ENCYCLOPEDIE -DE--LA--LANGUE -FRANCAISE
 

-ABEILLE


LES ABEILLES ET LES HOMMES
( VII)

croyances,
savoirs
et
apiculture

L'ABEILLE
DANS L'ANTIQUITÉ

( II )
--

---RICHESSE INDUSTRIELLE

 

 
LA NOURRITURE QUOTIDIENNE et RITUELLE
 

Si les Chinois et les Indiens connaissaient le sucre depuis la haute antiquité, ce dernier ne sera découvert par les Perses qu'au VIe siècle avant notre ère, puis par les Grecs d'Alexandre le Grand en - 325 (via l'Inde
* et la Perse) et les Romains ensuite (voir SACCHARON, très intéressant article du dictionnaire de Darembert et Saglio) avant d'être découvert par les Croisés au Xe siècle ! Pour cette raison, le miel des abeilles sera l'édulcorant de choix, mais pas le seul nous le verrons, de la cuisine et la médecine de beaucoup de cultures de l'antiquité et d'une grande partie du moyen-âge.

MESOPOTAMIE


"Des recettes sumériennes "conseillent non seulement d’aplatir la pâte mais de l’étirer jusqu’à l’obtention de fines abaisses, avec lesquelles sont réalisés des pâtés en croûte.
Une recette prévoit de superposer plusieurs feuilles de pâte ultra-fines en vue de la confection d’une tourte qui est farcie avec des oiseaux: “avec du babeurre, on pétrit de la farine de grosse mouture; on beurre un plat et, dans ce plat, on fait cuire la pâte, étalée au plus mince; aussitôt cuite, on la passe à l’huile ou au beurre et on la réserve. On mêle alors de la farine avec de la bière en laquelle ont trempé des bois aromatiques (peut-être de la cannelle?). On la verse dans un plat, on y met du poireau, de l’ail, du samidu (?), du miel, du beurre....Dans le même plat, on place les oiseaux et l’on expose le tout au feu...”
Une première feuille de pâte ultra-mince est donc confectionnée et frottée d’huile ou de beurre, comme on fait aujourd’hui en Afrique du Nord pour obtenir un feuilletage (cf. infra). Une deuxième feuille est ensuite fabriquée avec une autre pâte (à la bière aromatisée), cuite de la même manière que la première et placée sur celle-ci. Elle est également enduite de beurre et farcie avec des alliacés, du miel et des oiseaux. Botéro ajoute que cette tourte devait être couverte d’une feuille de pâte supplémentaire. Serait-elle l’ancêtre de la “bastela” marocaine composée de “ouarka ” (évanescentes feuilles de pâte) placées les unes sur les autres et provoquant un effet de feuilletage? Elle aussi est farcie de volatiles (le plus souvent des pigeons)."

"Du fait notamment de l’utilisation du siqqu*, la cuisine mésopotamienne évoque l’actuelle cuisine extrême-orientale. Elle se rapproche également de ses descendantes gréco-romaines, pour la même raison et aussi parce qu’elle utilise du miel et des herbes aromatiques qu’on retrouve notamment chez Apicius : cumin, coriandre, menthe, aneth, rue."

* SIQQU : "Les sauces aux poissons lacto-fermentés sont, aujourd’hui, une spécialité extrême-orientale. La plus connue est le nuoc-nam vietnamien. Elles existent depuis des millénaires et sont mentionnées dans le livre mésopotamien sous le nom de siqqu. Ce condiment, dont la saveur et l’effluve sont extrêmement puissants, sera utilisé dans tout l’espace méditerranéen pendant l’antiquité et une partie du Moyen Age. Il est connu en Grèce dès le 6e siècle avant notre ère et sera adopté ensuite par les Romains, qui l’appellent garum*."

extraits de : http://www.europatable.org/cours/Cours%20europe.pdf

* C'est Varron (De la langue latine, De lingua latina, Livre IX, 40, LXVI) qui nous apprend que ce mot vient de garus, qui désigne le nom du poisson (on ne sait pas l'identifier) dont les Romains tirent la saumure pour leur garum, qu'ils appellent souvent liquamen, liquamine (chez Columelle et Apicius, par exemple, opus cités plus bas.

