ENCYCLOPEDIE -DE--LA--LANGUE -FRANCAISE
-ABBAYE
 
 
ARTS
 
au temps des Mérovingiens
 
 
quatrième partie
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Métal, Orfèvrerie
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Trésor
de
l'abbaye de Saint-Denis
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Le métal


"La fonte des métaux (bronze, argent, plus rarement or), si largement pratiquée durant l’Antiquité romaine pour la fabrication d’objets moulés, fut tout aussi courante en Gaule mérovingienne et à sa périphérie, certains ateliers ayant à coup sûr maintenu les traditions technologiques. À la différence des siècles précédents, l’époque mérovingienne ne nous a pas laissé d’œuvres fondues de grande taille, comme des statues, de la vaisselle, ou des meubles, si on excepte la partie inférieure du trône de Dagobert."

extrait de : http://perso.club-internet.fr/demarrag/louvre/travauxdiriges

Nul doute qu' à l'instar de Solignac, l'abbaye du patron des orfèvres, Saint Eloi, de nombreuses abbayes furent dotés très vite d'ateliers maîtrisant les techniques du métal. En effet, dès le VIIe siècle, les abbayes, les églises se sont multipliées, le culte des reliques était en plein essor, et toute cette activité religieuse réclamait de plus en plus d'objets cultuels : croix, calices, plats liturgiques, crosses, clochettes, reliquaires, châsses, etc...

Une telle demande concernait essentiellement des objets d'utilisation courante, qui étaient fabriqués en série. Cela consistait à imprimer les matrices (obtenues à la cire perdue, sculptées dans un bois dur, ou tout simplement objets que l’on surmoulait) dans de l’argile, afin d’obtenir un moule bivalve, non réutilisable. Il était en effet brisé pour permettre le démoulage de l’objet (à la différence de certains moules réutilisables de pierre ou d’argile, pour la coulée de noyaux de cire ou de matrices de plomb), qui était alors fini en plusieurs opérations: ébarbage, surfaçage, complément du décor (presque toujours venu de fonderie) au burin ou au pointeau, étamage des bronzes, dorure au mercure et niellage ( application du nielle) de certains détails pour les objets d’argent.


L'Orfèvrerie


Les Burgondes réclamaient une amende de deux cents sous au meurtrier d'un orfèvre, cent pour un damasquineur et cinquante pour l'ouvrier moyen du fer : cet exemple montre bien le prestige dont jouissait l'orfèvre à l'époque mérovingienne et que les artistes du métal ne devaient pas être légions (Notons qu'ils pouvaient être aussi bien esclaves que nobles).

Ses talents relevaient de différentes techniques, qu'il se devait de bien maîtriser. Il devait être à la fois émailleur, fondeur, ciseleur, joaillier, lapidaire, et parfois architecte, certaines oeuvres d'orfévrerie, telles les châsses, étaient souvent de véritables monuments. C'est saint Eloi, le ministre de Dagobert, qui est devenu le patron des orfèvres, et dont on connaît plusieurs oeuvres, que nous étudierons plus loin. A l'abbaye de Solignac, l'école d'orfèvrerie qu'il fondit fit longtemps des disciples.

Si l'orfèvre est un "forgeron de l'or", comme disait Tournier, l'époque mérovingienne n'est pas un temps rêvé pour lui. Après les grandes invasions, les métaux précieux se sont raréfiés, et il préfèrera battre l'or ou l'argent en fines feuilles, abaissera le titre des alliages, fera un mélange savant avec d'autres métaux, emploiera la dorure, jusqu'à lui substituer des laitons, de qualité et d'un rendu souvent remarquable.

Le cloisonné, dès la seconde moitié du Ve siècle, sera une technique aboutie dans l'art mérovingien, et donnera de belles pièces. Durant la seconde moitié du VIe siècle, les cloisons devinrent plus petites et d’un dessin plus complexe, tandis que le cloisonné n’était plus aussi couvrant, se limitant de plus en plus à une partie du décor, complété par des feuilles de métal estampées ( ou étampées), des grenats, des granulations ou des filigranes d’or ou d’argent. Le cloisonné ne fut plus utilisé pour l’ornementation des objets de la vie quotidienne à partir du début du VIIe siècle, mais survécut jusqu’au seuil de l’époque carolingienne pour le mobilier religieux. Quelques exemples réputés vont nous permettre de nous donner une idée de la majesté du cloisonné mérovingien.


