ENCYCLOPEDIE -DE--LA--LANGUE -FRANCAISE
 

-ABEILLE
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LES ABEILLES ET LES HOMMES

L'ANTIQUITE
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Document annexe

ARISTOTE,

extraits du
LIVRE DES ANIMAUX

PALLADIUS

extraits de l'Economie Rurale

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Buste en pierre de Xénophon (445 - 355)


Egypte, Musée de la Bibliothèque Alexandrine
Epoque gréco-romaine

Xénophon était surnommé "l'abeille de l'attique, pour son verbe d'une grande délicatesse, ce que confirme Cicéron :"J'ai connu aussi un partisan du style de Xénophon, style à la vérité plus doux que le miel (melle dulcior, NDE), mais qui ne saurait convenir au style judiciaire." Orator (L'orateur, IX). Cependant, les mauvaises langues racontent que ce serait aussi à cause de sa manière superficielle de butiner de-ci, de-là, ses connaissances.
 

  Cette page est un complément au chapitre :

LES ABEILLES ET LES HOMMES - L'ANTIQUITE (3) GRECE ET ROME, croyances et savoirs

Texte français d'Aristote établi par l'encyclopédiste à partir de la traduction anglaise de D'Arcy Wentworth Thompson.

Texte de Palladius traduit par Th. Cabaret-Dupaty,
C. L. F. Panckoucke, 1843.
 

 
ARISTOTE
 

 
Livre V, ch. 21
 
"En ce qui concerne la génération d'abeilles, des hypothèses différentes ont cours. Certaines affirment que les abeilles ne s'accouplent pas, ne donnent donc pas naissance à des petits, mais qu'ils vont les chercher. Certains disent même qu'ils vont les chercher dans la fleur du "callyntrum". Dautres affirment qu'ils les rapportent de la fleur du roseau, d'autres encore, de la fleur de l'olive. Et s'agissant de la théorie de l'olive, il est avancé comme une preuve que, quand la moisson des olives est très abondante, les essaims sont plus peuplés. D'autres disent qu'elles tirent la nourriture des bourdons des choses que j'ai citées plus haut et que l'abeille travailleuse est engendrée par les maîtres du nid.
 
De ces maîtres, il y a deux types : le meilleur est de couleur rouge, l'autre étant noir et varié. Le maître a deux fois la taille de l'abeille travailleuse. Ces dirigeants ont l'abdomen ou la partie au-dessous de la taille à l'inverse, moitié moindre que les autres, et ils sont appeles par certains "les mères", selon l' idée qu'ils portent ou produisent les abeilles; et, comme preuve de cette théorie de leur maternité, on prétend que le couvain de bourdons apparaît même quand il n'y a pas de maître dans le nid, alors que, dans ce cas, les abeilles ne voient pas le jour en son absence.Certains prétendent que les bourdons sont des mâles, et les abeilles des femelles.

kêrion est souvent utilisé en grec, favus en latin, NDE.

Les abeilles ordinaires naissent dans des cellules du nid, mais les abeilles dirigeantes le sont dans des cellules attachées et suspendues aux rayons, à l'écart du couvain, six ou sept individus qui croissent tout à fait différemment des autres individus du couvain ordinaire.
 
Les abeilles sont pourvues d'aiguillon, mais pas les bourdons, et si les dirigeants en sont dotés, ils ne les utilisent jamais, ce qui fera dire à certains que, finalement, ils en sont dépourvus.
 
Livre V, ch. 22
 
Il y a diverses espèces d'abeilles. La meilleure espèce est un petit insecte rond et tacheté, un autre est long et ressemble à l'anthrène ; un troisième est noir au ventre plat, surnommé "le voleur"; une quatrième est le bourdon, la plus grande de toutes, mais sans aiguillon et oisive. Et cette proportion du bourdon explique pourquoi quelques maîtres d'abeilles placent un écran [d'abeilles] devant les nids; car cet écran permet de ne pas laisser entrer les grands bourdons tandis qu'il laisse entrer les autres abeilles.
 
Chez les abeilles, il y a deux types de rois. Dans chaque nid, il y a toujours plus qu'un roi ; et un nid va à sa ruine si il a trop peu de rois, pas à cause de l'anarchie qui s'ensuit, mais, comme on le dit, parce que ces créatures contribuent d'une certaine façon à la génération des abeilles communes. Un nid courra aussi à sa perte si elle abrite un trop grand nombre de rois ; les membres des nids se séparent alors en de trop nombreuses factions.
 
Chaque fois que le printemps connaît une arrivée tardive, ou quand il y a la sécheresse et de la moisissure, la progéniture du nid n'est pas nombreuse. Mais quand le temps est sec, les abeilles gardent leur miel et par temps pluvieux elles prennent soin de leur couvée; ce qui explique qu'aux moissons riches d'olives correspondent d'abondants essaims.
 
Les abeilles construisent d'abord leurs rayons et y mettent ensuite les pupes : par la bouche, disent les tenants de la théorie qui affirme qu'on les rapporte de quelque part. Après y avoir introduit les pupes, elles y mettent leur miel pour leur subsistance et elles font cela en été et en automne; et à ce propos, le miel d'automne est le meilleur des deux.
 
Le nid d'abeilles est fait de fleurs et de matières pour la cire qu'elles recueillent de la gomme résineuse de certains arbres, tandis que le miel est distillé par la rosée et il est deposé principalement aux levers des constellations ou quand apparaît un arc-en-ciel : et en règle generale il n'y a pas de miel avant le lever des Pléiades. (Puis l'abeille fabrique la cire à partir des fleurs. Le miel, cependant, elle ne le fait pas, mais recueille simplement ce qui vient de l'atmosphère ; et comme preuve de ce qui est avancé, nous avons le fait connu que, de temps en temps, les apiculteurs trouvent les ruches remplies du miel en l'espace de deux ou trois jours seulement. En outre, on trouve des fleurs en automne, mais le miel, s'il est retiré à ce moment-là, n'est pas remplacé ; alors, après le retrait du miel original, quand aucune alimentation ou très peu demeure dans les ruches, il devrait y avoir un stock de miel frais, si les abeilles le faisaient à partir des fleurs). Le miel, si on lui permet de mûrir, acquiert de la consistance ; il ressemble d'abord à de l'eau et liquide pendant plusieurs jours. S'il est recueilli pendant ce temps, il n'aura aucune consistance, qu'il obtiendra environ vingt jours plus tard. Le goût du miel de thym est perceptible immediatement, par sa douceur et sa consistance particulière.
 
