ENCYCLOPEDIE -DE--LA--LANGUE -FRANCAISE

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Le temps des Carolingiens

(2)



Quelques jalons de l'histoire monastique :
Pépin le Bref
Charlemagne
Louis le Pieux
Charles le Chauve

 

 

Quelques jalons de l'histoire monastique

Pépin le Bref
 

Avant même son sacre, Pépin avait dû, en tant qu'héritier de Charles Martel, avec Carloman, batailler ferme pour imposer son autorité, particulièrement à son demi-frère Griffon, qui se révoltera contre lui en 748. Conciliant, Pépin lui confie une partie du Maine. Nouvelle révolte en 753, qui voit Griffon se réfugier en Aquitaine, auprès du duc Waifre. Pépin entre dans le Maine et son armée ravage la région du Mans, n'épargnant que les monastères et les bâtiments religieux. Au Mans s'enferment Charivé, Comte du Maine et Gauziolène, son frère, évêque de la ville. L'Abbé Sigebaud et les moines de l'abbaye de Saint Calais se recommandent de Pépin, qui prend ainsi le contrôle de cette Abbaye et lui assure sa protection. Les monastères du Maine passent alors sous le contrôle de Pépin et dépendent désormais du fisc Carolingien. Pépin fonde, par ailleurs, l'abbaye bénédictine de Sainte Marie de la Sagne (Beatae Mariae de Sanha) à l'origine de la cité de Sorèze (Suricinum, le petit Sor) dans l'actuel Tarn.

"Entre 752 et 759 Pépin asseoit son contrôle de la Septimanie et à partir de 759 il décide de soumettre l'Aquitaine. Outre les visées du Duc Waifre sur la Septimanie, Pépin l'accuse de refuser de ne pas réattribuer aux Abbayes et Monastères Francs du nord de la Loire les biens qui leur appartiennent en Aquitaine. De 759 à 768, sauf une année, Pépin conduit des campagnes militaires systématiques contre l'Aquitaine et Waifre qui bénéficie du soutien des populations d'Aquitaine. Les raids de Pépin sont avant tout dirigés contre les places fortes, il prend Clermont, Escorailles, Chantelle, Turenne, Carlat, Ronzières, ... Il sanctionne durement ceux qui lui résistent (certains redeviennent des serfs et leurs biens sont confisqués). Il s'empare progressivement de Poitiers, Limoges, Saintes, Périgueux, Agen, Angoulême et Bourges et il installe ses représentants dans ces villes. Il s'approprie également les principales Abbayes et Monastères et place ses fidèles à leur tête : Ainsi, l'Abbaye de Saint Savin est confiée à un de ses familiers, Baddilo."

Extrait de la page http://www.francebalade.com/poitou/ctpoitou.htm
 

La naissance officielle de la dynastie Carolingienne se produit en 754 dans une abbaye, celle de Saint-Denis. En effet, Pépin le Bref avait déjà été oint lors de son sacre à l'abbaye Saint-Médard de Soissons, en 751 (année qui voit l'abbaye de Willibrord, Echternach, devenir abbaye royale, Willibrord qui convertit Pépin). S'étant assuré le soutien du Pape pour avoir réorganisé l'église franque, Pépin le Bref fait enfermer Childéric III dans l'abbaye de Saint-Bertin et se fait élire roi à sa place par les Grands du royaume, et sacrer par les évêques. Il le sera une nouvelle fois en 754, par le pape Etienne II lui-même, en même temps que ses deux fils, Charles et Carloman, tandis que le pontife bénira son épouse, la reine Bertrade, ainsi que tous les grands du Royaume. "Abbaye royale par excellence, elle abrite les tombeaux des souverains; elle garde les insignes royaux ou regalia; elle détient l'oriflamme, cette bannière rouge-orangée qui flotte aux côtés du roi dans les combats. Riche, étroitement liée aux abbayes italiennes, elle est un des foyers de la Renaissance carolingienne". Extrait de la page http://www.bnf.fr/loc/bnf0003.htm
 
Le sacre de Pépin marque la naissance de la Francie, d'une manière nouvelle. Pépin le Bref a été élevé à Saint-Denis, il y est enterré, mais avant lui Dagobert y fut inhumé. Plusieurs Carolingiens y trouveront sépulture, dont Charles Martel, son père, et Charles le Chauve. D'ailleurs, à compter d’Hugues Capet, ce sont presque tous les rois de France qui seront enterrés à Saint-Denis.
 
Le règne de Pépin marque le début d'une période de grande splendeur pour l'abbaye sandyonisienne (relatif à Saint Denis) : Y accoururent le moine saxon Willibald (Villibalde), le moine Sturm (Sturmius), disciple de St. Boniface, fondateur de Fulda (sur une terre offerte par Carloman) et du monachisme allemand, le duc Gisulfe II de Bénévent, Carloman le frère de Pépin, Ratchis le roi des Lombards, Anselme le futur abbé de Nonantola. Pépin le Bref fit don de la plus grande partie de la forêt d'Yveline à l'abbaye de St Denis et son fils Charlemagne ajoutait que les peaux de bêtes sauvages, cerfs et chevreuils, serviraient à couvrir les livres du monastère et que leur chair réconforterait les religieux. Charlemagne, justement, vient à l'abbaye en 787, et concède de grands privilèges. Le Trésor du monastère s'enrichit aussi grâce aux dons du roi, mais aussi celui de l' abbé Fulrad (710-784). Ce dernier appartient à l'aristocratie alsacienne. Nommé abbé de Saint-Denis en 750, il est le chapelain et conseiller très écouté de cœur. C'est lui qui, avec Burchard, évêque de Würzburg, fut chargé de porter au pape Zacharie la lettre à laquelle le souverain pontife fera une réponse historique, affirmant : "il vaut mieux appeler roi celui qui a le pouvoir", et qui entraînera l'onction de Pépin en 751. Inconnu auparavant chez les Francs, le sacre, quant à lui, renoue avec la tradition biblique, et fait du roi un Vicaire du Christ. Prenant à bras-le-corps cette dignité, le miles christi * Carolingien est sans cesse préoccupé par le salut et la morale chrétiens : Charlemagne, par exemple, organisera l'éducation comme un levain propre à dilater le christianisme.

