le pape réclamait tous les domaines de Mathilde sans distinction ; Henri V les saisit tous, également sans distinction; et il s'y maintint malgré les efforts de ses adversaires. Cette complication, qui semblait devoir éterniser la guerre, fournit cependant un moyen de la terminer. On proposa de réserver la question de la succession. Comme cette réserve lui laissait la possession, et qu'elle lui donnait même un titre provisoire, l'empereur se montra accommodant pour les investitures. En 1122, fut conclu entre Calixte II et Henri V un pacte, qui porte dans l'histoire le nom de concordat de Worms, et qui fut confirmé en 1123 par le concile général de Latran. L'empereur abandonnait à Dieu, aux saints apôtres Pierre et Paul, et à la sainte Eglise catholique, toute investiture par la crosse et par l'anneau, et il permettait la consécration immédiate de l'élu. Mais, en compensation, il se faisait assurer le droit d'assister aux élections, en personne ou par ses officiers, et de donner à l'évêque, par le sceptre, l'investiture de ses possessions et attributions temporelles. Ce concordat constitue une véritable transaction, dans laquelle chacune des parties abandonne une part importante de ses prétentions. D'un côté, les empereurs perdent le droit de récuser l'élu pour cause d'indignité; ils cessent d'être les détenteurs de la crosse et de l'anneau, emblèmes des fonctions épiscopales; par là, ils sont privés d'un moyen efficace, quoique indirect, de maintenir la vacance du siège jusqu'à ce qu'ils aient consenti à l'investiture, et, par suite, de prévenir les consécrations hâtives, après lesquelles il devient difficile de refuser à un évêque les biens et les droits temporels attachés à son office. Mais, d'un autre côté, ils conservent sur le bénéfice ecclésiastique la plénitude de la suzeraineté féodale, que les papes leur avaient si hautement déniée. Grégoire VII avait formellement déclaré que tout évêque ou abbé qui a reçu l'investiture d'un laïque ne doit point être considéré comme prélat. La même doctrine fut maintenue par ses successeurs, et cette réprobation n'était point limitée à la formalité de la crosse et de l'anneau, laquelle ne concernait d'ailleurs que les évêchés et un certain nombre d'abbayes. Calixte II était même allé plus loin ; il avait expressément défendu d'obliger les ecclésiastiques à rendre un quelconque service aux laïques, à raison de leurs bénéfices. Les partisans des papes les avaient dépassés par la violence de leurs censures. Un évêque de Plaisance affirmait que les prélats déshonorent leur ordre, en plaçant leur main, qui a tenu le corps et le sang du Christ, dans la main impure d'un laïque. Des expressions analogues furent employées par d'autres et dirigées contre tout hommage féodal, quelle qu'en fût la forme. Le vrai but de l'entreprise de Grégoire VII et de ses continuateurs était d'affranchir de toute obligation féodale le clergé, qui possédait alors une grande partie des terres de l'Europe, et de reconstituer sa dépendance au profit du siège romain, par un hommage spécial. Le concordat de Worms montre la papauté complètement vaincue sur ce point.

Il est intéressant de constater ici, pour la morale de toute cette histoire, que par d'autres concordats la papauté supprima les élections ecclésiastiques qu'elle avait prétendu défendre en faisant verser tant de sang et en fulminant tant d'anathèmes. Attribuant aux princes le droit de nomination, elle soumit à leur discrétion, non seulement les biens, mais les offices les plus élevés de l'Eglise, et elle préleva dessus une prime, sous forme très lucrative de bulles de provision.


Sources :

article "INVESTITURE" de l'encyclopédie Berthelot (fin XIXe s)
http://www.eleves.ens.fr/home/robin/histoire/medievale/eglise/gregorienne1.html

 
 

 
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