L'abeille visite chaque fleur pourvue d'un calice et toutes les autres fleurs à la saveur sucrée, sans toucher au moindre fruit ; et elle prend le jus des fleurs avec un organe qui ressemble à une langue et l'emportent au nid.
 
Les essaims sont privés de leur miel quand murît la figue sauvage. Les abeilles produisent les meilleures larves quand se fabrique le miel. L'abeille porte la cire et le pain des abeilles autour de ses jambes, mais vomit le miel dans la cellule. Après avoir déposé son petit, elle le nourrit à la manière d'un oiseau. La larve quand elle est petite, se tient obliquement dans le rayon, mais monte bientôt en haut directement par un effort propre, pour se nourrir et s'accrocher fermement au nid.
 
Les jeunes abeilles et les jeunes bourdons sont blancs et deviennent des larves ; et les larves se développent pour devenir abeilles et bourdons à leur tour. L'œuf du roi des abeilles est rougeâtre, et sa consistance est semblable au miel épais ; et cet œuf est aussi grand que l'abeille qui en est issue. Le jeune roi l'abeille ne connaît pas de stades intermédiaires, comme il a été dit plus haut de la larve, mais il prend la forme d'abeille immédiatement.
 
Chaque fois que l'abeille pond un oeuf dans une cellule, il s'y trouve toujours une goutte de miel. La larve de l'abeille se voit pourvue de pieds et d'ailes aussitôt que la cellule a été bouchée avec de la cire et quand elle parvient à sa forme achevée, elle brise la membrane et s'envole. A l'état de larve, l'abeille éjecte de l'excrément, mais plus après ; c'est à dire après avoir brisé la membrane qui fermait la cellule, comme nous l'avons déjà décrit.
 
Si vous ôtez la tête des larves avant que n'apparaissent les ailes, les abeilles les mangent entièrement ; et si vous pincez les ailes d'un bourdon et le laissez aller, les abeilles mordront spontanément aux ailes de tous les bourdons restants.
 
L'abeille vit six ans en règle générale, rarement jusqu'à sept. Si un essaim dure neuf ou dix ans, on considère que son administration a été excellente.
 
Dans la région du Pont on trouve des abeilles extrêmement blanches et ces abeilles produisent du miel deux fois par mois. (Les abeilles de Themiscyra, sur les bords de la rivière Thermodon, construisent des nids d'abeille dans la terre et dans des ruches et ces nids d'abeilles sont faits de peu de cire, mais pourvus d'un miel très épais ; et le nid d'abeille, de cette manière, est à la fois lisse et plan). Mais ce n'est pas toujours le cas avec ces abeilles, et seulement pendant la saison d'hiver ;
 
Dans le Pont, le lierre est abondant et fleurit à cette époque de l'année et c'est de cette fleur que les abeilles tirent leur miel. Un miel blanc et très consistant est descendu du haut pays vers Amisus, qui est déposé par des abeilles sur des arbres et qui ne fabriquent pas de rayons de miel : cette sorte de miel est produite dans d'autres régions du Pont.
Il y a aussi des abeilles qui construisent des nids triples dans la terre ; et ces nids ont des provisions de miel mais ne contiennent jamais de larves. Mais tous les nids de ces régions ne sont pas de cette sorte, toutes les abeilles n'en construisent pas de pareils.
 
Livre V, ch. 23

Les anthrènes et les guêpes construisent des nids pour leurs petits. Quand elles n'ont aucun roi, mais errent à la recherche de l'un d'eux, l'anthrène construit son nid en un lieu surélevé et la guêpe à l'interieur d'un trou.

Quand l'anthrène et la guêpe ont un roi, elles construisent les cellules de leur nid. Leurs cellules sont dans tous les cas hexagonales comme les rayons de l'abeille. Cependant, elles ne sont pas composées de cire, mais d'une fibre filamenteuse à l'apparence d'une écorce et le nid de l'anthrène est beaucoup plus propre que celui de la guêpe. Comme l'abeille, ils mettent près de leur petit une goutte de liquide sur le côté de la cellule et l'oeuf s'accroche à la paroi de la cellule.
 
Mais les œufs ne sont pas déposés dans les cellules simultanément ; au contraire, dans quelques cellules on trouve des créatures assez grandes pour voler, dans d'autres il y a des nymphes et dans d'autres, de simples larves. Comme dans le cas des abeilles, de l'excrément est trouvé seulement dans les cellules où les larves sont présentes. Tant que les créatures sont à l'état de nymphe, elles sont immobiles et la cellule est scellée par le dessus. (...)
 
 
Livre V, ch. 24

Il y a une sorte de bourdon qui érige un nid conique en argile contre une pierre ou d'une manière similaire, appliquant l'argile avec quelque chose ressemblant à de la bave. Et ce nid ou cette ruche est extrêmement épaisse et dure. En réalité, on peut difficilement le briser avec une dague. Les insectes y pondent leurs
œufs et des larves en sont issues, enveloppées par une membrane noire. A côté de la membrane on trouve de la cire dans la cellule ; cette cire a une teinte plus terne que la cire d'une cellule d'abeille.
 
 
Puis, de nouveau, les citations concernant l'abeille serviront, comme les autres animaux cités avec elle, de nouveau de comparaison sur tel ou tel sujet :
 
Livre VIII, ch. 11
 
"L'abeille est le seul insecte à toujours éviter quoi que ce soit de pourri. Elle ne touchera pas à un objet ou à une nourriture seulement si cela a un goût de jus sucré, et elle est particulièrement attirée par de l'eau pure émergeant d'une source en bouillonnant.
 