 
C'est pendant le règne de Pépin, nous l'avons dit, que s'opèreront les premières réformes concernant l'Eglise, sous l'égide de saint Chrodegang, évêque de Metz et conseiller de Pépin le Bref. Cet Austrasien proche de Pépin, appartient à la famille puissante des Robertiens : Sa mère est Landrade, fille de Robert II. Chrodegang fondera l'abbaye de Gorze entre 747 et 757, et ses premiers moines venaient peut-être d'un monastère proche fondé par Pirmin. Les moines de Gorze s'éparpilleront ensuite en différentes abbayes, telles Gengenbach (en 761) ou Lorsch (765), en Bavière, fondée par un oncle maternel de Chrodegang, le comte de Hesbaye Cancor, en 764, et dirigé par son frère Gundeland, à qui il avait confié auparavant (759) l'abbatiat de Gorze. En Bavière toujours, en cette même année 764, est fondée, l'abbaye d'Ottobeuren (Ottobora, Monasterium Ottoburanum), par le comte Silach, monastère élevé au rang d'abbaye impériale par Otton Ier, en 972.

Rappelons que Metz est capitale de l'Austrasie depuis la mort de Clovis, en 511, et que les femme, sœurs, fils
* de Charlemagne y furent inhumés dans l'abbaye Saint-Arnould, ainsi que saint Arnould lui-même, en 641.

Ce dernier avait été évêque de Metz au VIIe siècle, mais également grand ancêtre des Carolingiens : il est l'arrière-grand-père du grand-père de Charlemagne... Charlemagne fit de l'abbaye de Saint-Arnould la nécropole de sa famille : sa femme Hildegarde, ses sœurs et son fils, l'empereur Louis le Pieux, y furent enterrés.

* Charlemagne aura aussi des filles avec sa quatrième (sur dix!) femme. Il épousera en 783 Falstrade, fille d'un comte de Franconie, qui lui donnera deux filles : Tétrade, qui deviendra abbesse de Notre-Dame d'Argenteuil et Hiltrude, abbesse de Maremoutiers.

 

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"La vie de Charlemagne" selon Eginhard (ou Einhard), son biographe.
Grandes Chroniques de France, fol. 85v , Paris, XIVe s.
(65 x 65 mm), BNF
 

Charlemagne   
   Statuette équestre de Charlemagne
IXe siècle
Bronze avec traces de dorure
H 23,5 cm
Provenant du trésor de la cathédrale de Metz
OA 8260
 

 
"Je te baptise au nom de la patrie et de la fille. "In nomine patria et filia": la formule, utilisée par un clerc bavarois du VIIIe siècle au latin plus que douteux, illustre bien l’état de délabrement intellectuel et culturel dans lequel vivent les chrétiens occidentaux à l’aube de ce que les historiens ont appelé la renaissance carolingienne. Les illettrés forment le gros des troupes chrétiennes, qu’il s’agisse des régiments d’Eglise ou de ceux du peuple. Le latin, rongé peu à peu par les langues vernaculaires, se perd. L’œuvre du temps rend les manuscrits illisibles.
Or Charlemagne, roi des Francs depuis 768 et sacré empereur en l’an 800, veut assurer le renouveau de la culture, dont il pressent l’utilité pour améliorer les structures de son royaume. Bien que lui-même n’ait pas reçu d’instruction, il souhaite créer un enseignement pour les clercs qu’il destine à l’administration de l’Empire."
 
extrait d'un texte de Patricia Briel sur le site du Temps, à la page
http://www.letemps.ch/dossiers/christianisme/historique/siecles/siecle9.htm

Le grand programme réformateur carolingien est lancé par Charlemagne (Carolus Magnus, 742-814, Roi des Francs de 768 à 814 Empereur d'Occident de 800 à 814). Avant de s'attaquer à l'enseignement, l'empereur revoit la liturgie. Vers 785, en effet, Adrien aurait envoyé à Charlemagne un sacramentaire dit " grégorien ", parce qu'il reflétait la réforme liturgique commencée sous le pontificat de Grégoire II (715-731). Un exemplaire de celui-ci nous resterait, celui du sacramentaire de Cambrai (Bibliothèque Municipale ms 159), non achevé et complété par la suite par Alcuin : Nous en retrouvons les traces au travers des manuscrits Ottoboni du Vatican (lat. 313), mais aussi de Padoue, (Bible, capitulaire D. 47). Charlemagne lui-même voulait donner l'exemple : en 795, ne renvoie t-il pas, par l’intermédiaire d’Offa, roi de Mercie, un Scot suspect d’avoir mangé de la viande pendant le carême, afin qu’il soit jugé par son évêque?
 

Les premières grandes lignes directrices de la réforme carolingienne sont fixées dans l’Admonitio generalis du 23 mars 789, qui entendent réglementer tous les compartiments de la vie du royaume. Le chapitre 72 du capitulaire prévoit notamment que les écoles seront créées dans l'enceinte même de chaque établissement ecclésiastique, régulier ou séculier, monastères et évêchés et que la liturgie et le chant romains sont prescrites dans toutes les églises de l'Empire (abbatiales y compris, bien sûr).
Tout ceci, bien entendu, n'est pas un fait nouveau, mais ce qui l'est, c'est sa généralisation, aidée en cela par la diffusion accélérée de la règle bénédictine, facteur supplémentaire de cohésion.