EGYPTE

"le dix-neuf du premier mois les Egyptiens célèbrent une fête en l'honneur de Mercure; on y mange du miel et des figues, en disant : Douce est la vérité." Plutarque, De Iside et Oriside (Sur Isis et Osiris), chapitre 68, traduction de Victor Bétolaud, Hachette 1870. Le miel entre dans la composition des gâteaux en particulier, mais aussi des confiseries, du vin, des vins miellés, etc. Signalons d'ailleurs, que Gaston Maspero avait trouvé des gâteaux et des pots de miel à Gebelein (voir carte ci-dessous), datant de la XIe dynastie (vers - 2130 à - 1991).

 
Carte de l'Egypte ancienne
 

Le miel, se généralise en effet dans l'Egypte du Moyen-Empire (vers - 2065 à - 1781). De même qu'il ralentit le pourrissement des corps (voir prochain §), il ralentit celui des fruits, comme la cire d'abeilles (cera en latin, kêros en grec).

GRECE

 
Archéstrate, IVe s. avant notre ère

"L’Hellade a connu une littérature gastronomique florissante; seule l’oeuvre d’Archéstrate nous est, hélas, revenue. Et encore seule une soixante de fragments subsistent qui ont été sauvés de l’oubli par Athénée (de Naucratis, NDE) au 3e siècle dans les Deipnosophistes (Le banquet des sophistes ou philosophes). On ignore le titre exact de l’oeuvre d’Archéstrate qui se présentait sous forme de poème et a été composée aux alentours de -330. D’après Lyncée et Callimaque, elle s’intitulait Hédypathie (qu’on pourrait traduire par Les plaisirs de la table), selon Chrysippe Gastronomie, selon d’autres L’art de dîner voire L’art de la bonne cuisine."
 
"Après le dîner, couronne-toi la tête de guirlandes et de toutes espèces de fleurs dont la terre fertile se pare; parfume-toi la chevelure avec les essences les plus précieuses, répands toute la journée, sur des cendres ardentes, de la myrrhe et de l’encens de Syrie. Et, lorsque tu es en train de boire, qu’on te serve des plats savoureux: l’estomac et la vulve de truie bouillis dans du cumin, du vinaigre fort et du silphium; des tendres oiseaux rôtis, selon la saison. Laisse-là ces Syracusains qui ne font que boire sans manger, comme des grenouilles. Garde-toi de les imiter et tiens-toi aux mets que je conseille. Tous ces autres plats ne sont que preuve d’une grande pauvreté: pois-chiches bouillis, grosses fèves, pommes et figues séchées. En revanche, apprécie les galettes athéniennes; c’est grâce au miel attique qu’elles sont supérieures à toutes les autres. C’est ainsi qu’un homme libre doit vivre..."

extrait de : http://www.europatable.org/cours/Cours%20europe.pdf

 
Nous connaissons diverses recettes grecques antiques à base de miel, qu'on mêlait parfois au vin des prytanes (veillent sur le foyer public et les repas sacrés) :
- Le chόrion, fait de boyaux séchés remplis de lait frais et de miel passés légèrement au feu, que l'on donnait aux prytanes à la fête des Galaxia dédiée à la Mère des dieux,
- Le pόltos, mélange d'orge et de lait, dont Varron disait qu'il était encore plus ancien que le pain (Varron, De Lingua Latina 5, 105, qui renvoie à Apollodore d’Athènes, grammairien du IIe siècle av. J.-C.).
- Le kukeόn (le "cycéon" des mystères d'Eleusis) dont les oeuvres homériques nous disent qu'il se compose de fromage de chèvre râpé, de farine et de miel, parfois de vin.
(L'Odyssée X, 316 ; L'Iliade XI).
Comme les Romains après eux, les Grecs ont un rapport particulier à la confiserie, lié dans les textes à la médecine, voir page précédente.
 