Livre VIII, ch. 14
 
"La plupart des insectes vont dans des cachettes, à l'exceptions de ceux qui cohabitent avec les humains ou qui périssent avant une année complète. Ils se cachent l'hiver ; certains pour quelques jours, d'autres seulement les jours les plus froids, comme l'abeille. L'abeille, en effet, se cache aussi et la preuve de cela est que, durant certaines périodes, les abeilles ne touchent jamais à la nourriture placée à côté d'elles. Si l'une d'elles se glisse hors de la ruche, elle sera transparente, sans quoi que ce soit dans son estomac ; et la période de son repos et de sa dissimulation dure du coucher des Pléiades jusqu'au printemps. (...)"
 
L'abeille est ensuite citée à propos de la mue, car nous dit Aristote, "tous les insectes qui connaissent cette métamorphose muent de la même manière" (VIII, ch. 17) et Aristote de rapprocher l'abeille et le criquet. Puis vient le sujet des parasites :
 
"On trouve dans les ruches des créatures qui causent de grands dommages aux nids. Par exemple, la larve qui tisse une toile et ruine le nid : elle est appelée "cleros". Elle engendre un insecte pareil celui-ci, en forme d'araignée et apporte des maladies à tout l'essaim. Il y a un autre insecte pareil à un papillon, appelé "pyrauste" par certains, qui vole autour des bougies allumées. Il engendre un couvain rempli d'un fin duvet. Il n'est jamais piqué par une abeille et ne peut être chassé de la ruche que par fumigation.
Il apparaît aussi, dans les essaims, des chenilles de l'espèce surnommée "tarière", ou encore "vrille", et dont les abeilles ne savent pas non plus se défendre. Ce dont les abeilles souffrent le plus, c'est de l'oïdium (mildiou, rouille : note du traducteur ?), quand il couvre les fleurs ou pendant les saisons frappées de sécheresse.
 
Tous les insectes sans exception meurent si on les frotte d'huile ; et si on leur en met une goutte sur la tête et qu'on les expose au soleil, ils périssent dans l'instant.
 
(Livre VIII, ch. 27)
 
"Le putois (ou martre) est à peu près aussi gros que la plus petite espèce des chiens de Malte. Par l'épaisseur de son pelage, par sa forme, la blancheur sous son ventre et sa propension à la malice, il se rapproche de la belette. On l'apprivoise tres aisément ; Comme il raffole du miel, il représente une plaie pour les ruches.
 
(Livre IX, ch. 6)
 
Un peu plus loin, Aristote cite les créatures du monde les plus industrieuses : la fourmi, l'abeille, le frelon et l'araignée (Livre IX, ch. 38). Et Aristote revient à la classification de l'abeille et parle longuement de la vie de la ruche, propos qui clôt son ouvrage :
 

Livre IX, ch. 40
 
"(...) Au sein des insectes, il y a un genre qui n'a pas de nom et qui compte toutes les espèces étant proches par la forme. Il comprend tous les insectes qui construisent des nids, à savoir l'abeille et tous les insectes qui lui ressemblent." (Livre IX, ch. 40). Il y en a neuf variétés, parmi lesquelles on trouve l'abeille grégaire, le roi-abeille, le bourdon, la guêpe annuelle, l'anthrène (ou frelon) et le tenthrède (ou guêpe fouisseuse)....et le plus grand de tous est appelé le bourdon. (...)
 
Tandis que l'abeille [comparée à l'araignée, NDE] - car nous en examinerons bientot les neuf variétés - ne va pas à la chasse, mais fabrique sa nourriture à partir du matériel recueilli et la met de côté, car le miel est l'alimentation de l'abeille. Ce fait est démontré par les apiculteurs quand ils essaient d'ouvrir les ruches. Les abeilles, quand elles sont enfumées et qu'elles éprouvent un grand stress à cause de ce procédé, dévorent le miel avec plus de voracité qu'à l'accoutumée, quand à d'autres moments elles ne se montrent jamais aussi avides, mais demeurent économes en apparence et conservent du miel pour les besoins de leurs petits. Elles ont aussi une autre nourriture qu'on appelle pain d'abeilles ; celui-ci est plus rare que le miel et a un goût sucré proche de la figue ; les abeilles le transportent comme la cire sur leurs pattes.
 
On observe une grande et remarquable diversité dans leurs méthodes de travail et dans leurs habitudes en général. Quand une ruche leur est proposée, propre et vide, elles y construisent leurs cellules de cire, les remplissant du jus de toutes les sortes de fleurs et des "larmes" ou sève produite de certains arbres, tels le saule ou l'orme, ou d'autres encore qui exsudent une gomme. Avec ce matériau, elles enduisent les fondations de la ruche, pour se prémunir des attaques d'autres animaux. Les apiculteurs nomment ce produit "cire-stop". Les abeilles l'utilisent aussi pour construire les côtés des entrées de la ruche, si elles sont trop larges. Elles construisent en premier des cellules pour elles-mêmes ; puis, pour ceux que l'on appelle "rois" et les bourdons. Pour elles-mêmes cette construction est systématique, alors que pour les rois, elle ne s'opère seulement que dans le cas d'un couvain important, et que pour les bourdons, ce serait la surabondance de miel qui leur suggèrerait de faire de même. Elles construisent les cellules royales près des leurs, moins volumineuses cependant. Celles des bourdons sont construites en dernier à proximité, et sont moins volumineuses que celles des abeilles.
 
Les abeilles commencent par construire leurs cellules de haut en bas, à partir du sommet de la ruche, et construisent de plus en plus bas de nombreuses cellules, communiquant ensemble jusqu'à ce que les abeilles atteignent le fond. Les cellules, qu'elles soient dédiées au miel ou aux larves, sont doublement fermées ; de deux cellules formées par la même base, l'une pointe dans une direction, l'autre dans la direction contraire, imitant la forme d'une double coupe ou d'un sablier.
 
