ENCYCLOPEDIE -DE--LA--LANGUE -FRANCAISE

-ABBAYE
  -Lieux et vie de l'abbaye
 
 
L'habit du moine
Des origines au Ve siècle
 

 

 

 

 
 

 
Epoque mérovingienne
MITRES ET CROSSES
Des Carolingiens au XIe siècle
XIIe siècle

Document annexe : Vêtements du culte catholique
 
extrait de : http://www.culture.gouv.fr/culture/inventai/telechar/to207.pdf

 
 
 
L'HABIT MONASTIQUE
 

 
Introduction

 
Avant les prescriptions de saint Benoît de Nursie, à partir desquelles il se composera de manière plus normative, on connaît mal le détail de ce que fut l'habit monastique occidental au début de la chrétienté. En l'absence de règles, il semble qu'il y ait eu pendant longtemps une grande liberté en la matière, et nous nous bornerons à parler des vêtements les plus caractéristiques, des tendances, comme on dirait aujourd'hui.
 
Ce qui est sûr, c'est que, jusqu'au IVe siècle de notre ère, les habits civils et religieux ne différaient guère dans le monde chrétien. Non, que les clercs portaient indifféremment n'importe quel habit civil, nous verrons qu'il y avait déjà une tradition en la matière, mais un laïc pouvait fort bien s'habiller de la même façon. Et pour cause, puisque les moines adoptèrent, en Orient ou en Occident, par humilité, par souci d'économie, parfois les deux, des vêtements portés par les classes populaires ou serviles. Comme les vêtements en usage à Rome furent longtemps, nous le verrons, les plus représentatifs de ceux portés dans son Empire même défunt, nous verrons les moines occidentaux souvent porter les habits des pauvres de l'Empire.
 
Dès le IVe siècle, il semble qu'il était de règle pour les gens d'Eglise en général de porter des habits longs et flottants. Quant à sa nature et sa couleur, l'habit du moine était à l'origine de la couleur naturelle de la laine, en général blanc ou écru. Il en sera ainsi généralement chez les Bénédictins jusqu'au VIIIe siècle, qui adopteront ensuite le noir, qu'ils ont conservé jusqu'aujourd'hui. C'est ainsi qu'ils seront appelés les "moines noirs", par opposition aux "moines blancs" Cisterciens.

Des origines au Ve siècle

En Orient, particulièrement en Egypte, le plus important berceau du monachisme chrétien, il est fait surtout mention du maforte, sorte de long manteau serré et de laine grossière, qui ne doit pas être confondu avec le maforte (ou mafors), voile des vierges vouées au renoncement des plaisirs terrestres. On en parle parfois comme un melote (melos : en grec, brebis) : porté sur une tunique sans manche, il est muni d'un capuchon et d'une ceinture. C'est un vêtement des plus humbles, et cette pauvreté évangélique sera aussi de mise en Occident par les premiers moines solitaires, dont Quicherat nous dit qu'ils ont porté une longue tunique brune et un tribonium, et qu'ils étaient chaussés d'une paire de sandales. Détaillons l'ensemble de cette tenue :
 
La tunique, de laine ou de fil selon la saison, est le vêtement de base des gallo-romains. Il en est de formes et de couleurs très variées (par exemple blanc, vert, rouge et violet), mais l'ordinaire est composé d'une double tunique. Une sur la peau (subcula) et une, par-dessus la précédente, qui était la tunique proprement dite. Elles étaient serrées à la taille par une ceinture, ou flottantes. Elles pouvaient avoir ou non des manches, courtes ou longues. La tunique sans manches, qui couvrait simplement le haut des bras et leur laissait ainsi toute liberté, est connue sous le nom particulier de colobe (colobium, mot latin dérivé d'un terme grec qui signifie écourté) :
 
Chez les Romains de la République, c'était le vêtement d'intérieur par excellence. "Sa façon, nous dit Quicherat, était celle d'un sac ouvert par les deux bouts. On procurait en haut, au moyen de fibules, ou de quelques points faufilés, trois ouvertures, une pour le cou et deux autres pour le bras.
Le colobe sans ceinture et descendant jusqu'à mi-jambe fut très porté par les citadins gallo-romains du IIIe siècle, concurremment avec une autre tunique longue, également déceinte et munie de manches larges comme celle d'une simarre. C'était la dalmatique, qui devait son nom à ce que les Romains l'avaient emprunté aux Dalmates." Extrait de Histoire du costume en France, de Jules Quicherat (1875)
Chrétienne du Ve siècle en dalmatique (Perret, Catacombes de Rome).
 
Le tribon (tribonium, du grec tribon, frotter) était un grossier pallium, cet ample manteau transmis par les Grecs. Il était utilisé par les pauvres, les philosophes errants, et il avait toujours l'air usé.
Romain en pallium, de la colonne Trajane.
 