* Précisons que, dans la vie quotidienne, particulièrement en cuisine, l'Inde antique utilisait beaucoup la mélasse (résidu du miel, plus liquide), cité par exemple à plusieurs reprises par le Mahâbhârata (Livres V, XII, XIII).

BIERE

 
 
"Les civilisations grecques et romaines n'accordèrent pas la même faveur à la bière* que les Egyptiens qui la leur avaient fait connaître. Elles vont être les premières cultures à se détourner de la bière, au profit du vin, symbole du sang du Christ dès le début de la chrétienté.
C'est pourtant, sous l'influence de Rome que la bière fut introduite dans la péninsule ibérique, et qui sera à l'origine de la diffusion de la bière en Gaule.
Les Germains l'adoptèrent au Ie siècle avant notre ère. Ils la fabriquaient avec de l'orge, du froment ou de l'avoine maltés* et l'aromatisaient avec du miel, du gingembre. Ils en transmirent l'usage aux pays du nord, qui en firent leur boisson exclusive après le IIIe siècle après J.-C.
A l'époque, on ne parlait pas de bière, mais de cervesia (“cervoise”). Ce terme évoquait la Ceresis vitis (“vigne de Cérès”) et faisait référence à la légende selon laquelle Cérès, déesse des moissons et des céréales, aurait découvert la boisson et en aurait fait bénéficier les peuples dont les terres ne se prêtaient pas à la culture de la vigne.

La cervoise était donc appréciée des Gaulois. La popularité qu'elle allait connaître tient notamment, à la crainte des maladies que pouvait provoquer la consommation d'eau, par suite du manque d'eau potable. Par sa fabrication, la cervoise apparaissait donc comme une boisson sans risque. De ce fait, elle s'intégra à l'alimentation quotidienne.

La préparation ressemblait fort à celle des Anciens. Toutefois, la brasserie progressa. Aux Gaulois
revient le mérite d'avoir inventé le foudre et le tonneau en bois. Le premier était réservé à la
fermentation et à la maturation, le second à la conservation et au transport."

extrait : http://www.abo-vs.org/2006/docs/L'Histoire%20de%20la%20bi%C3%A8re.pdf

*
BIERE : "Le plus ancien témoin de bière ensemencée en Europe date d’environ – 1.500; au Nord du Danemark on a trouvé un récipient, fait d’écorce cousue et contenant les restes d’une boisson fermentée de céréales (non maltées) avec du miel, des baies de genévrier et des ferments sauvages tirés apparemment de la peau d’un fruit (indéterminé)."
extrait de : http://www.europatable.org/cours/Cours%20europe.pdf

*
MALTES : Le maltage, consiste à faire germer des céréales pour transformer l’amidon des grains en sucres fermentescibles, transformation qui se fait naturellement dans l'eau. On perfectionnera le maltage en ensemençant la bière avec des levures, d'abord avec des ferments sauvages, puis, beaucoup plus tard, des levures de culture (XIXe s.), la bière que l'on connaît, au houblon, étant connue dès le IXe siècle (NDE).


 ROME  
 Pompéï, Villa des Mystères (Villa dei Misteri)
mégalographie (peinture monumentale) du triclinium (salle à manger)
70-60 av. J.-C

Pour certains, cette scène représente l'initiation au culte de Dionysos, mais pour d'autres, c'est une fresque qui dépeint un riche mariage, avec la domna (la maîtresse de maison) à gauche, le puer (jeune garçon) lisant son volumen (rouleau de payrus) et la servante coiffée d'une couronne de myrte (symbole de Vénus, l'Amour), enceinte (heureux présage pour le couple) et apportant un gâteau fait de tranches de sésame (symbole du mariage).
 