Les cellules bâties au bord de la ruche et qui y sont soudées sur une épaisseur deux ou trois rangées circulaires et concentriques sont petites et dévolues au miel. Les cellules le plus remplies de miel sont la plupart complètement lutées* avec de la cire. A l'entrée de la ruche, l'ouverture du passage est tachée par la propolis [grec : mitys, NDE]. Cette substance est un rebut ou un résidu de la production de cire ; elle a une odeur âcre, et c'est un remède contre les hématomes et les plaies purrulentes. Le produit graisseux qui en résulte est une cire résiduelle qui a moins de qualités médicinales. On dit que les bourdons bâtissent des nids par eux-mêmes dans la même ruche et dans le même nid qu'il partage avec les abeilles ; mais ils ne font pas de miel, et pourtant subsistent, eux et leurs larves, grâce au miel fait par les abeilles. Les bourdons ont coutume de rester à l'intérieur de la ruche. Quand ils sortent à l'extérieur de la ruche, ils s'élèvent en flèche dans un courant d'air, tourbillonnant sans cesse en une sorte de séance de gymnastique ; quand tout est fini, ils reviennent à la ruche et se mettent à manger avec voracité. Les rois, eux, ne quittent jamais la ruche, sauf un moment où l'essaim entier se joint à lui, jamais pour la nourriture ou pour une autre raison. On dit que, si un jeune essaim s'égare, il fait demi-tour et recherche leur chef à l'odeur. On raconte que, s'il est incapable de voler, il est porté par l'essaim, et s'il lui arrive de périr, l'essaim périt aussi ; et si l'essaim lui survit pendant un moment et construit un nid, aucun miel ne sera produit et les abeilles ne tarderont pas à mourir.

* luter (cuisine, métallurgie) : coller un opercule (ou un couvercle) à l'aide d'une colle, d'une pâte spéciale pour le rendre hermétique. (NDE)

Les abeilles escaladent les queues des fleurs et rapidement récoltent la cire avec leur pattes antérieures ; celles-ci le transmettent par frottement aux pattes médianes, qui elles-mêmes les dépose dans une cavité des pattes antérieures. Ainsi chargées, les abeilles reviennent à la maison, et chacun peut constater à quel point sa charge est lourde. A chaque expédition, les abeilles ne volent pas d'une fleur de telle espèce à une autre d'une espèce différente, mais volent d'une fleur violette à une autre pareille, sans jamais se poser sur une fleur différente tant qu'elle n'est pas retournée à la ruche. Parvenues à la ruche, elles se déchargent de leur chargement et chaque abeille, à son retour, est accompagné de trois ou quatre congénères. Personne ne peut expliquer vraiment ce qu'elles récoltent, pas plus que le processus exact de leur tâche. Le mode de récolte de la cire a bien été observée sur les oliviers, car les abeilles doivent, à cause de l'épaisseur des feuilles, demeurer très longtemps immobiles. Leur travail fini, elles prennent soin de leurs larves. On ne peut pas empêcher les larves, le miel et les bourdons de se trouver ensemble dans un seul et même nid. Aussi longtemps que le chef est vivant, les bourdons sont censés se reproduire eux-mêmes, séparément ; s'il ne tarde pas à mourir, on dit qu'ils sont alors élevés par les abeilles dans leurs propres cellules, et acquièrent dans ces conditions de la vitalité : pour cette raison ils sont appelés bourdons-à-aiguillon, non qu'ils aient réellement un dard, mais en possèdent l'envie sans le pouvoir d'utiliser une telle arme. Les cellules des bourdons sont plus grandes que les autres ; parfois les abeilles construisent les cellules de ces derniers à l'écart, mais habituellement, elles les placent parmi les leurs. Toutefois, quand c'est le cas, les apiculteurs jettent les cellules des bourdons hors de la ruche.
 
