ENCYCLOPEDIE -DE--LA--LANGUE -FRANCAISE

ABBAYE
 

--------Temps des Mérovingiens

 

 
-Abbaye de --Fleury-----
.
1e partie
 
de la fondation à l'abbé Abbon--

 


   Fleury-sur-Loire (Saint-Benoît-sur-Loire, 45)
  Fondation environ 640
   Bénédictins
aujourd'hui : en activité


 
L'histoire
 

      Abbatiale de Fleury. Dessin de Charles Pensée,
      lithographie de Engelmann.
      Album du département du Loiret, par C.-F. Vergnaud-Romagnési (1827)
      Photo extraite du livre Visages de l'Orléanais,
      par Bruley, Crozet et Sibertin-Blanc,
      Editions Horizon de France, 1951.

 

L'abbaye aurait été, selon la tradition, fondée en un lieu de rassemblement des druides en pays carnute considéré par les Gaulois comme le centre de la Gaule, et qui avait été donné à l'église par le seigneur de Fleury et Lengilde, son épouse. Selon l'illustre Jean Mabillon (1632-1707), cette fondation aurait eu lieu en 640 par saint Léodebald ( ou Léodebode, plus tard Liébaut, en latin Leodebodus, Leodebaldus ; fête le 8 août), abbé de Saint-Aignan d'Orléans sous Clovis II, et le monastère est placé sous le double patronage de sainte Marie et de saint Pierre. Les renseignements fournis par Mabillon ne sont en rien une certitude historique : on admet aujourd'hui que le monastère a vu le jour entre 630 et 650 et on ne possède aucune preuve sur l'acte de l'abbé de Saint-Aignan.

On sait d'avantage que quelques moines s'établissent sur la rive nord de la Loire, à 30 km en amont d'Orléans, sur une petite butte proche du village de
Fleury ( Floriacum ), et y construisent une église dédiée à Notre Dame, tandis qu'une seconde colonie de moines s'installe à une centaine de mètres plus loin, autour d'une église Saint-Pierre. A cette époque ces communautés ne vivent pas encore sous la règle de saint Benoît, mais sous celle d'un autre grand fondateur, saint Colomban. Les deux communautés ne tardent pas à fusionner et le monastère est désormais connu sous le nom de Saint-Pierre de Fleury, changé en Saint-Benoît de Fleury au VIIIe siècle, après la translation des reliques de saint Benoît.

En effet, vers 660, un voyage est effectué au Mont-Cassin à l'initiative du deuxième abbé de Fleury, Mommole (Mummole, en latin Mummolus) , parti avec quelques moines dérober les reliques de saint Benoît, sous prétexte de les soustraire à l'impiété des pilleurs Lombards. Mabillon le confirme, comme en témoigne l'inscription encastrée dans les murs de son église abbatiale
"L'an de notre Seigneur 660 le 5 des ides de Juillet sous le règne de Clovis, fils de Dagobert, le corps de saint Benoît a été transporté, par le ministère du moine Aigulphe, du mont Cassin dans ce monastère de Fleury, saint Mommole étant abbé." Mabillon, toujours, a imprimé en 1685 le " brevis narratio ", document qu'il date du VIIe siècle et qui parle du déplacement des reliques du saint en l'abbaye de Fleury (Mabillon : Vetera Analecta, vol. IV, 1685, pp.451-453), événement conforté par le célèbre Paul Diacre (720-800), abbé du Mont-Cassin. La possession de la dépouille de saint Benoît fait toujours l'objet d'un débat entre Monte Cassino et Fleury. Ce voyage marquera les débuts d'une longue dispute entre l'abbaye de Fleury et celle du Patriarche de l'Occident, à la recherche d'une vérité jamais découverte de manière certaine : Où se trouvent exactement les restes de la dépouille de Saint Benoît ? L'abbaye de Fleury a fait procéder dans les années 50 à l'examen scientifique de ses reliques (voir
les reliques de Saint Benoît et la science), alors que celles conservées au mont Cassin n'ont jamais été soumises à ce type d'étude. Il y a tout de même des chances qu'on n'ait pas déplacé tous les ossements du saint : En effet, au cours des derniers travaux de reconstruction de l'abbaye du Mont-Cassin, qui commencèrent dès 1946, l'urne contenant les ossements du saint et de sa soeur aurait été retrouvée. Ces restes se trouveraient à présent dans la crypte, sous le maître autel de la basilique. Comme une implicite confirmation, le Père Abbé du Mont Cassin, venu prier dans la crypte de Fleury il y a quelques années, a reconnu qu'il y a deux lieux de culte de saint Benoît, l'un au Mont Cassin, l'autre à Fleury.