De même que les Grecs, les Romains mettaient du miel partout où ils pouvaient et en cela, la cuisine, avec beaucoup de miel et d'herbes, beaucoup de garum (proche du siqqu sumérien, nous l'avons-vu) se rapproche de la cuisine sumérienne. Le gastronome le plus connu de Rome est sans doute Marcus Gaius Apicius (vers - 25 à + 37), il dilapida sa fortune dans ses expériences effrénées de gastronomie, après quoi il mit fin à ses jours. Son célèbre ouvrage est le De re coquinaria (L'Art Culinaire). Apicius est un des pères du foie gras, qui gavait ses oies aux figues et les saoulait de vin miellé avant de les tuer. Les Romains préféraient la nourriture bouillie à la nourriture rôtie et le miel (rappelons qu'ils ne connaissaient pas le sucre) figurait dans la plupart des sauces (très grasses, à l'huile d'olive) qui accompagnaient la volaille, le gibier, les légumes ou les poissons ; en voici un exemple : Poivre, livèche, cumin, coriandre, laser, rue, carenum (voir plus bas), miel, mêlés au jus de cuisson de canard et du vinaigre. La sauce est liée à de la fécule et versée dans une cocotte. Une autre sauce, à laquelle on pouvait ajouter du miel pour les huîtres, conseille Apicius, devait être une sorte de mayonnaise, en voici les ingrédients : poivre, livèche, jaune d’oeuf, vinaigre, garum, huile et vin. Apicius livre des recettes de canard aux raves et de flamant aux dattes qui sont accompagnés de la même sauce. Les Romains n'avaient pas le sucre mais ne manquaient pas d'idée pour sucrer leur nourriture, et le miel n'était pas du tout un unique édulcorant. Ce peut être :
- des fruits secs (raisins, pruneaux, dattes, figues) riches en sucres dont la pulpe est écrasée
- du vins doux : par exemple le passum, un vin de paille (ou vin paillé) : c'est un vin de raisins ayant séché quelque temps sur de la paille ( Columelle en donne une recette dans son traité de l'Agriculture (De Re Rustica, livre XII, 39 "Passum quemadmodum fiat")
- de la sapa (ou saba) : c'est du vin ou du jus de fruits cuit réduit à un moût aux deux tiers.
- du defrutum : c'est du vin ou du jus de fruits cuit réduit à un moût de moitié.
(ces deux derniers sont appelés robs, chez les auteurs andalous, rops chez les Catalans : c'est notre raisiné)
- du carenum (ou caroneum) : c'est du vin cuit réduit à un moût d'un tiers.


Evidemment, le miel est partout dans les desserts (dulcia, dulcii, en latin), bien présents chez Apicius, tels la crêpe (ova spongia ex lacte), le flanc (tiropatinam) le beignet (aliter dulcia) fait de pâte à choux : c’est le pet-de-nonne, bien sûr.
"Prenez de la fleur de farine, dit Apicius, faites la cuire dans de l'eau chaude de manière à obtenir une bouillie très épaisse que vous étalerez sur une assiette. Après refroidissement, coupez la pâte en cubes et faites la frire dans la meilleure huile. Otez du feu, arrosez de miel, saupoudrez de poivre. On remplacera avantageusement l'eau par le lait".

On mettait du miel dans toute sorte de patina, un gratin de fruits qui porte le nom de la terrine en terre dans laquelle il était faite. Apicius donne une recette de patina de poires (patina de piris, De re coquinaria, Livre IV, II, 35) et de patina renversée (patina versatilis, op. cit. Livre IV, II, 2 ) :

      Pira elixa et purgata e medio teres cum pipere, melle, passo, cumino, liquamine, oleo modico. Ovis missis patinam facies, piper super aspargis et inferes.
     

    Nucleos pineos, nuces fractas et purgatas, attorebis eas, teres
    cum mele, pipere, liquamine, lacte, ovis, modico mero et oleo


"Faire cuire à l’eau les poires, dont on ôtera ensuite le cœur. Ecrasez-les avec du poivre, du cumin, du miel, du vin de paille, du garum et un peu d’huile. Ajouter les œufs pour former une patina, saupoudrer de poivre et servir."