Comme il a été dit, il y a plusieurs variétés d'abeilles, deux de "rois", rouge pour la meilleure, l'autre noire et variée, et deux fois plus grosses que l'abeille travailleuse. La meilleure abeille travailleuse est petite, ronde, et tachetée ; une autre sorte est allongée comme une guêpe anthrène ; une autre est celle qu'on surnomme l'abeille- voleuse*, noire, au ventre plat ; puis il y a le bourdon, le plus grand de tous, dénué d'aiguillon et paresseux. Il y a une différence entre la progéniture des abeilles vivant dans les plaines cultivées et celle des montagnes : les abeilles forestières sont plus poilues, plus petites, plus industrieuses et plus féroces. Les abeilles travailleuses fabriquent leurs cellules de la même manière, avec une couche superficielle assez lisse. Chaque cellule est toujours d'un seul type : elle contient soit une unique abeilles, soit une larve unique, soit un unique bourdon ; s'il arrive, cependant, qu'elles construisent pour le même nid toutes ces types de cellules, ces derniers sont bâtis séparément en rangées continues et rectilignes. Les longues abeilles bâtissent des cellules irrégulières, avec des couvercles de cellules bombés, comme ceux des anthrènes ; les larves et tout le reste n'ont pas de place fixe, mais peuvent être installées n'importe où ; ces abeilles donnent des rois inférieurs, des bourdons en quantité, et la fameuse abeille-voleuse; elles ne produisent jamais de miel, ou en très petite quantité. Les abeilles nichent au-dessus du nid et cela les développe. Si elles n'y parviennent pas, les cellules passent pour mauvaises et sont recouvertes d'une sorte de toile d'araignée. Si elles peuvent continuer d'élever le couvain au-dessus, dans la partie intacte, la partie endommagée se détruit d'elle-même. Si elles ne le peuvent pas de cette manière, le nid entier périt. Dans les cellules endommagées, des vers apparaissent, à qui il pousse des ailes et qui s'envolent. Quand le nid continue de se fixer, les abeilles en réparent la surface, et posent des étais sous les cellules, pour leur ouvrir des passages ; si ces passages viennent à manquer, elles ne peuvent s'occuper du couvain et les araignées surviennent. Quand l'abeille-voleuse et le bourdon apparaissent, ce n'est pas pour travailler eux-mêmes mais pour saccager le travail des abeilles ; si ils sont pris en le faisant, ils sont tués par les abeilles-travailleuses. Ces abeilles tuent aussi sans merci la plupart de leurs rois, et spécialement les rois de nature inférieure ; et cela, elles le font par peur, une multiplicité de rois pouvant nuire gravement à la division de la ruche. Elles les éliminent particulièrement quand la ruche est pauvre en larves et que l'essaim n'a pas l'intention de se fixer. Dans ces circonstances, elles détruisent les cellules royales si elles ont été préparées, sur le sol où les rois sont toujours prêts à quitter la ruche. Elles détruisent aussi les cellules des bourdons si la nourriture fait défaut et que les provisions de la ruche s'amenuisent trop vite. Dans ces circonstances, elles combattent désespérément contre tous ceux qui tentent de s'emparer de leur miel, et jettent hors de la ruche tous les bourdons qui y vivent ; et on voit souvent, à cette occasion, les bourdons demeurer assis à l'écart, à l'intérieur de la ruche ; les petites abeilles luttent vigoureusement contre les grandes, et tentent de les bannir de la ruche ; si elles gagnent, la ruche est anormalement productive, mais si les grandes abeilles deviennent maîtresses du terrain elles passent le temps dans l'oisiveté, mauvaise chose puisqu'elles meurent dehors avant l'automne. A chaque fois qu'une abeille-travailleuse tue un ennemi, elle essaie de le faire en dehors de la ruche ; et chaque fois qu'une des leurs meure, les abeilles la jettent en dehors de la ruche. Celles qu'on surnomme abeilles-voleuses déteriorent leurs propres nids, et si elles passent inaperçues, elles pénètrent le nid d'autres abeilles et les dégradent à leur tour ; si elles elles sont pris en flagrant délit, elles sont mises à mort. Ce n'est pas une tâche facile pour elles que d'échapper à la détection, car il y a des sentinelles ou gardes à chaque entrée ; et même si elles elles échappent à toute détection en entrant, à la suite d'une indigestion de nourriture ils ne peuvent plus voler, mais se roulent devant la ruche et ainsi, leurs chances de fuite sont évidemment minimes. Les rois ne sont jamais vus à l'extérieur de la ruche sauf quand l'essaim est en vol : pendant ce temps, toutes les abeilles se regroupent autour d'eux. Quand le vol de l'essaim est imminent, un son monotone et particulier produit par toutes les abeilles est entendu pendant plusieurs jours, et durant les deux ou trois jours qui le précèdent, quelques abeilles peuvent être observées en vol autour de la ruche. Jusqu'à présent, il n'est pas possible d'affirmer, au vu de la difficulté d'observation, que le roi est ou non parmi elles. Quand elles ont essaimé, elles s'envolent et se séparent en rejoignant l'un ou l'autre roi ; s'il arrive qu'un petit essaim se fixe près d'un plus grand, il changera de lieu pour se joindre au second, et si le roi qu'ils ont abandonné les suit, elles le mettent à mort. Tel est le sort de ceux qui quittent la ruche et essaiment. On raconte que les abeilles se séparent en groupes pour diverses tâches ; les unes portent les produits des fleurs, les autres portent de l'eau, d'autres lissent et organisent les cellules. Une abeille porte de l'eau quand elle prend soin des larves. Aucune abeille ne se pose sur de la chair ni sur aucune créature, ni ne consomme de nourriture animale. Elles n'ont pas de dates fixes pour commencer leur travail ; mais quand la nourriture est disponible est qu'elles sont en bonne forme, de préférence en été, elles se mettent au travail, et quand le temps est au beau, elles travaillent incessamment.

L'abeille, quand elle est très jeune, en l'occurrence de trois jours seulement, après avoir été à l'abri dans sa chrysalide, commence à travailler si elle a bien été nourrie. Quand l'essaim s'installe, quelques abeilles partent d'elles-mêmes à la recherche de nourriture et reviennent à l'essaim. Dans des ruches en bonne santé, la production des jeunes abeilles n'est inégale que pendant les quarante jours qui suivent le solstice d'hiver. Quand les larves se développent, les abeilles posent de la nourriture derrière elles et les couvrent d'une enveloppe de cire ; et, dès que la larve est assez costaude, elle brise le couvercle de son propre chef et sort. Les créatures qui prennent forme dans les ruches et abîment les cellules sont évacuées par les abeilles -travailleuses, mais celles qui sont de vraies flemmardes regardent avec indifférence tout ce gâchis fait de leur production. Quand les maîtres des abeilles quittent les nids, ils laissent assez de nourriture derrière eux pour l'hiver ; si elle est en quantité suffisante, les occupants de la ruche survivront ; sinon, si le temps est rude, elles y mourront, mais si le temps est clair, elles s'envolent et désertent la ruche. Elles se nourrissent de miel été comme hiver ; mais elles stockent un autre type d'aliment qui a la solidité de la cire, que quelques uns appellent sandarace ou pain d'abeilles (voir aussi cérinthe). Leurs pires ennemis sont les guêpes et les oiseaux qu'on appelle engoulevents*, en plus des hirondelles et des guêpiers*. Les grenouilles dans les marais les attrapent aussi quand elles passent au-dessus de l'eau, et pour cette raison, les apiculteurs chassent les grenouilles des bassins où les abeilles prennent de l'eau ; ils détruisent aussi les nids de guêpes et les nids d'hirondelle, au voisinage des ruches, ainsi que les nids des guêpiers. Les abeilles ont seulement peur les unes des autres. Elles se battent les unes les autres et avec les guêpes. Loin de la ruche, elles n'attaquent jamais leurs propres espèces ni aucune autre créature, mais à proximité immmédiate de celle-ci, elles tuent quoi que ce soit qu'elles attrapent. Ces abeilles qui piquent meurent de leur impuissance à ôter leur aiguillon sans s'arracher les intestins dans le même temps. En vrai, elles s'en remettent souvent, si la personne piquée a le courage de faire sortir le dard ; mais dès que l'abeille perd son aiguillon, elle meurt. Les abeilles peuvent tuer beaucoup d'animaux avec leur dard ; en fait, un cheval est connu pour avoir été piqué à mort par elles. Les rois sont les moins disposés à montrer de la colère ou à infliger des piqûres. Les abeilles qui meurent sont rejetés hors de la ruche, et en général, l'animal est remarquable pour ses habitudes de propreté. Elles s'envolent souvent à distance du nid pour se débarrasser de leurs excréments, du fait de leur odeur nauséabonde ; et comme il a été dit, elles sont dérangées par toutes les mauvaises odeurs et les odeurs de parfum, tant et si bien qu'elles piquent les gens qui usent de tels parfums.