Rappelons, en passant, que si la culture reprend du galon dans les monastères, le pouvoir impérial continue à s'en servir pour y enfermer ses ennemis : Ainsi, Charlemagne fit prisonnier le duc de Bavière Tassilon III, révolté contre lui avec l'aide des Avars et, à l'assemblée judiciaire d'Ingelheim, le démit de ses titres avant de le condamner à mort, condamnation finalement commuée en détention perpétuelle à l'abbaye de Jumièges. Par ailleurs, comme ce qui se faisait avant lui, et qui continuera longtemps de se pratiquer, l'empereur n'a pas de scrupules pour installer ses proches à la tête des évêchés ou des abbayes. Charlemagne obtient donc que ses deux fils Drogon et Hugues soient nommés aux sièges épiscopaux de Metz et de Rouen. Il avait déjà confié à Hugues (selon la Vita prima Hugonis, fils de Charlemagne et d'Anstrude, fille de Tassilon, duc de Bavière) les abbatiats de Rebais et de la Croix-Saint-Leufroy, fondée par Leufroy en 690 (d'abord, Croix-Saint-Ouen), dans l'Eure (Normandie).

Quant à l'enseignement des laïcs, qui avait pour ainsi dire disparu quand débute le règne de Charlemagne, ce dernier s'applique à instaurer à nouveau l'instruction de ses sujets. Mais attention à ne pas entretenir de confusion : l'instruction que promeut Charlemagne est une culture très limitée. Tournée comme par le passé vers la culture romaine antique et ayant pour but premier de faire des habitants de l'Empire de bons chrétiens, elle ne se tourne ni vers les sciences ni vers la philosophie : ce trait se reflète bien dans
l'enluminure carolingienne, qu'on admire presque exclusivement au travers d'Evangiles ou d'autres ouvrages saints, surtout liturgiques. La réforme liturgique s'accélère en effet, comme nous l'avons montré plus haut : Plus que les livres encore, l'architecture ou le vêtement sont des témoins parlants de cette nouvelle magnificence.

A la cour palatine d'Aix-la-Chapelle, le haut lieu de la culture carolingienne, la culture reste très littéraire, oratoire et souvent pédante, même si de nombreux livres d'histoire lui dessinent encore une brillante aura, due à la présence de quelques uns des grands esprits de l'époque : on cherchera vainement dans ce brillant aréopage un seul scientifique ou philosophe :
" Plus connue et moins contestée est la renaissance littéraire et artistique qu'il eut le dessein certain de promouvoir. C'est ici le Charlemagne, proprement "classique", de l'école du palais. Très autodidacte, un peu pédant, mais d'une bonne volonté qui encourageait et aiguillonnait les lettrés du temps. Ayant acquis à force de travail, sous la direction de ses maîtres italiens, Paulin d'Aquilée, Pierre de Pise, Paul Diacre, la solide culture que l'on a dite, il poussait à sa diffusion et, par l'école du Palais, parmi les laïcs de bonne naissance autant que parmi les ecclésiastiques. Mais cette fameuse "école" n'avait rien de scolaire (malgré le récit légendaire écrit, quatre-vingts ans plus tard par l'abbé de Saint-Gall, Notker le Bègue) : elle n'était que l'Académie du Palais où des esprits déjà instruits pouvaient se perfectionner par les entretiens de savants renommés appelés par Charlemagne auprès de lui. Le plus connu de ces savants, l'Anglais Alcuin [Albinus Flacus, dit (vers 730-804), qui propagea la fameuse minuscule caroline, NDE]* que Charles fit abbé de Saint-Martin de Tours, utilise la culture antique, qu'il juge dangereuse et futile, à un commentaire des écritures dont le principal mérite est son effort pour revenir au latin classique. Le Lombard Paul Diacre accumule des abrégés de commentaires littéraires antiques, une Vie des évêques de Metz, des homélies. L'Espagnol Théodulfe est un polygraphe auquel on peut demander n'importe quel travail de circonstance, d'une épitaphe à un traité sur le Saint-Esprit; au demeurant, un véritable humaniste, bien supérieur aux poètes de cour Angilbert ou Modoin."
extrait de l'Histoire Universelle 2, De l'Islam à la Réforme, Encyclopédie de la Pléïade.

Pour décréter et appliquer (mais ça c'est une autre affaire) toutes les décisions prises par l'Empereur, le pouvoir carolingien légifère en tout sens, et ce mouvement s'accélère dès le début du règne de Charlemagne : capitulaires (le plus important concernant les abbayes est le capitulaire de Villis), diplômes royaux, accordés le plus souvent à un monastère ou une église épiscopale , à qui il confère un privilège où dont il confirme les droits.
 
* entre les crochets, note de l'encyclopédiste.