Faites griller des pignons de pins, des noix cassées et nettoyées.
Grillez-les avec du miel, du poivre, du garum, du lait, des oeufs, un
peu de vin pur et de l’huile


On mettait du miel dans la placenta, une pâtisserie qui fait partie de la famille de celles qui consistents en différentes pâtes étirées, appelées parfois lagana, sing. laganum (Athénée [laganon]; chez Apicius, avec sa Patina Apiciana). Les lagana (on dit encore lagane, dans les Pouilles ou en Calabre) étaient parfois appelées tracta (plur. tractae, du latin trahere : étirer; chez Caton, Pline) ou itria (itrion grec). Toutes ces lagana sont les ancêtres des lasagnes (dont elles tirent leur étymologie) et de la pasticciata (ou pasticcio). Nous tenons une recette de placenta de Caton l'Ancien (mais aussi Horace, Saturnales 1, 10, 11 ; Epîtres. 1, 10, 11 ; Pétrone, 35, 4 ; 60, 4 ; Martial, 3, 77 ; 5, 39 ; 6, 75 ; 7, 20 ; 9, 90 ; 11, 31 ; 11, 86), mais aussi de spira (seule la préparation diffère de la précédente), d'encytus (sorte de beignets), de savillum (espèce de cheesecake) qu'on sert avec du miel ou du vin miellé, de potage à la carthaginoise (pultem punicam sic facito),
 
 
Marcus Porcius Cato, dit Caton l'Ancien (vers - 234 à - 149)
De Re Rustica (De l'Economie Rurale)

LXXVI
De la placenta.
 
Prenez deux livres de farine de seigle pour faire l'assise des boulettes, et quatre livres de gruaux de première sorte que vous faites macérer dans l'eau. Aussitôt qu'ils se seront amollis, placez-les dans un pétrin bien propre, et laissez-les se ressuyer. Petrissez ensuite à la main. Quand vous les aurez bien travaillés, ajoutez-y peu a peu quatre livres de farine, et faites vos boulettes avec le mélange. On les arrange dans une corbeille pour les faire sécher, et on polit les contours aussitôt qu'elles sont ressuyées; ce travail se fait sur chaque bol en particulier. Cette besogne terminée, effleurez et frottez avec une étoffe imbibée d'huile toute la surface des boulettes et l'assise où elles seront placées. Chauffez le foyer et le surtout qui serviront à la cuisson. Humectez ensuite et mélangez les deux livres de farine de seigle, qui serviront à faire l'assise, après les avoir mêlées à quatorze livres de fromage de brebis. II faut que ce fromage ne soit ni aride, ni vieux. Laissez macérer le mélange, et changez-le trois fois dans de nouvelle eau. Retirez-le ensuite, et exprimez-en l'eau avec vos mains ; et une fois bien égoutté, placez-le dans un pétrin bien propre, sans laisser de grumeaux. Prenez ensuite un tamis à farine, et tamisez le fromage sur le pétrin. Ajoutez quatre livres de miel fin, et incorporez-le soigneusement avec le fromage. Placez sur une table propre, d'un pied carre, le pavé de la placenta, que vous aromatiserez avec des feuilles de laurier trempées dans l'huile. Placez un premier lit de boulettes sur tout le fond du pavé, et saupoudrez-les avec le mélange de miel et de fromage que vous prendrez dans le pétrin; ajoutez une seconde couche de boulettes que vous saupoudrerez avec ce qui vous restera de miel et de fromage mélangés. Mettez encore une rangée de boulettes sur le rebord que vous replierez ensuite vers l'intérieur, et préparez le foyer. Aussitôt qu'il a acquis une chaleur modérée, placez-y votre placenta, couvrez d'un couvercle chaud sur lequel vous mettrez de la braise, ainsi que tout autour. Prenez votre temps pour opérer la cuisson ; soulevez deux ou trois fois le couvercle, pour voir comment elle marche; aussitôt qu'elle sera à son terme, enlevez la placenta. enduisez-la de miel : telle est la placenta d'un sémodius.