* engoulevents : La traduction anglaise est erronée, elle parle de "titmice" (sing : titmouse : paridés, de la famille des mésanges) quand Aristote et Pline précisent que le aigíthos (aigithalos, aigiphalos, aigokephalos, aigithos, aigiothos, aiginthos) boite, ce qui serait une allusion à la ruse qu'utilise l'engoulevent pour faire croire qu'il est blessé à l'approche d'un intrus (NDE).

* guêpiers (en anglais, bee-eater) : vraisemblablement le guêpier d'Europe, merops apiaster, prédateur d'hyménoptères : abeilles, guêpes, frelons, bourdons, etc. (NDE).

De nombreux accidents causent la mort des abeilles, mais aussi quand les rois deviennent trop nombreux et qu'ils tentent chacun de conduire ailleurs une partie de l'essaim.
 
Le crapaud, aussi, mange les abeilles ; il vient jusqu'à l'entrée de la ruche, souffle dedans de son poste d'observation, et dévore les créatures lorsqu'elles sortent pour s'envoler ; les abeilles ne peuvent en aucun cas riposter, mais l'apiculteur prend soin de l'éliminer.
 
A propos des classes d'abeilles que nous avons dit inférieures ou bonnes à rien, construisant leurs nids si négligemment ; certains apiculteurs disent que ce sont les jeunes abeilles qui agissent là par inexpérience ; et les abeilles de l'année en cours sont juvéniles. Elles ne piquent pas comme les autres le font ; et c'est pour cette raison que les essaims peuvent être transportés en sécurité, quand ils sont composés de jeunes abeilles. Quand le miel se fait rare, les abeilles expulsent les bourdons et les apiculteurs nourrissent les abeilles avec des figues et d'autres nourritures sucrées. Les abeilles les plus âgées font le travail d'intérieur, et sont agitées et dangereuses à force de rester enfermées. Les jeunes abeilles assurent les transports extérieurs et sont comparativement plus détendues. Elles tuent les bourdons aussi, quand elles sont assignés à résidence ; les bourdons, aussi, vivent dans le recoin le plus profond de la ruche. A l'occasion, quand une ruche connaît une mauvaise condition, certains de ses occupants assaillent une ruche étrangère ; en cas de victoire, ils s'emparent du miel ; quand l'apiculteur essaie de les tuer, les autres abeilles reviennent et tentent de repousser l'ennemi, mais n'essaient pas de piquer l'homme.
 
Au premier rang des maladies qui s'attaquent le plus gravement aux ruches prospères, on trouve d'abord le clerus*, qui consiste en une prolifération de petits vers sur le sol, qui se métamorphosent en une espèce de toile d'araignée qui infeste entièrement la ruche, et les cellules du nid pourrissent. Des signes d'une autre maladie peuvent se lire à travers l'apathie générale de la ruche et la mauvaise odeur de la ruche. Les abeilles se nourrissent de thym ; et le thym blanc est meilleur que le rouge. En été, l'endroit où est placée la ruche devrait être frais, et en hiver, chaud. Elles sont très susceptibles de tomber malade si la plante qu'elle travaille est touchée par l'oïdium. Par grand vent, elles portent une pierre à la façon d'un ballast qui leur permet de se stabiliser. Si un ruisseau passe à portée de main, elles boivent de son eau et de la sienne seulement, mais avant de boire elles posent d'abord leur charge ; s'il n' y a pas d'eau à proximité, elles régurgitent leur miel et vont boire ailleurs, avant de filer travailler. Il y a deux saisons pour la fabrication du miel, le printemps et l'automne. Le miel de printemps est plus sucré, plus blanc, et à tous points de vue meilleur que celui d'automne. Le miel supérieur vient de ruches fraîches et de jeunes pousses ; le miel rouge est inférieur, et doit son inférorité au nid où il a été déposé, comme le vin peut être gâté par son tonneau ; en conséquence, on devrait l'observer et le sécher. Quand le thym est en fleur, et le nid occupé, le miel ne durcit pas. Le miel dont la teinte est dorée est excellent. Le miel blanc ne vient pas purement et simplement du thym ; c'est un bon remède contre les problèmes oculaires et les plaies. Un miel pauvre souvent flotte à la surface et doit être écumé ; le miel fin et clair demeure au fond. Quand la floraison est à son comble, alors les abeilles fabriquent la cire ; en conséquence, on doit sortir la cire de la ruche, pour qu'elles en fabriquent de nouveau. Les fleurs dont elles recueillent le miel sont les suivantes : le fusain, le mélilot, l'asphodèle, la myrte, le balisier, le saule, le genêt. Quand les abeilles travaillent le thym, elles le mélangent à l'eau avant de sceller une cellule. Comme il a déjà été dit, elles volent toutes à distance de la ruche pour évacuer leurs excréments ou s'en débarrassent dans une seule cellule ; les petites abeilles, comme il a été dit, sont plus industrieuses que que les grandes ; leurs ailes sont actives; leur couleur est noire, et elles ont un aspect brûlé. Les abeilles criardes et voyantes, comme les femmes criardes et voyantes, ne sont bonnes à rien. Ici et là elles reviennent et se montrent d'abord bruyantes ; puis le bruit décroît progressivement, jusqu'à ce qu'enfin, une abeille fasse un tour de ronde en bourdonnant, appelant en apparence les autres à s'endormir ; puis, soudain, elles entrent toutes dans un silence de mort.

