ENCYCLOPEDIE -DE--LA--LANGUE -FRANCAISE
 

-ABBAYE
-LE - BEATUS -DE -LIEBANA

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Beatus de Tábara, Archive Nationale de Madrid, MS 1097B, vers 970, détail (voir page entière plus bas)

 

Les manuscrits- ( II )
 

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    NOM
    DU MANUSCRIT

    Ms = numéro du manuscrit au catalogue
    A = lieu de conservation
    S : scriptorium concerné
    D = date de création
    T = taille en cm
    C/300 = complet/ nombre de folios conservés
    I/03 = Incomplet/ nombre de folios conservés
    SM = sans miniatures
    NE = nombre d'enluminures

 COMMENTAIRES
 

 BEATUS DE TABARA

Ms. 1097 B
A : Madrid, Archivo Histórico Nacional
S : San Salvador de Tábara

D : achevé le 27 juillet 970

T : 36 x 25,5
I/ 168 (166 + 2 ?)
NE/ 8

 
     

    Ecrits en lettres wisigothiques sur deux colonnes, le manuscrit appartient de l'avis général à la brillante école léonaise dont nous avons déjà parlé, même si son attribution au monastère de
    Tábara, province de Zamora, la plus probable, n'est pas absolument certaine. On sait que deux mains au moins travaillèrent à cet ouvrage. C'est le copiste Monnius ("Monnius presbiter scripsit") qui indique dans son colophon, placé à la fin de l'ouvrage, sous un grand omega décoratif (ill. plus bas), que le premier pictor s'appelait Magius, qu'on identifie parfois au Maius du premier manuscrit Morgan (voir page précédente). Ce dernier étant passé à trépas en cours d'élaboration, poursuit le colophon, c'est son élève Demetrius qui fut chargé par la communauté de terminer la tâche, ce qui fut fait après trois mois de dur labeur.

    Le manuscrit ne nous est parvenu qu'incomplet, avec très peu (huit) des miniatures d'origine, illustrant les commnentaires de Beatus sur l'Apocalypse et le commentaire de Jérôme sur le livre de Daniel. Aux folios initiaux, ont été rajoutés deux autres, au moyen-âge pense t-on, les folios 167 et 168, qui proviennent d'un autre Beatus : plus grands que les premiers, ils ont été coupés pour y être intégrés. C'est sur la page 167v qu'apparaît la tour de Tábara, dont l'auteur n'est pas peu fier : " O turre Tabarense, alta et lapidea!", s'exclame t-il, qui donna son nom au codex. Sur le même folio sont représentés, entre autres, Emetrius, un copiste, un certain Senior et leur assistant : voir détail à la page ABBAYE, MENU DU SCRIPTORIUM

    L'oeuvre témoigne d'influences mozarabes, mais aussi carolingiennes et byzantines : En marge du texte, des gloses en langue arabe nous confirment que certains moines mozarabes ont dû travailler sur le manuscrit, ce dont doute Williams (?). Signalons aussi que Otto Karl Werckmeister (Islamische Formen in spanischen Miniaturen des Jahrhundert und das Problem der mozarabischen Buchmalerei, Settimane di Studi del Centro Italiano di Studi sull'Alto Medioevo 12, Spoleto 1965), ou G. Beckwith (Islamic influences on Beatus Apocalypse manuscripts, Actas del Simposio para el estudio de los códices del "Comentario al Apocalipsis" de Beato de Liébana, Madrid, 1980) y voient des influences ornementales inspirées de l'écriture soufique (çoufiques, Blattkufi-Schrift) comme dans le w géant du colophon (folio 167r) :


     
     BEATUS DE VALCAVADO ou de
    VALLADOLID

    (Códice Vallisoletano)

    Ms.
    433
    A : Biblioteca del Colegio de Santa Cruz de la Universidad de Valladolid.
    S : Santa María in Valcavado

    D : 970/975

    T : 35,5 x 24,5
    I/ 230
    NE/ 97



    folio 44v, la Prostituée chevauchant la Bête, Apocalypse 17 : 3

    Ecrit avec une wisigothique bien ronde, le manuscrit perdit 14 feuillets, dont on pense que cinq d'entre-eux, sur la thème de la généalogie, ont été intégrés au Beatus Facundus (Madrid, Biblioteca Nacional, MS Vitrina 14-2). Originellement plus grandes, les marges des folios furent ensuite coupées d'1 cm environ, pour une raison inconnue.