Enfin, comme tous les princes chrétiens de son temps, Charlemagne a créé, encouragé ou financé des fondations monastiques. Cependant, il est le premier souverain carolingien à concentrer son action loin des régions électives des Francs, dans le Sud-Ouest, tout particulièrement, en des régions pas parfaitement christianisées. S'il fonde bien une abbaye en Bretagne, Saint-Médard de Doulon, qu'il donne ensuite à l'abbaye Saint-Médard de Soissons, c'est une exception. Dans le Sud-Est, Charlemagne relèvera l'abbaye de Montmajour, en Provence, victime des Sarrasins, où il fit bâtir une chapelle dédiée à la Sainte Croix . On dit que certains preux chevaliers de Roland y ont trouvé sépulture. Toujours grâce aux subsides de l'empereur, l'évêque Siagrus put élever l'abbaye Saint-Pons de Nice (il en reste une église), fondée vers 775 et dotée alors de vastes domaines. Charlemagne en profita pour y loger à deux reprises, en 777 et en 800, sur la route de Rome. Dans le Poitou, Charlemagne fonde l'abbaye Saint-Savin sur Gartempe, connue pour ses fresques romanes et protège l'abbaye Saint-Sauveur de Charroux, fondée en 770 par le comte Roger de Limoges. Près de là, en Saintonge, il fonde, dit-on, l'abbaye Saint-Etienne de Baignes vers 769, devenu prieuré de Saint-Martial de Limoges. Un peu plus au sud, dans le Périgord, il fonde le prieuré de Trémolat en se rendant en Espagne, mais aussi l'abbaye bénédictine de Brantôme, vers 769, dans le diocèse de Périgueux. Arrêtons-nous un peu sur cette région du Périgord qui, entre le huitième et le neuvième siècle, va voir fleurir plusieurs couvents, ce qui ne s'était produit depuis les débuts de son évangélisation, en particulier par saint Front (Fronto, Fronton de Lycaonie, + 74), qui avait été moine à Nitrie et avait peut-être créé un monastère à Périgueux, mis à mal bien plus tard par les Normands mais relevé par les moines de Redon, appelés par un seigneur du Migron, Droaloi, et nommé alors Notre-Dame de Frossay. Nous ne connaissons guère de nouveaux établissements monastiques avant le VIe siècle, avec la fondation hypothétique d'un couvent à Angoulême, au-dessus de la Charente, par l'ermite saint Cybard (Eparchius, Eparche, puis Ibard, v. 493-581), fils d'une famille noble de Trémolat, Félix Auréolus et Principia. Vers 537, il semble qu'il ait fondé un autre établissement conventuel à Paunat, près de Bergerac, en Dordogne.
"D'azur à un Saint-Cybard, vêtu en religieuse bénédiction , tenant de sa main dextre une crosse, le tout d'or".

La capitale même du Périgord Noir, Sarlat, se développa autour de son abbaye Saint-Sauveur, dont les plus humbles pierres auraient pu avoir été posées par saint Sardon ( Sardos, Sacerdos, Sardot, Sadroc, Sardou, Serdon, Serdot, v. 670-720), évêque de Limoges vers 515. On lit ici ou là que Pépin le Bref ou Charlemagne en ont été les fondateurs : c'est prendre au pied de la lettre la bulle d'Eugène III (1153) qui les désignent comme tels, selon une tradition qui repose sur la qualité des personnages en question, les plus hauts représentants de Dieu sur terre. Sacerdos fonda, ou plus exactement, rénova l'ancien monastère Sainte-Radegonde délabré et très pauvre de Calviac (Calviat, Calabre), dans le Quercy, où il naquit de Laban et de Mondane de Bordeaux. Près de Sarlat, citons le monastère de Belvès (de la tribu des Bellovacis : Bellevaques, en occitan Bel Véser, en latin médiéval Bellovidare, Bellumvidare), qui aurait été fondé entre 817 et 830 sur le plateau de Montcuq, dominant la vallée de la Nauze.

Pour localiser les abbayes situées en Périgord, ou limitrophes à celui-ci, et qui sont citées dans l'encyclopédie, voir ci-dessous la carte du département de la Dordogne, extraite de l'Encyclopédie Universelle dirigée par Marcellin Berthelot, à la toute fin du XIXe siècle :


Louis le Pieux (règne de 814 à 840)
 

Sous Louis le Pieux (ou Louis le Débonnaire, 778-840), nous l'avons dit, s'organisera de manière presque définitive la réforme de la règle de Benoît de Nursie. Elle est l'œuvre du moine Witiza, qui se baptise lui-même Benoît, en hommage à son père spirituel, et qui prend forme dans un capitulaire de 817, le Capitulare monasticum, rédigé en 83 chapitres, et que Louis entend faire appliquer aux 650 monastères de l'Empire: Voir Benoît d'Aniane, Plan de Saint-Gall. D'autre part, cherchant de plus en plus à hiérarchiser la société, à assigner à chacun une place, le pouvoir carolingien demande aux moines de consacrer le plus clair de leur temps à prier, pour les vivants, mais surtout, les morts (voir memoria). Il existe pour ce faire des listes dans nombre de comtés, précisant les noms de ceux pour qui il faut particulièrement intercéder, ce sont les libri memoriales. C'est ainsi que va se développer la fonction du moine-prêtre et, avec lui, une liturgie occupant une grande part du temps monastique.
 
Un grand abbé est lié au règne de Louis le Pieux, c'est Loup de Ferrières. Né en 805 à Ferrières, il resta à l'école de l'abbaye jusqu'à vingt-cinq ans, âge auquel Aldric l'envoya en Allemagne étudier la théologie. A Fulda*, Loup fit la connaissance de Raban Maur et Eginhard, savants de grand renom. Tout en étudiant, il donna des cours de lettres et acquit là-bas une grande célébrité. De retour en France, il fut nommé précepteur du fils de Louis le Débonnaire, le futur Charles le Chauve. Cette mission rendit Loup Servat très proche du souverain, auprès de qui il représenta toujours une autorité. Il se permettait d'écrire à Charles le Chauve en lui donnant des conseils: "Parvenu à l'âge d'homme, défaites-vous des puérilités passées..." La cour le nomma abbé de Ferrières et le monastère devint alors un des phares de la science et de la civilisation européennes.