* clerus (selon les éditions : sclerus, clavus (Hardouin, 1685-1723)) : pour Aristote, apparemment, le nom de la maladie se confond avec ceux qui la causent, les clairons, coléoptères de la famille des Clérides (Cleridae), parasites des xylocopes, surnommées abeilles maçonnes (NDE).

Les abeilles semblent apprécier d'entendre des bruits d'entrechoquement ; en conséquence de quoi, des gens disent qu'ils peuvent les attirer dans une ruche en entrechoquant de la vaisselle ou des pierres. Il n'est pas certain, cependant, qu'elles entendent quoi que ce soit ni que ce soit une réaction de plaisir ou de défense. Elles expulsent de la ruche tous les oisifs ou tout ceux qui sont dispendieux. Comme il a été dit, elles sont spécialisées dans chaque genre de travail : certaines font la cire, d'autres le miel, d'autres le pain d'abeilles, d'autres encore forment et modèlent les cellules, apportent l'eau aux cellules et la mélangent au miel, d'autres sont employées à des tâches d'extérieur. Tôt à l'aube elles ne font aucun bruit, jusqu'à ce qu'une abeille particulière émette un petit bourdonnement à deux ou trois reprises et réveillent par là tous les autres. Aussitôt, elles s'envolent toutes au même moment pour aller travailler.
 
On sait que la ruche se porte bien si le bruit entendu à l'intérieur est fort, et si les abeilles s'agitent en tout sens, vers l'extérieur et vers l'intérieur ; à ce moment là, elles construisent les cellules du couvain. C'est de faim qu'elles souffrent le plus quand elles reprennent le travail après l'hiver. Elles deviennent quelque peu paresseuses si l'apiculteur, en dévalisant la ruche, laisse derrière lui trop de miel. Il y en a qui devraient laisser un nombre de cellules suffisant en fonction de la population, pour les abeilles qui ne travaillent pas énergiquement quand trop peu de cellules leur sont laissées. Elles peuvent aussi devenir paresseuses aussi bien qu'apathiques si la ruche est trop grande. Une ruche rapporte à l'apiculteur de six à neuf pintes de miel ; une ruche prospère pourra en rapporter douze ou quinze, exceptionnellement dix-huit pour les meilleures. Les moutons et, comme il a été dit, les guêpes sont les ennemis des abeilles. Les apiculteurs piègent ces dernières en posant un plat à terre contenant des morceaux de viande ; quand un certain nombre de guêpes s'y installent, ils posent sur elles un couvercle et jettent au feu le plat avec ce qu'il contient. C'est une bonne chose d'avoir des bourdons dans une ruche, car leur présence accroît l'activité des travailleuses. Les abeilles peuvent indiquer l'imminence d'un temps agité ou pluvieux ; la preuve en est qu'elle ne s'envolent alors plus au loin, mais que, jusqu'à ce qu'il fasse de nouveau beau, elles volettent dans un espace restreint, et l'apiculteur peut en déduire qu'elles attendent du mauvais temps. Quand les abeilles à l'intérieur de la ruche pendent, les unes attachées aux autres, c'est un signe que l'essaim est prêt à quitter le nid ; à ce moment-là, les apiculteurs, témoins du fait, ont l'opportunité de répandre sur la ruche du vin sucré. Il est conseillé de planter aux abords des ruches des poiriers, des haricots, des lépidies rudérales [? NDE]*, du sorgho d'Alep*, des mélilots [? NDE]*, de la myrte, des coquelicots, du thym (creeping ?) et des amandiers. Certains apiculteurs saupoudrent leurs abeilles de farine, afin de les distinguer des autres quand elles travaillent à l'extérieur. Si le printemps est tardif, ou s'il est sec et étouffant, alors les larves sont moins nombreuses dans les ruches. Ce sera tout sur la manière de vivre des abeilles."

 
* sorgho d'Alep : sorghum halepense (traduction anglaise : syrian grass)
* lépidie rudérale ? : Lepidium ruderale L. (traduction anglaise : median grass. Pour roadside pepper grass ?)
* mélilot ? : Melilotus altissimus Thuill. ? (traduction anglaise : yellow-pulse)
 

 
PALLADIUS
 

Des abeilles.
 
XXXVII. Les ruches auront une forme carrée. Afin de les garantir des voleurs, et d'en écarter les hommes et les troupeaux, vous les placerez près du maître-logis, dans un endroit retiré du jardin, à l'abri des vents, et exposé à la douce chaleur du soleil.
Multipliez les fleurs : que vos soins les fassent éclore sur les herbes, sur les plantes et sur les arbres. Que dans votre jardin croissent l'origan, le thym, le serpolet, la sariette, la mélisse les violettes sauvages, l'asphodèle, la citronnelle, la marjolaine, l'hyacinthe qu'on appelle iris ou glaïeul à cause de ses feuilles gladiées, le narcisse, le safran, toutes les herbes parfumées et à fleurs odoriférantes. Qu'on y trouve des roses, des lis, des fèves, du romarin, du lierre ; qu'on y voie le jujubier, l'amandier, le pêcher, le poirier, les arbres à fruits dont la fleur n'a rien d'amer ; et, parmi les arbres des forêts, le chêne à glands, le térébinthe, le lentisque, le cèdre, le tilleul, la petite yeuse et le pin. Quant aux ifs, ce sont des ennemis qu'il faut bannir.
Le thym fournit le miel de première qualité ; la thymbrée, le serpolet ou l'origan, donnent le second en bonté ; le romarin et la sarriette, le troisième. Les autres végétaux, tels que les arbousiers et les légumes, communiquent au miel un goût sauvage.
Plantez les arbres au nord ; rangez les arbrisseaux et les arbustes le long des murailles ; semez les herbes derrière sur un terrain uni. Qu'une source ou qu'un ruisseau paisible s'y rende, et forme dans son cours de petites flaques d'eau, couvertes çà et là de baguettes transversales où les abeilles se poseront en sûreté, quand elles viendront se rafraîchir.
Tenez leur domicile éloigné de tous les lieux infects, des bains, des étables, des éviers de cuisine. Écartez-y les lézards, les cloportes et les autres animaux qui leur font la guerre. Effrayez les oiseaux avec des épouvantails et des crécelles. Qu'un gardien propre et chaste approche souvent des abeilles avec de nouvelles ruches toutes préparées pour recueillir les jeunes essaims. Évitez l'odeur de bourbe et d'écrevisse brûlée, ainsi que les échos qui contrefont la voix humaine. Proscrivez le tithymale, l'ellébore, la thapsie, l'absinthe, le concombre sauvage, et en général toute amertume capable d'altérer la douceur du miel.
 