    L'ouvrage fut exécuté sous la direction de l'abbé Sempronius par le moine Oveco (ou Obeco, Ovecus, Obecus) en 92 jours, du 8 juin au 8 septembre, ce qui est un record, puisqu'Oveco réalisa une moyenne de cinq pages par jour. Ce travail fut accompli au scriptorium du monastère de Valcavado, fondé vers 925-950 au bord de la rivière Carrión, au nord de Saldaña (province de Palencia). Les bâtiments furent démantelés au XVIIIe siècle pour construire l'église de Valcavadillo, toute proche.

     
     
     BEATUS DE GERONE

    (Girona, en cat. Gerona, en esp.)

    Ms. 7 (Codex Gerundensis)
    A : Girona, Museu (en cat. En esp. museo) de la Catedral, province de Gerona
    S : école de Leon : San Salvador de Tábara ?

    D : v. 975

    T : 40 x 26
    C/ 284
    NE/ 114 avec or et argent


    A gauche, folio 1v : La croix d'Oviedo (Oviède). A droite, folio 2r, la Maiestas Domini


 détail de l'arche de Noé

Selon Joaquín Yarza Luaces (Beato de Liébana: manuscritos iluminados, M. Moleiro Editions, Barcelone 1998), ce Beatus est exceptionnel comparé aux autres, par son matériel iconographique important. Plus mozarabe encore, peut-être que tous les autres Beatus, il fait apparaître, comme d'autres, des traits carolingiens.

Fait extraordinaire, une moniale aurait participé à cette aventure, mais dont on ne connaît rien, hélas. Le colophon de l'ouvrage, aux folios 283v et 284r la nomme, ainsi que les autres artisans de ce manuscrit : Le copiste Senior : "Senior presbiter scripsit" ainsi que les enlumineurs, Emetrius (Emetrio, l'élève de Magius : "frater Emetrius et presbiter") et l'enlumineuse En ou Ende (et pas Eude, comme on le lit ici ou là), selon qu'on lit En depintrix ou Ende pintrix et Dei aiutrix : En, peintre et aide de Dieu. Le professeur Anscari Manuel Mundó est partisan du premier, car ce nom propre figure aussi bien dans l'onomastique asturienne que galicienne ou leonaise du haut moyen-âge (Sobre los códices de Beato, dans Actas del Simposio para el estudio de los códices del Comentario al Apocalipsis de Beato de Liebana, 1978). Cette collaboration d'un moine et d'une nonne fait penser qu'ils auraient pu vivre dans un monastère mixte, comme celui de Tábara, où on suppose que leur ouvrage a été fait et où Emetrio et Senior avaient déjà travaillé à un Beatus cinq ans auparavant, dans ce même monastère de Tábara. Ce manuscrit de Gérone apparaît très tôt à Gérone, en 1078, où il figure dans le legs du chanoine Joan à la communauté canoniale de la cathédrale de Girona, sous l'appellation "Comentario al Apocalipsis".

Plusieurs caractéristiques rendent ce Beatus unique, nous l'avons dit, et à celles-ci il faut ajouter le grand nombre de miniatures additionnelles en comparaison des manuscrits qui le précèdent sur le sujet des Commentaires. En plus d'initier dans les Beatus la croix d'Oviedo et la Maiestas (voir ci-contre), il compte pas moins de six peintures des évangélistes, plusieurs généalogies et un remarquable cycle sur la vie et la mort de Jésus Christ, thème qu'on ne retrouve dans aucun autre Beatus et qui n'est pas courant du tout dans les codices de la même époque en Espagne.

Jusqu'à l'arrivée des Beatus de grand formats du XIIe, XIIIe siècles (San Pedro de Cardeña, San Andrés d'Arroyo , Las Huelgas), le Béatus de Gérone reste le plus grand des Beatus, même s'il a fallu le recouper pour des besoins de reliure.


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