Dès la première année de son règne, Louis le Débonnaire, roi d'Aquitaine, donne l'abbaye de Massay, près de Châteauroux, à saint Benoît d'Aniane. Sa deuxième femme, Judith de Bavière (800-843) obtient pour sa mère l'abbaye de Chelles, pour son frère Rodolphe, les abbayes de Saint-Riquier et de Jumièges et pour son frère Conrad, l'abbaye de Saint-Gall ! Et puisqu'on parle de la Bavière, citons l'abbaye de Schwarzach (Schwartzach, Chwartzach), fondée en Forêt Bavaroise (Bayerischer Wald) par le comte Megingaud (Mengold, Megingoz, Magingoz) en 816, au confluent de la rivière Schwarzach et du fleuve Main, dans lequel elle se jette. Ce monastère disparut comme beaucoup d'autres par la sécularisation de 1803.
Comme ses prédécesseurs, Louis le Pieux oeuvre à l'expansion de la chrétienté. Il décide d'envoyer des moines évangéliser les Scandinaves. Cette mission est confiée à un Picard, Anschaire (Ansgarius), appelé aussi plus logiquement Ansgar, mais aussi Anskar, Anschar ou Oscar, né vers 801 à Amiens et mort en 865 à Brême (Bremen). Ansgar est élevé à l'abbaye de Corbie, élève de célèbres professeurs, Paschase Radbert et Adalhard. Anschaire évangélise le Danemark mais déchante vite devant l'hostilité des Danois et voit la mort de son assistant, Augbert Après une expérience plus féconde en Suède, le moine est fait archevêque d'Hambourg et légat du pape auprès des Slaves et des Scandinaves. Anschaire fondera des hôpitaux, des écoles, particulièrement celle du monastère de Turholt, en Flandres, que lui confie Louis le Pieux.
 
En 833, l'empereur sera fait prisonnier dans l' abbaye de Saint-Médard-de-Soissons, par son fils Lothaire entré en rébellion contre lui (En 852, c'est Pépin II d'Aquitaine, frère et opposant au souverain qui y sera emprisonné, non sans avoir été tondu : celui-ci s'en évadera peu de temps après).
En Flandre, toujours, dans le Tournaisis (Nord, 59), l'abbaye Saint-Calixte de Cysoing, de l'Ordre de Saint Augustin, est fondée sur une terre prélevée sur le domaine royal, octroyée en 867 à Saint Evrard, duc de Frioul et époux de Gisèle, fille de l'empereur. Elle a complètement disparu à la Révolution.
 
C'est vers 738 qu'Egon, comte d'Aquitaine, fonde une abbaye dédiée à saint Martin. Très vite, au début du IXe siècle, l'abbaye est déjà en ruines : les bâtiments sont restaurés et 40 moines suivant la règle de saint Benoît y sont installés. Mais, vers 873, les Normands pillent et incendient l'abbaye, et le trésor que lui aurait donné Charlemagne lors de sa venue est volé. C'est Girard, comte de Bourges, qui reconstruira l'abbaye.

L'empereur étendra sa protection à différentes abbayes, dont le monastère de Menat, en Auvergne, et l'abbaye Sainte-Marie d'Arles. Au premier, il accorde divers privilèges, en confie la réforme à Benoît d'Aniane et lui confère le titre d'abbaye. Cette fondation remonterait à 480 environ, sous le règne de Clovis. Ménélée vient à Menat entre 685 et 690 et reconstruit le monastère détruit au cours des guerres de succession de Clotaire 1er. Il y instaurera la règle de saint Benoît. A Sainte-Marie d'Arles, fondée par un moine espagnol, Castellanus, sur d'antiques bains romains, Louis offre protection royale par une charte du 17 septembre 821.

Un autre monastère devenu célèbre sera sous la haute protection de Louis, alors roi d'Aquitaine, c'est Medraldus, auquel il aurait fait plusieurs visites. Ce monastère bénédictin avait été fondé par l'ermite Dadon (Datus, de Deodatus : Dieudonné), dirigé ensuite par son disciple Medraldus, et on ne sait si c'est Dadon déjà, ou plus tard Louis d'Aquitaine, qui donna au couvent le nom de Concha (coquille), en raison de la configuration rocheuse du site. Toujours est-il qu'en 819, Louis ne fait pas moins de dix donations de terres en sa faveur. Vingt ans plus tard, Pépin II, son fils, roi d'Aquitaine à son tour, lui octroiera Figeac, la «Nouvelle Conques», où vont s'installer de nombreux moines. En 838, Pépin signe l'acte fondateur de l'abbaye de Figeac, origine de l'essor de la ville. Dès lors, Figeac située sur les rives du Célé, se transforme, hésite un temps, puis érige ses murailles, pousse ses faubourgs et accueille marchands et artisans.
 
 
* La puissance de l’abbaye de Fulda devint prodigieuse. De 822 à 847, Raban Maur la dirigea. Sa richesse explique son influence ainsi que les terribles luttes intérieures qui la secouèrent : beaucoup de ses abbés furent déposés par l’empereur, chassés par les moines ou contraints de démissionner. Cela n’empêcha pas le statut d’abbé de s’enrichir de nouvelles dignités : prince du Saint Empire au moins depuis 1170, avec droit de siéger à gauche de l’empereur en 1194, archichancelier de l’impératrice en 1365.
 
 
"En ce début de IXe siècle, les abbayes commercialisent une partie de leurs productions, achètent, et revendent avec profit. En 829, l'abbaye de Micy obtient de Louis le Pieux une saline en Basse-Loire sur l'Atlantique. L'éloignement de certains domaines (l'église du Mans en avait en Bourgogne et en Provence,) et celui des établissements étrangers détenus dans la région (Saint-Germain-des-prés, l'église de Reims), entraînent de lointains échanges. Les monastères sont de véritables entreprises agricoles, industrielles et commerciales. Certains sont passés maîtres dans les techniques de construction".

extrait de la page http://www.royalement-votre.com/structur/rvguil33.html

 
Nous ajouterons un dernier jalon monastique à ce règne : l'abbatiat d'Hilduin, qui est une période faste pour l'abbaye Saint-Denis, marquée sans doute par une grande activité d'orfèvrerie : A partir de 835, Hilduin († 840), abbé du monastère, se mit en effet à propager en Occident un récit selon lequel Denis de Paris ne ferait qu’un même personnage avec Denys l’Aréopagite, converti par saint Paul. Ce Denys l’Aréopagite serait lui-même l’auteur des célèbres ouvrages de théologie attribués à Denys le Mystique. L’obscur et courageux fondateur de l’Eglise de Paris devenait, ainsi et pour des siècles, un grand de la sainteté.
 