Des ruches.
 
XXXVIII. Les meilleures ruches sont en liége : elles garantissent également de la chaleur et du froid. On peut néanmoins en faire avec des férules, ou, à défaut de férules, avec des baguettes d'osier, avec le bois d'un arbre creux, ou avec des planches façonnées comme des douves. Les ruches d'argile, glaciales en hiver et brûlantes en été, sont les plus mauvaises.
Sur le lieu que nous avons prescrit de clore, construisez des estrades de trois pieds de haut, recouvertes en terre cuite et crépies de stuc : vous éviterez ainsi les dommages que causent les lézards et les autres bêtes qui s'y glissent ordinairement. Exhaussez vos ruches sur ces supports à une légère distance les unes des autres, afin que les pluies ne puissent y pénétrer, et ménagez un orifice assez étroit pour que vos essaims n'aient à redouter ni le froid ni la chaleur. Une haute muraille les mettra a l'abri de la bise, et leur renverra la chaleur du soleil. Toutes les entrées des ruches feront face au soleil d'hiver : chaque ruche en comporte deux ou trois, dont la largeur ne doit pas excéder la taille d'une abeille. La petitesse de ces trous empêchera les animaux nuisibles d'entrer ; ou, s'ils guettent les abeilles à leur sortie, elles pourront s'échapper par un autre passage que celui près duquel ils sont à l'affût.
De l'achat des abeilles.
 
XXXIX. Quand vous achèterez des abeilles, faites en sorte que les ruches soient pleines. On s'en assure à l'inspection même de la ruche, à l'intensité du bourdonnement, ou aux rentrées et aux sorties fréquentes de l'essaim. Achetez-les aussi dans le voisinage plutôt que dans un canton éloigné, de peur que le changement d'air ne les incommode. Néanmoins, si vous en faites venir de loin, vous porterez les ruches sur vos épaules pendant la nuit, en ayant soin de ne les mettre en place et de ne les ouvrir que sur le soir. Vous prendrez garde ensuite durant trois jours que l'essaim ne sorte pas tout à la fois ; ce serait un signe qu'il voudrait s'enfuir. Pour prévenir cet accident et d'autres semblables, nous détaillerons ce qu'il faudra faire chaque mois. On croit cependant que les abeilles ne prennent jamais la fuite, lorsqu'on a frotté les ouvertures des ruches avec la fiente d'un veau premier-né.

LIVRE IV, Mars

Des abeilles.

XV. C'est surtout dans ce mois que les abeilles sont malades, parce qu'après la diète de l'hiver, elles recherchent trop avidement les fleurs amères du tithymale et de l'ormeau , plus hâtives que les autres, et gagnent une diarrhée qui les tue, à moins qu'on n'y apporte un prompt remède. Donnez-leur alors des grains de grenade broyés dans du vin d'Aminée, ou du raisin séché au soleil avec du sumac et du vin dur, ou bien battez ces matières ensemble et faites-les bouillir dans du vin âpre. Quand elles seront refroidies, présentez-les aux abeilles clans des auges de bois. Vous pouvez également faire un sirop avec du romarin cuit dans de l'hydromel, et le leur offrir dans une tuile creuse.
Si les abeilles paraissent hérissées, transies et plongées dans un morne silence, si elles exportent fréquemment les cadavres de leurs compagnes, versez dans des auges de roseau du miel cuit avec de la poudre de noix de galle ou de rose sèche. Mais, avant tout, s'il se trouve dans une ruche des portions de rayons gâtées ou des cires vides que l'essaim, réduit par quelque accident à un petit nombre, ne puisse remplir, coupez-les adroitement avec des instruments bien tranchants, de peur qu'en remuant les autres parties des rayons, vous ne forciez les abeilles à déserter leurs domiciles ébranlés.
La prospérité nuit ordinairement aux abeilles, En effet, si l'année est trop riche en fleurs, elles ne s'occupent que du soin d'apporter du miel, sans penser à leurs rejetons; et, faute d'être renouvelée, la peuplade périt, accablée de travail, et entraîne la perte de toute la nation. Aussi, quand vous verrez le miel déborder à cause de l'immense quantité de fleurs qui se sont succédé sans cesse, empêchez les abeilles de sortir, en bouchant tous les trois jours l'ouverture des ruches : elles songeront alors à leur reproduction.
Occupez-vous maintenant, vers les calendes d'avril. à purger les ruches des immondices et des ordures qui s'y sont amassées pendant l'hiver, ainsi que des vermisseaux, des teignes et des araignées qui gâtent les rayons, et des papillons dont les excréments produisent des vermisseaux. Faites alors brûler de la bouse sèche, dont la fumée est salutaire aux abeilles, et recommencez souvent cette opération jusqu'en automne, En suivant ces pratiques et d'autres semblables, soyez chaste et sobre , abstenez-vous des bains, d'aliments âcres ou infects, et de toute espèce de salaison.
 

extraits de :
http://remacle.org/bloodwolf/erudits/palladius/livre1.htm
http://remacle.org/bloodwolf/erudits/palladius/livre4.htm#XV


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