ENCYCLOPEDIE -DE--LA--LANGUE -FRANCAISE

ABBAYE
  Origines -Temps des Mérovingiens
   
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ABBAYE
--SAINT MAURICE--


  Saint-Maurice d'Agaune ( Suisse, Valais)
  Fondation environ 515
Saint Augustin
en activité


 
Introduction
Le martyr de saint Maurice et de ses compagnons
Histoire


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1 et 2 : Angelico Theotokopoulos dit Le Greco (Candie 1541 - Tolède 1614), Martyre de saint Maurice*, 1580-1582, Escurial.
3 : Matthias GRÜNEWALD ( 1470-80, Würzburg à 1528, Halle), Saints Maurice et Érasme, 1517-23, Alte Pinakothek de Munich, huile sur bois, 226 x 176 cm. Cette oeuvre fait partie des meilleures oeuvres des dernières années du peintre, qui sont encore peu connues.

Introduction

Verolliez : Le lieu supposé du martyre de Saint Maurice et la Légion Thébaine


Au départ, il y a Acaunus, nom celte qui fait allusion à une roche pointue, la "Cime de l'Est" qui domine la région. Elle devient Agaunum ( plus tard, Agaune) à l'époque romaine. Dans l'étroit défilé par où le Rhône s'échappe du Valais pour courir vers le Lac Léman, l'Empire romain avait installé une garnison qui contrôlait les passages. En effet, Agaunum était sur la route du Summus Poenius (Col du Grand-Saint-Bernard) qui conduisait soit vers la Germanie rhénane, soit vers la Gaule septentrionale.

C'est dans cette plaine d'Agaunum que se situe le drame du martyre de saint Maurice et de ses compagnons, à l'origine de la fondation du monastère d'Agaune, qui deviendra l'abbaye Saint-Maurice d'Agaune ou Saint-Maurice, tout court.

Ce drame se passa sous le règne conjoint de Dioclétien et de Maximien Hercule, vers 302, selon la principale source connue de cet épisode sanglant, à savoir saint Eucher, évêque de Lyon de 435 à 450, qui intitula son récit : " Passion des martyres d'Agaune ", écrit rédigé vers 430. Par ailleurs, Eucher fait déjà mention dans ses écrits de présents en or et argent offerts "en l'honneur et pour le service des saints".

Le martyr de saint Maurice et de ses compagnons


Une troupe fut appelée d'Egypte, pour appuyer Maximien, marchant contre les Bagaudes révoltés et les Alamans. On a parlé longtemps d'une légion, mais les historiens modernes penchent plutôt pour une vexillatio, un corps moins important de 200 à 500 soldats. Ces soldats étaient des thébains, donc d'une ville de Thèbes : Grèce ou d'Egypte, on ne sait vraiment. Cette troupe campait près d'Agaune, à Octodure ( Octodurum, l'actuelle Martigny, dans le Valais) et Maximien voulut contraindre ces soldats chrétiens à agir contre leur conscience en sacrifiant aux dieux et en persécutant d'autres chrétiens. Saint Maurice et ses compagnons décidèrent d'obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes et ils périrent sous le glaive de la discipline romaine, 6666 hommes dit la petite histoire : ce chiffre trop symbolique ( le chiffre de la Bête 666 n'est pas très loin !) n'est pas vraiment crédible. D'autre part, nul auteur chrétien du siècle suivant le martyre n'en parle, de même des auteurs relatant les persécutions endurées par les chrétiens, que ce soit Lactance, Sulpice Sévère, Ambroise, Prudence, Eusèbe, Orose, aucun n'en dit le traître mot, même si Allard , dans ses Histoire des persécutions (1890) ou Analecta Bollandiana (1891), prétend qu'il n'y a aucune raison que ceux-ci en aient parlé. On doit à Franz Stolle (Les martyrs de la légion Thébaine, 1890 ) un inventaire exhaustif des sources sur le sujet : Deux éditions des "Actes" des martyrs, des entrées dans le calendrier et la martyrologie, et enfin, le récit d'Eucher déjà cité.
Par ailleurs, chose étrange, personne ne parle de cet impressionnant événement jusqu'à Théodore, évêque d'Octodure ( 369-391 ), qui aurait eu connaissance d'une basilique construite en l'honneur des martyrs....par une révélation !
D'autre part, c'est tout de même étonnant, ces empereurs païens qui enrôlent, non seulement une troupe entière de chrétiens, mais une troupe entière de fous de Dieu, tous prêts à mourir en son nom !
Enfin, la lettre d'Eucher à l'évêque Salvius, où il énumère les témoignages successifs de la tragédie ne peut satisfaire en aucune façon la critique historique : Même si certains faits sont historiquement exacts, ils n'ont pas de lien direct avec le récit du massacre ; même si les témoignages miraculeux ont été écartés par Eucher, les discours prêtés aux martyres sont probablement nés de son talent littéraire, dont paraît-il, il ne manquait pas.
 
L'encyclopédie Berthelot ( fin XIXe ) disait qu'on pouvait voir à Cologne, cinquante-sept crânes anonymes désignés comme appartenant à la fameuse légion thébaine, mais je n'ai trouvé aucune information actuelle à ce sujet.
 
En conclusion, il paraît raisonnable de penser que Maurice et un certain nombre de ses compagnons d'armes sont tombés dans un traquenard mortel, quelque part dans le défilé d'Agaune, entre 292 et 303, mais on n'en saura sans doute jamais ni l'ampleur ni le détail.