Enfin, évoquons rapidement l'événement politique majeur, fondateur de la Lorraine, qu'est le partage de l'empire carolingien, en particulier au traité de Verdun (843). En 855, Lothaire Ier se retire au monastère de Prüm et partage ses États entre ses trois fils, Luois, Lothaire et Charles. C'est Lothaire II, qui incarnera cette division qui fondera le mot et l'entité politique "Lorraine", alors Lotharii Regnum, puis Lotharingie (mais auparavant, on parlait de "Mosellana Provincia", parce que là, vivaient les Moslenses). C'est Lothaire II qui prendra possession du territoire auquel son nom sera attaché, entre la Meuse et le Rhin. À la mort de Lothaire II, la Lotharingie, objet de convoitise des frères du défunt, est partagée par le traité de Meersen entre Charles le Chauve et Louis le Germanique*. Une partie du diocèse de Trèves, les abbayes d'Echternach (ou Esternach, dans l'actuel Luxembourg) et de Saint-Sauveur de Prüm (Ardennes), la région de Metz reviennent au Germanique, tandis que la Woëvre, l'Alzette et Bastogne, parties du Luxembourg actuel, reviennent à Charles. Louis le Germanique sera un des derniers maîtres francs du duché Saxe, qu'il remet à Liudolf, qui fonde en 852 l'abbaye féminine de Gandersheim, en Basse-saxe, avec sa femme Oda et l'appui de sa belle-mère, Aeda, qui aurait eu une vision de saint Jean Baptiste, lui assurant que son fils fonderait un monastère. Liudolf aurait fondé aussi un chapitre de chanoinesses à Brunshausen (diocèse d'Hildersheim) un an après, en 853. En Saxe, c'est l'heure des grandes familles aristocratiques, qui érigent ce qu'on a appelé avec raison des "hagiocraties", dont les réseaux de pouvoir s'appuyaient, par exemple, sur la maîtrise des reliques saintes : translation, conservation, culte, etc... On connaît les Ekbertiner (descendants d'Ekbert), autour d'Hambourg, Brême et les monastères de Corvey ou Herford, mais aussi les héritiers du duc saxon Widukind (Wittekind), autour de Vreden ou de la province d'Oldenburg, où le duc saxon fonda le monastère de Wildeshausen, autour duquel se forma la ville du même nom, où son petit-fils Walbert (Waltbert) voudra intensifier la christianisation de la région en translatant les reliques de saint Alexandre depuis Rome (851)

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Ancien monastère de Wildeshausen.
Abbatiale, collégiale et enfin temple protestant (XIIIe)
A gauche : vue de la basilique
A droite : Fresque montrant une peinture sur le thème de la chasse au faucon

C'est encore Lothaire qui investira l'ancêtre de la lignée rodolphienne, le comte Conrad d’Auxerre, de l’abbaye de Saint-Maurice et du duché de Bourgogne transjurane, dont il fit la conquête en 864 au détriment du bosonide Hubert. Conrad posa ainsi les fondements d’un pouvoir princier, qu’il transmit à son fils Rodolphe, qui se proclama roi dans l’abbaye de Saint-Maurice d'Agaune en 888 et tenta de s’emparer de l’ensemble de la Lotharingie.

* Louis le germanique, la Chancellerie : "Pendant le règne de Louis le Germanique en Bavière (826-833), le personnel de sa chapelle et de sa chancellerie se limita à quelques clercs de l'entourage impérial placés sous la direction de l'abbé Gauzbald d'Altaich (826-833) ; tous les diplômes furent rédigés par le notaire Adalleod (826-840), formé à la chancellerie impériale. La révolte de 833 provoqua le départ de l'abbé Gauzbald, mais n'affecta en rien l'activité du notaire Adalleod. A la tête de la chancellerie se succédèrent Grimald de Wissembourg (833-840) et Ratleik de Seligenstadt (840-854). Adalleod quitta ses fonctions en 840 et de nouveaux notaires firent leur apparition : le prêtre Dominic (840-841), le diacre Réginbert (844-852) et Comeatus (843-858). Cette deuxième génération de notaires était restée assez longtemps en contact avec la chancellerie impériale pour continuer d'en perpétuer les traditions dans les actes. En outre, la chapelle et la chancellerie entretinrent au cours de cette période d'étroites relations avec l'abbaye de Saint-Emmeram de Ratisbonne, dont l'abbé et évêque Baturic (? 848) était aussi l'archichapelain de Louis le Germanique.
Dès 838/839, Louis le Pieux organisa la chapelle et la chancellerie de son fils puîné Charles le Chauve et lui en fournit le personnel. L'abbé de Saint-Denis Louis (? 867), un parent des Carolingiens par sa mère Rotrude, fille de Charlemagne, et un proche des Rorgonides par son beau-père Rorgon Ier, comte du Maine, reçut la charge d'archichancelier ; un autre Rorgonide, l'évêque Ebroin de Poitiers (? 855), fut nommé archichapelain du roi. D'emblée, la chancellerie entretint donc des liens privilégiés avec l'abbaye de Saint-Denis et la puissante famille des comtes du Maine."

extrait de : http://theses.enc.sorbonne.fr/document40.html

L'autorité des rois diminue alors rapidement au profit de celle des puissants évêques, comme celui de Metz, ou du Mans (Aldric, qui récupère la tutelle du monastère Saint-Vincent) des riches abbayes, et des grandes familles comme celle qui va donner les ducs de Lorraine. On entre dans le temps de la féodalité, marquée à ses débuts par l'absence d'autorité centrale.