L'abbaye Saint-Denis


C'est d'une abbaye royale, d'une nécropole royale qu'il s'agit, et dès le haut moyen-âge, des rois, des reines en font leur dernière demeure. Avec un Trésor constitué de pièces inestimables, des sépultures des plus luxueuses, l'abbaye de Saint-Denis faisait partie des tout premiers monastères de France en terme de magnificence, à la fois historique et artistique, et ce dès le haut moyen-âge, comme nous allons en donner un aperçu un peu plus bas. Des trésors magnifiques qui firent la gloire de ce monastère royal, il ne reste aujourd'hui qu'une pâle mémoire, si on songe qu'une centaine d'objets seulement furent épargnés par la Révolution, comparés aux innombrables pièces (environ 450 vers 1650) qui constituaient auparavant une richesse inestimable, entamée au long des siècles par les guerres, les famines, les rapines et, nous venons de le dire, les destructions révolutionnaires.


- La croix de saint Éloi


 Fragment de la croix de saint Éloi, 1e moitié du VIIe siècle, Cabinet des médailles.  Messe de saint Gilles, 1500, National Gallery, Londres.


Don célèbre du roi Dagobert à l'abbaye de Saint-Denis, elle figure dans les descriptions de la Vie de saint Eloi par saint Ouen et les Gesta Dagoberti, où il est dit qu"elle dominait le maître-autel [de l'abbatiale], où elle demeurera jusqu'en 1610, lorsque le coeur fut modifié pour le sacre de Marie de Médicis, pour être ensuite juchée sur une poutre de bois traversant le coeur et enfin reléguée, au XVIIIe siècle, en haut des grilles du choeur. Finalement, elle fut détruite en 1793, mais on consentit, eu égard à sa réputation, à conserver un petit échantillon, identifié comme tel par Blaise de Montesquiou-Fesenzac au Cabinet des Médailles de la Bibliothèque Nationale, à Paris. Ce monument peu commun d'orfèvrerie cloisonnée a été immortalisé en 1500 par le tableau anonyme de la Messe de saint Gilles (voir illustration ci-dessus) et faisait déjà l'admiration des Carolingiens.

De forme latine (comparer celle de la mosaïque de Saint-Apollinaire-in-Classe, à Ravenne), Mesurant près de deux mètres, très étroite, entendu que l'échantillon précité a la largeur d'une traverse, qui fait 10 cm. De chaque côté de la croix, ce n'était que réseaux de cloisons d'or sertissant des verres colorés, un vitrail, en quelque sorte, sur feuille d'argent. Trois rangées de bâtes en gouttière sont visibles, toujours sur l'échantillon. Aujourd'hui vides, elles sertissaient des pierres précieuses : gros saphirs au centre, alternant avec des nacres, des saphirs plus modestes, et des primes d'émeraude. L'attribution de l'oeuvre à saint Eloi est facilitée par l'épaisseur des cloisons d'or, bien plus importante que celles des oeuvres du Ve ou du VIe siècle et par la géométrie sobre et équilibrée des autres oeuvres attribuées à Eloi.


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Navette d'aventurine

navette d'origine, H 5.8 cm L 22.7 et l 8.5, vers le VIe siècle, Cabinet des médailles.

navette de saint Eloi, avec monture ( reconstitution)


La navette d'aventurine est au départ une nef basse, allongée et étroite, reposant sur une base rectangulaire évidée, à fond concave et à contour de largeur irrégulière mais assez épaisse en moyenne (1 cm au bord). Elle est sans doute une oeuvre de la fin de l'antiquité : on pense à l'orfèvrerie sassanide, qui a produit des oeuvres très similaires. Eloi aura surmontée la panse du vase d'une monture quadrilobée, d'orfèvrerie cloisonnée, faite d'un réseau métallique sertissant pierres précieuses ou verres colorés. L'illustration ci-dessus est une reconstitution de la monture d'après l'inventaire de Félibien du trésor de l'abbaye de Saint-Denis et proposée par H. Vierck en 1974. L'inventaire n'est pas très clair à propos de la description de la partie supérieure de la monture : peut-être un rang de verres bleus surmontés d'un motif de fenestrages ou d'une arcature de verres, bleus aussi. Un filet de verre bleu séparait la partie haute et des écailles de verres colorés correspondaient aux écailles de primes d'émeraude de l'intérieur, qui formait le renflement intérieur du quadrilobe. Une rangée de perles soulignait les deux bouts de la navette. Toute cette ornementation est typique des techniques du VIe et VIIe siècles.


- Le sceptre de Dagobert : Or émaillé et filigrané, 56 cm, volé en 1795 à l'abbaye et jamais retrouvé.


L'objet rappelle les sceptres surmontés d'oiseau et encore plus les sceptres consulaires romains, surmontés d'un aigle portant l'image impériale, comme sur certains dyptiques d'ivoire de Constantinople, des débuts du VIe siècle. Un autre aspect byzantin de ce sceptre est la main qui tient un globe, ici sorte de vase, à Constantinople surmonté d'une croix, du VI e-VIIe. Le sceptre dit de Dagobert pourrait donc être une création de l'époque mérovingienne imitant un sceptre du bas-empire et était utilisé dans la liturgie sandyonisienne (fêtes annuelles, sacre des reines).


 

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