Les sandales étaient la chaussure type de l'antiquité. Comme pour le reste de l'habit, les chaussures du moine étant celles des humbles de son temps, les sandales qu'ils chaussaient l'étaient aussi par les classes les plus humbles de la société. Le plus souvent en cuir, elles pouvaient prendre toutes sortes de formes et de laçage. La plus répandue était la calceus (pluriel calcei), à larges lanières et lacées au-dessus des chevilles : L'orateur ou Arringatore. Statue de bronze, vers 100 av J.C, musée archéologique de Florence. En plus d'une tunique et d'une toge, l'orateur porte des calcei.
 
 
La calige (caliga, pluriel caligulæ)était une espèce de sandale utilisée surtout par les soldats romains et divers corps de métiers ouvriers. Elle était liée aux pieds par différentes courroies, parfois avec des ferrures plus ou moins ouvragées. Elle est prise ici comme exemple à dessein, car cette chaussure est prescrite par saint Benoît dans sa règle, comme nous le verrons un peu plus loin.
 
Rappelons encore que, ni les vêtements, ni les chaussures dont nous avons parlé, ne représentent un costume monastique bien défini. Ce sont peut-être les plus représentatifs, ceux dont nous nous sommes certains qu'ils ont fait partie des habits portés par les moines de cette époque.
 
 
A l'époque de la fondation de l'abbaye de Ligugé, symboliquement titrée premier monastère d'Occident, on constate que, pour avoir part à la vénération que les moines inspiraient, les évêques, et à la suite, leurs clercs, empruntèrent de plus en plus les habits monastiques. Nombre de religieux, comme saint Germain d'Auxerre (378-448), qui n'avait jamais été moine, voulut leur ressembler et se couvrait été comme hiver d'une coule et d'une tunique, qui couvrait un cilice. Nous avons déjà parlé de la tunique, examinons donc la coule et le cilice.
 
La coule, c'est le pluvius ou cucullus des latins. Ce nom aurait à l'origine désigné une sorte de sac dans lequel les épiciers glissaient les marchandises de leurs clients. Il était porté à l'origine par les enfants et les paysans. C'était un capuchon qui permettait de se protéger du vent et de la pluie, et qui faisait partie de nombreux vêtements. Juvenal (VI, 118) et Martial (XI, 98) se réfèrent tous deux au cucullus de la lacerna (la lacerne, dont nous allons parler bientôt). Saint Jérôme et Cassien parle du cucullus comme faisant partie de l'habit monastique. La coule désigna rapidement le vêtement dans son ensemble, chape plus capuchon. Quand l'empereur Théodose promulgue son édit de 382, il fait spécifier que la cuculle est un des vêtements qui permettra désormais de reconnaître les esclaves. Le choix délibéré des moines de porter des vêtements les plus humbles paraît, une nouvelle fois, être confirmé, d'autant plus qu'il a été, nous le verrons plus loin, prescrit par saint Benoît. Cette coule différait de ce qu'elle devint par la suite. Pour l'instant, elle formait sur la poitrine comme un large rabat. Le pan de derrière se divisait en deux longues bandes que le religieux enroulait autour de sa ceinture :
Saint-Benoît, d'après une mosaïque antique dessinée par Camilli (Cabinet des estampes de la Bibliothèque Nationale)
 
 
Le nom de cilice, quant à lui, est donné d'abord à une étoffe de poil de chèvre ou de chameau fabriquée en Cilicie, dont les matelots se servaient pour leurs voiles et les soldats pour leurs tentes, ce mot a été étendu à divers tissus grossiers et rudes. Aux jours de deuil, les Hébreux prenaient la cendre et s'enveloppaient de sacs de fils de chanvre. Les écrivains ecclésiastiques appellent ordinairement ces sacs des cilices. Dans l'église chrétienne, le cilice fut pareillement employé, avec cette signification symbolique, et son sens se rattacha à une espèce de chemise de crin, qu'on mettait à même la peau comme premier vêtement. Les catéchumènes, qui sollicitaient le baptême, se présentaient à leur examen d'admission (acrutiaium), pieds nus et revêtus d'un cilice ; le mercredi des cendres, les pénitents portaient un cilice ; dans les temps de calamité, les autels étaient parfois couverts de cilices ; on plaçait parfois aussi sur les corps des morts des cilices bénits par les prêtres. Après avoir été un symbole d'humiliation, cet objet devint un instrument de mortification. Dans l'Epitaphe de Népotien, saint Jérôme dit que ce jeune homme, lorsqu'il était au service de l'empereur, portait un cilice sous sa chlamyde et ses riches vêtements. Cassien le réprouvait chez les moines comme affichant l'intention à une austérité supérieure et gênant le travail. En 428, Célestin, évêque de Rome, réprouva grandement lui aussi cette tendance. Cependant, l'usage du cilice, rare d'abord, se généralisa dans les couvents. Chez les Dominicains, les Franciscains, les Chartreux et d'autres religieux, il fut imposé par la règle. Dès lors, on en réduisit les dimensions et on en fit une sorte de camisole sans manche ou de ceinture tissée de chanvre et de crin. Le cilice prit parfois le nom de haire, et on s'ingénia à le rendre de plus en plus suppliciant. Bien des dévots restés dans le monde se l'appliquaient, comme l'attestent les vies de plusieurs saints et saintes et un vers célèbre de Racine.