 
Charles le Chauve (règne de 840 à 877)
 

Les concessions abbatiales aux laïques recommencèrent et se multiplièrent sous Charles le Chauve. La chute progressive de l'autorité centrale marqua la décadence du statut des abbés et des moines. De 847 à 973, par exemple, des abbés laïques assumèrent la direction de la fameuse abbaye d'Echternach. Des chanoines furent installés à la place des bénédictins, les biens conventuels furent donner à des personnages séculiers en récompense de leurs services militaires. Les moines réagissent et cherchent à lutter contre ces empiètements, recherchant en particulier la protection papale, quitte à fabriquer des faux pour arriver à leurs fins, en rédigeant les Fausses Décrétales (prétendument papales) ou les Faux Capitulaires (prétendument impériaux)*. Comment résoudre ce problème quand ce sont les princes eux-mêmes qui donnent le ton en la matière : La fille même de Charles, Rothilde, devient veuve en 900 et obtient la commende de l'abbaye de Chelles : voir chapitre de LA COMMENDE. Son fils Louis, qui le succèdera sous le nom de Louis II le Bègue de 877 à 879, se mariera avec une ancienne moniale, Ansgarde, dont Charles le Chauve, d'ailleurs, le contraignit à se séparer. Deux princes eurent le temps de naître de cette union : Louis III (839-888) et Carloman qui, eu égard à leur naissance, étaient donc mal considérés par les seigneurs et les abbés : ils furent tout de même couronnés en 879 à l'abbaye de Ferrières...à la hâte, il faut bien le dire.

* CHARLES LE CHAUVE, la Chancellerie : "Dès 838/839, Louis le Pieux organisa la chapelle et la chancellerie de son fils puîné Charles le Chauve et lui en fournit le personnel. L'abbé de Saint-Denis Louis (? 867), un parent des Carolingiens par sa mère Rotrude, fille de Charlemagne, et un proche des Rorgonides par son beau-père Rorgon Ier, comte du Maine, reçut la charge d'archichancelier ; un autre Rorgonide, l'évêque Ebroin de Poitiers (? 855), fut nommé archichapelain du roi. D'emblée, la chancellerie entretint donc des liens privilégiés avec l'abbaye de Saint-Denis et la puissante famille des comtes du Maine. L'héritage impérial était en outre très présent, car au moins deux notaires issus de la chancellerie impériale passèrent au service du roi de Francie occidentale : Méginaire (… - 849) et Barthélemy (… - 855). A leur côté œuvraient les notaires Jonas (841-850), Deormarus (842-844), Enée (842-856) et Ragemfridus (842-845) et enfin Gislebert (847-858), le premier notaire à ne pas avoir été en contact direct avec la chancellerie impériale.
En Francie orientale, le changement de génération du personnel débuta par la nomination du notaire Hadebert (854-859) et se poursuivit par celle d'Hébarhard (859-876). La chancellerie connut en effet, entre 854 et 860, une profonde réorganisation : l'union des fonctions d'archichancelier et d'archichapelain qui furent désormais tenues par Grimald, l'abbé de Saint-Gall. A partir de ce moment, la chapelle et la chancellerie entretinrent d'étroites relations avec l'abbaye royale de Saint-Gall. Hébarhard fut le principal notaire-recognoscens de la seconde période du règne de Louis le Germanique. Il occupa en outre la fonction de chancelier à partir de 868 et rédigea presque tous les préceptes donnés entre 859 et 876. Le départ de Grimald en 870 et la nomination de l'archevêque Liutbert de Mayence marquèrent le début d'une union durable entre la charge d'archichapelain et le siège de métropolitain de Mayence.
En comparaison, la chancellerie de Francie occidentale se développa différemment entre 859 et 877. Le départ du notaire Gislebert en 858 coïncida avec un hiatus dans la production diplomatique qui s'explique par la grave crise à laquelle le roi dut faire face. Il en résulta un renouvellement du personnel de la chancellerie autour des notaires-recognoscentes Hildeboldus (861-870), puis Audacher (871-877), qui perpétuèrent le modèle impérial. La mort de l'abbé Louis en 867 n'affecta en rien les activités de la chancellerie et sa charge d'archichancelier passa aux mains de son demi-frère Gauzlin, l'abbé de Saint-Germain-des-Prés. La chancellerie de Francie occidentale compta un très grand nombre de notaires qui participèrent à la rédaction des actes au cours de cette seconde période. Les noms de Folchricus (859), Gauzlenus (860-864), Elifredus (862), Mancio (867-877), Frotgarius (867-869), Adalricus (867-875), Otfredus (868-870), Gammo (870-874), Ebbo (875-876/877) figurent ainsi au bas des diplômes. En outre, un nombre croissant d'actes donnés après 860 furent rédigés par des scribes étrangers à la chancellerie, ce qui favorisa l'éclatement des formes diplomatiques. Plusieurs préceptes furent aussi mis par écrit hors chancellerie, à l'abbaye de Saint-Denis, un phénomène propre à la Francie occidentale qui témoigne du lien étroit unissant la chancellerie de Charles le Chauve à la grande abbaye royale."

sources : voir extrait précédent

Charles le Chauve joua un rôle important dans le développement culturel et artistique des abbayes, comme nous allons le voir.
 