LXXXV. Potage à la carthaginoise.
 
Sa cuisson. Faites bien digérer dans l'eau une livre de gruau, placez-le ensuite dans une auge propre, incorporez-y trois livres de fromage nouveau, une demi-livre de miel, et faites cuire dans une marmite neuve.

 
Le miel faisait partie des pâtisseries ou des confiseries, bien sûr. Les Romains mangaient comme nous des desserts sucrés à la fin des repas, mais Apicius n'en cite guère, sans doute par le fait que nombre d'entre elles étaient liées aux sacrifices. Quant aux confiseries, il n'en parle pas, pour une autre raison cette fois, car elles sont aussi des remèdes et sont traités dans les ouvrages médicaux (voir page précédente sur la médecine). Les confiseries ont sans doute évolué avec la conservation de la nourriture. En effet, on ajoutait du miel aux fruits pour les conserver et, selon différentes techniques, on devait obtenir une sucrerie plus ou moins réussie. Il faudra cependant attendre la culture arabe pour le développement de la confiserie. En effet, la culture islamique médiévale a connu l'usage du sucre, développé les techniques de cuisson du sucre avant la culture européenne, à qui elle a transmis ce savoir (parmi d'autres, nous l'avons dit).
Les Romains faisaient donc beaucoup de confiseries sucrées au miel (pâtes, gelées, confitures...), qu'on mettait dans différentes boissons : hydromel (hydromeli, du grec hudôr : eau et meli : miel, voir recette d'Oribase, page précédente) mais aussi eau miellée (aqua mulsa, en latin), eau miellée fermentée (aqua mulsa inveterata) vin épicé (vinum conditum). Ce dernier mot (conditus, conditum, conditis) était utilisé en cuisine pour les aliments traités en vue de la préservation (conditio, du verbe condire, préserver) mais aussi parfois quand ils devenaient rances (Suétone, La vie des XII Césars). La conditio au miel lui-même ne valait pas pour tous les fruits, qui pouvaient être conservés dans divers boissons au miel que nous avons déjà citées : passum, defrutum, sapa, mais aussi dans du vinaigre ou/et du sel. Columelle reconnaît que le miel protège les fruits de la décomposition pendant plusieurs années mais il est réticent à l'utiliser pour les fruits par le fait qu'elle ôte au fruit son goût. Ce qui n'empêche pas Apicius d'utiliser le miel pour confire les pommes, les prunes, les poires ou les cerises, les coings aussi, avec un mélange de miel et de defrutum, appelé par Dioscoride melomeli (melo, mêlopepon désignait parfois la pomme ou le coing), que le moyen-âge transformera en malomellus, d'où vient la marmelade (en anglais, marmalade), en passant par les membrillo espagnol et marmelo portugais. Un synonyme était employé dans l'antiquité, le cydonomeli (de Cydonia en Crète, dont les coings produits passaient pour les meilleurs). Dioscoride donne, à ce sujet, la recette d'un vin de coing (cydonites oenos) composé de 5 litres de jus de fruit pour une livre de miel (voir aussi la page précédente sur la médecine).

 

APICIUS, De re coquinaria
I.1. RECETTE DU VIN MERVEILLEUX* AUX EPICES

On met quinze livres de miel dans un récipient de bronze où on aura préalablement versé deux setiers de vin, de façon à réduire le vin en faisant cuire le miel. On chauffe doucement sur un feu de bois sec, on agite avec une spatule pendant la cuisson. Si cela se met à bouillir, on arrête en arrosant de vin, mais le liquide retombe aussi quand on le retire du feu. Quand il a refroidi, on le remet au feu. On procède ainsi une seconde et une troisième fois ; on retire enfin du feu et on écume le lendemain. <On ajoute> alors quatre onces de poivre déjà pilé, trois scrupules de mastic, une drachme de feuille de nard et une de safran, cinq noyaux de dattes torréfiés, avec les dattes ramollies dans du vin, en arrosant d’abord de vin de qualité et de quantité convenables pour adoucir le mélange. Ceci fait, on verse sur le tout dix-huit setiers de vin doux. On traitera au charbon le produit obtenu.
trad. Jacques André, Paris, Belles-Lettres, 1974.

extrait de : http://www.antiquite-vivante.ch/pharos/pharos11.pdf

* CONDITI PARADOXI (conditum paradoxum) : si conditum peut désigner un vin épicé, paradoxum s'entend d'un résultat inattendu, d'une surprise, donc l'appellation de "vin surprise" est plus juste que celle de "vin merveilleux", que l'on trouve aussi dans les traductions.