La présence d'un saint aussi vénéré attira à l'abbaye les faveurs des papes, des rois et des grands. Les richesses de l'abbaye devinrent considérables. Les pèlerins accouraient de toutes parts. Pépin le Bref accorda aux religieux la permission d'avoir quatre chariots et quatre bateaux exempts de tous droits pour parcourir les routes ainsi que les fleuves afin d'approvisionner leur abbaye de toutes les denrées nécessaires, donations confirmées plus tard par Charlemagne. Précisons aussi que, tout au long du Moyen- âge, l'abbaye de Fleury tenta, en concurrence avec d'autres seigneureries laïques, de s'approprier des villes, comme Châtillon-sur-Loire, qui fut l'enjeu de luttes entre l'Abbaye de Fleury (les moines de Saint-Benoît fondent à Nancray un petit établissement religieux), les seigneurs de Sully et les Comtes de Sancerre.
De cette époque fondatrice l'abbaye possède un témoignage original : châsse de Mumma (VIIe siècle), dont on lira les commentaires au chapitre de l'art mérovingien. Par ailleurs, dès l'époque mérovingienne, nous trouvons dans la bibliothèque de Fleury, à côté de commentaires scripturaires et patristiques, des recueils de canons, d'histoire sacrée, et même le traité de médecine de d'Oribase.
 
Au VIIIe siècle, un prieuré bénédictin dépendant de l'abbaye de Fleury-sur-Loire, est fondé à Sacierges. Il fut déplacé à Saint-Benoît-du-Sault (Indre) à la fin Xe siècle et donna son nom à la commune.
 

Le déplacement de la dépouille de saint Benoît est à l'origine de la rapide extension, de la prospérité et du rayonnement de Saint-Benoît de Fleury, tandis que le village prit plus tard celui de Saint-Benoît-sur-Loire. Une école y prit naissance sous Charlemagne et se développa rapidement sous l'influence de Théodulfe (environ 750-821). Les chroniques de Jean du Bois et du cardinal Baronius nous apprennent que les écoles de Fleury jouirent aussitôt d'une grande renommée, et qu'avec le collège que Charles le Chauve y fit établir pour sa noblesse lorsqu'il vint à Fleury conclure la paix avec son neveu Pépin d'Aquitaine, en 845, elles comptèrent à la fin du IXe siècle plus de 5.000 étudiants.


Toutes ces richesses excitèrent la convoitise des Normands qui la pillèrent et l'incendièrent ainsi que l'église (restaurée par Carloman), à peu près tous les dix ans entre
854 et 897. Cela n'empêcha pas en tout cas Adrevald entreprit d'écrire le récit des miracles arrivés au tombeau de saint Benoît. Il cessa d'écrire vers 878. Aimoin continua son oeuvre. Il composa aussi les Gestes (les Francs, une Histoire des abbés et la Vie d'Abbon.


L'abbaye va refleurir à nouveau, et les Xe et XIe siècles sont la grande époque du rayonnement spirituel, intellectuel et artistique de Fleury, en particulier sous la direction de deux abbés exceptionnels :
Odon (879-942 abbé de Fleury de 930 à sa mort) et Abbon (945-1004, abbé de Fleury de 988 à sa mort.



Sur quelques cinq cents manuscrits connu comme ayant appartenu à l'abbaye, (et dont la Bibliothèque d'Orléans conserve la moitié), on a retrouvé tout ou partie de :

- 25 manuscrits du VIe ou VIIe siècles
- 14 du VIIIe
- 50 environ du IXe
- 84 du Xe
- 60 environ du XIe
soit plus de deux cents manuscrits antérieurs au XIIIe siècle, ce qui donne une idée de l'importance du scriptorium de Fleury depuis la création mêmedu monastère.

Fleury devient à son tour maison modèle et centre réformateur exerçant son influence sur la Lorraine, le Val de Loire, la Bretagne, la Normandie et l'Angleterre. En Angleterre, la règle de saint Benoît fut remise en honneur au milieu du Xe siècle par Dunstan, Ethelwold et Oswald, qui s’étaient formés sur le continent, à Gand, à Fleury et en Bourgogne.

Les études de droit ou du moins le souvenir du droit a pu se maintenir dans certains centres monastiques privilégiés, où s'était préparée la " renaissance carolingienne ". Dans les scriptoria du bord de Loire, à Fleury et Saint-Martin de Tours, deux abbayes qui " regardent " beaucoup au sud et peuvent être considérées comme déjà méridionales, l'étude du droit a trouvé refuge ; les moines recopient les oeuvres ecclésiastiques ou profanes . La culture d'Abbon de Fleury, le maître de Fulbert de Chartres, est imprégnée d'Antiquité romaine.

Sous l'abbatiat d'Abbon, Fleury atteint l'apogée de son rayonnement. Abbon est tenu par ses contemporains pour l'homme le plus instruit de son temps, son œuvre littéraire et scientifique est vaste et il sait discerner et favoriser les dons littéraires de ses moines. Le monastère reçoit du Pape une charte d'exemption. Par ailleurs, le Français Gerbert, qui fut proclamé pape le 2 avril 999, sous le nom de Sylvestre II, fut moine à Fleury. Sous son
abbatiat et celui de Gauzlin (Gasselin, Gozlin, 967-1030), son successeur, l'abbaye abrite toute une pléiade d'écrivains, historiens, hagiographes ou poètes dont certains, comme leur abbé, trouvent encore de nos jours des éditeurs et des traducteurs. L'activité artistique fut surtout l'œuvre de la génération suivante, celle qui se formait sur les bancs de l'école abbatiale lorsqu'Abbon était abbé, et qui épanouit son talent sous Gauzlin, fils naturel (on dit bâtard de France) de Robert le Pieux, Abbé de Fleury de 1004 à 1013 et archevêque de Bourges de 1013 à 1030.

 


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