C'est indéniablement au Nord de l'empire que se développe un pôle culturel, autour des scriptoria de Saint Omer, de Saint Bertin, de Saint Vaast, d'Elnone (Saint-Amand), ce dernier étant probablement le plus important de tous, où a fleuri ce que l'on nommera l'art "franco-saxon", témoin des influences celtiques, et où a vu le jour la célèbre Bible dite de Charles le Chauve, dite la seconde Bible de Charles le Chauve, la première ayant probablement été réalisée dans le scriptorium de Saint Martin de Tours, bien qu'aucune certitude n'existe à ce sujet.
 
Charles le Chauve avait accordé une prééminence à Elnone, probablement à la suite des troubles causés par les invasions normandes à l'abbaye Saint Martin de Tours, dont la bibliothèque se vida à de nombreuses reprises pour assurer la sauvegarde des ouvrages. Ajoutons que la femme de Charles le Chauve, Ermentrude, morte en 869, avait offert à Saint Vaast trois des six textes en or et en argent que possédait encore l’abbaye au XIIIe siècle. Ces abbayes du Nord avaient des liens particuliers avec les abbayes de Saint-Germain-des-Prés et de Saint-Denis, réseau dynamisé par le roi lui-même, mais aussi par les commandes effectuées par les Grands du royaume. L'abbaye Saint-Denis était d'ailleurs le monastère préféré du roi, à laquelle il fit de nombreux dons, que nous détaillerons au chapitre de l'Art Carolingien.
 
Notons qu'en 868, Charles le Chauve confirme la donation réalisée par Girart de Roussillon du monastère de Vézelay au Saint-Siège, que le pape Nicolas Ier (858-867) avait accepté en 863. Girart (ou Gérard) de Roussillon est le beau-frère de Lothaire II, qui lui avait confié la tutelle de son fils et la régence du Royaume de Provence de 858 à 863. Girard avait fondé en 859-860 les abbayes de Pothières (près de Châtillon-sur-Seine, où il fut enterré avec sa femme Berthe) et celle, plus célèbre, de Vézelay. Cette dernière avait été bâtie au lieu-dit Fundus Vercellacus, concédé par Louis le Pieux au pied de la colline de Vézelay, où se trouve actuellement Saint-Père. C'était un couvent de moniales.
"La chanson de Girart de Roussillon raconte que, Charlemagne et Girart ayant combattu côte à côte pour chasser les Sarrasins d’Italie, l’empereur de Constantinople leur promet ses deux filles en mariage: l’aînée, Berthe, à Charles, et la cadette, Elissent, à son compagnon. Cependant, lorsque les deux princesses arrivent en rade à Bénévent, le roi tombe amoureux d’Elissent. Girart cède la fille, mais désormais les deux amis seront brouillés. Au terme de longs et romanesques combats, Girart et Berthe s’enfuient en Allemagne, où lui vendra du charbon et elle gagnera son pain comme couturière pendant 22 ans. Ils reviendront en France pour obtenir le pardon de Charles et pour fonder le beau moutier de Vézelay."

 

 

    Manuscrit anonyme hollandais, vers 1450, avec enluminures inspirées de Rogier van der Weyden. Peinture, or, et encre sur parchemin - 395 x 300 mm - Österreichische Nationalbibliothek, Vienne
    La grande illustration d'introduction est caractéristique de l'art de van der Weyden. Elle représente le mariage de Girard de Roussillon d'avec Berta (Berthe) prononcé par un évêque qui joint les mains des époux. Les quatre miniatures illustrent le propos de l'ouvrage : en haut et en bas sont représentées les Vandales assiégeant la forteresse de Roussillon (dont Girard tire son nom), elle-même représentée à droite. Enfin, à gauche, on peut voir une illustration fantaisiste du monastère de Pothières, fondé par les deux époux.

 
Girard chassé de Vienne en 870-871, Boson devient alors le favori de Charles le Chauve, qui lui confie le gouvernement du Lyonnais et du Viennois : Le roi va même jusqu'à l'associer à la commémoration des morts de la lignée carolingienne, qu’il avait organisée dans l’abbaye de Saint-Denis lors des fêtes de Pâques de l’année 875. Deux ans après, l'année de sa mort, l'empereur fonde la collégiale Sainte-Marie, la future abbaye Saint-Corneille de Compiègne, consacrée le 5 mai 877. Plusieurs rois de France y furent sacrés : Louis II le Bègue (877, il y meurt en 879), fils de Charles le Chauve, Eudes (888), Louis V (979) et Hugues II (1017) ; certains y eurent leurs tombeaux : Louis II le Bègue (879), Louis V (987) et Hugues II (1025), rénovés par saint Louis.

Au même moment où règne Charles le Chauve, apparaît un personnage important de l'histoire de France, à l'origine de la dynastie Capétienne, c'est Robert le Fort, grand aristocrate de Francie orientale, lié à notre sujet par les places de choix qu'occupèrent différents membres de la famille. Ce sera l'objet du prochain chapitre.

 
Sources :
 
Dom Louis Gougaud, Les Chrétientés Celtiques, Librairie Lecoffre Gabalda, Paris, 1911.
http://www.bnf.fr/web-bnf/pedagos/dossitsm/gc58-1.htm
http://www.ville-caen.fr/mdn/acquisitions99.htm ("Reliquaire" de Charrier)
http://gallery.euroweb.hu/html/zgothic/miniatur/1402-450/02n_1403.html (Gérard de Roussillon)
http://www.bnf.fr/enluminures/images/jpeg/i1_0020a.jpg (eginhard)
http://www.louvre.fr/francais/collec/oa/oa8260/oa_f.htm (statue équestre Charlemagne)
http://perso.wanadoo.fr/jm.ouvrard/comuno/noms/st_cyb.htm (blason Saint-Cybard)
http://hotel-am-rathaus-wildeshausen.com/fr/html/alexanderkirche.html
http://www.empa.ch/plugin/template/empa/*/24577/---/l=1
 

 

 

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