 
Nous terminerons par le sevrage du petit gallo-romain de deux ans expliqué par le médecin grec Soranos d'Athènes (voir abbaye, médecine : culture medicale) qui conseillait de mettre "les miettes de pain ramollies dans de l’hydromel, dans du lait, dans du vin doux et miellé. Plus tard viendront le potage de gruau, la purée très liquide, un oeuf mollet”

extrait de : http://www.musees-bourgogne.org/fic_bdd/dossiers_fichier_pdf/1167309052.PDF

 

Anthime (Anthimus, VIe s, médecin grec du roi franc Tierry 1er)
Epistola de Observatione Ciborum (Lettre sur le régime des aliments)
traduction C. Deroux.

""Porcelet au miel
“Nettoyez et apprêtez un porcelet et placez-le ensuite dans une sauce ainsi composée: mettez dans un mortier 50 grains de poivre, une quantité convenable de miel, 3 oignons secs, un peu de coriandre fraîche ou sèche, 1 hémine de garum, 1 sétier d'eau, que vous travaillerez ensemble dans une cocotte. Placez-y le porcelet. Quand commencera l'ébullition, agitez souvent pour épaissir. Si la sauce commence à diminuer, ajoutez 1 hémine d'eau. Terminez la cuisson et servez ainsi le porcelet".
"Boeuf "mode"
La viande de vache sera bouillie dans de l'eau claire en quantité suffisante.
Une fois la viande blanchie, "mettez du vinaigre très fort, des têtes de poireaux, un peu de pouliot (mentha pulegium L., variété de menthe sauvage), des racines de céleri ou de fenouil. Cuire durant 1 heure et ensuite ajouter du miel, la moitié de la quantité de vinaigre ou selon la douceur que l'on désire donner à la saveur. Cuire alors à feu doux en remuant fréquemment la marmite avec les mains, afin que le jus se mêle bien à la viande.
Ensuite piler 50 gr de poivre, du costus et des épis de nard, un demi-solidus de chacun, et la valeur d'un tremissis de clous de girofle. Piler convenablement le tout dans un mortier en terre cuite en y versant un peu de vin.
Lorsque vous aurez bien raclé le fond, mettez dans la marmite et agitez bien de sorte qu'avant que vous retiriez du feu, le mélange saisi par la chaleur, laisse aller sa force dans le bouillon ...".
"Cochon de lait à l'oxymel*
Les cochons de lait conviennent très bien, bouillis ou cuits à l'étuvée dans un récipient en terre, cuits ou rôtis au four, "à condition que la chaleur ne soit pas forte et que la viande ne soit pas trop cuite au point d'être brûlée, mais qu'elle devienne comme si elle avait été cuite à la vapeur. Arroser ensuite avec de l'oxymel simple qu'on vient de préparer à raison de deux doses de miel pur pour une de vinaigre".

extraits de : http://www.europatable.org/cours/Cours%20europe.pdf

* du grec oxy, acide et meli, miel, mélange d'eau, de vinaigre, de miel et parfois d'épices, utilisé autant en cuisine qu'en médecine. Hippocrate le préconisait pour les maux de poumons et de poitrine (NDE).


 
sources :
 
- http://www.europatable.org/cours/Cours%20europe.pdf
- http://www.musees-bourgogne.org/fic_bdd/dossiers_fichier_pdf/1167309052.PDF
- http://www.arts.adelaide.edu.au/centrefooddrink/images/promo_large/pompei1.jpg
- http://dagr.univ-tlse2.fr/
           

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